8 septembre 2025 | tiré du site de Révolution permanente
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Chute de Bayrou : une première victoire du mouvement du 10 septembre
Le baroud d’honneur de François Bayrou et ses leçons interminables sur la nécessité de réduire le déficit et la dette n’auront pas suffi. François Bayrou est tombé ce lundi soir, après avoir demandé un vote de confiance au Parlement, dans l’espoir que le RN s’abstienne. Raté. Rejeté par 364 voix, Bayrou perd le vote de confiance. La démission du Premier ministre devrait avoir lieu mardi matin, mais la chute du gouvernement devrait être fêtée dans de nombreuses villes en France dès ce soir.
Le pari perdu de Bayrou est une première victoire pour la colère ouvrière et populaire qui s’est exprimée après les annonces austéritaires du 15 juillet dernier. À la différence de Barnier, qui était tombé en premier lieu du fait de la profonde crise politique et d’une décision tactique de l’extrême-droite, cette fois c’est le rejet massif suscité par le budget 2026 et la préparation d’une mobilisation le 10 septembre qui a mis Bayrou à terre, en obligeant les partis qui le soutenaient à un revirement.
Cette première victoire démontre les potentialités de la mobilisation par en bas, et doit servir de point d’appui pour renforcer la préparation du 10 septembre, puis du 18. Car si la chute de Bayrou témoigne des fragilités du régime et de la profonde colère face à l’austérité, Macron et les classes dominantes comptent bien chercher à reprendre la situation en main.
Une crise politique XXL
La chute d’un gouvernement à la suite d’un vote de confiance est une première historique sous la Ve République. En l’espace d’un an, Bayrou est le troisième Premier ministre à être chassé de Matignon, dans le cadre d’une crise politique qui s’approfondit en continu depuis 2022. Au moment où un mouvement social pourrait se développer, cette situation met Macron et l’institution présidentielle qu’il incarne en première ligne face à la colère. De quoi faire craindre aux éditorialistes des classes dominantes une bascule dans une « crise de régime », qui mènerait à l’effondrement de la Ve République, régime qui a assuré la stabilité du capitalisme français pendant des décennies.
La France vit peut-être un moment de rupture. La crise politique n’est plus épisodique, mais structurelle : la Ve République, conçue pour stabiliser le pouvoir de l’État, est aujourd’hui paralysée. Dans ce contexte, la chute inéluctable de Bayrou agit comme un symptôme et un accélérateur. Pour la première fois depuis l’aggravation de la crise politique après la dissolution ratée de 2024, elle s’accompagne de la perspective d’un nouveau mouvement social, avec des éléments de radicalisation en dehors du contrôle des bureaucraties syndicales. Une situation qui commence à inquiéter la bourgeoisie.
Dans ce cadre, il est probable que Macron cherche à nommer rapidement un nouveau Premier ministre, en pariant sur un nouveau gouvernement du socle commun. Les noms de Darmanin, Vautrin, Retailleau ou Lecornu circulent en ce sens dans les lieux de pouvoir. D’ores et déjà, les négociations pour obtenir un accord de non-censure vont bon train. Après avoir déposé sa candidature à Matignon, le PS, rejoint par les Écologistes, se pose en roue de secours du régime en échange d’une mesure symbolique de taxation des « riches ». Du côté du RN, l’hypothèse d’un accord de non-censure pourrait également se concrétiser. Si Marine Le Pen exclut d’emblée de soutenir un gouvernement qui compterait des membres du NFP, Lecornu pourrait parvenir à arracher son soutien tacite, en reprenant des pans entiers de son programme raciste.
Un tel gouvernement du bloc central, qui répéterait l’expérience Bayrou ou Barnier, serait cependant plus fragile encore que ses prédécesseurs et devrait affronter à la fois le risque d’une censure en même temps que le mouvement en train de se construire. Ce sont ces limites qui expliquent des secteurs du régime envisagent des alternatives, comme l’idée de propulser l’extrême droite de Marine Le Pen à Matignon à l’issue de nouvelles élections législatives, formulée par Sarkozy ou Breton pour tenter de retrouver une stabilité relative. Un tel scénario impliquerait un saut bonapartiste inédit sous la Ve République, mais pourrait lui aussi s’avérer explosif.
Construire le 10 septembre, continuer le 18 pour imposer un plan alternatif aux directions syndicales
La situation et ses dangers exigent que le mouvement ouvrier ne laisse pas la crise dans les mains des classes dominantes et cherche à intervenir pour imposer une autre issue. Face aux manœuvres par en haut, il y a urgence à s’organiser et à intervenir avec nos propres méthodes, pour dégager Macron et arracher nos revendications. En ce sens, le mouvement du 10 septembre exprime ces dernières semaines une aspiration d’un secteur de l’avant-garde militante à organiser la lutte contre le gouvernement.
De nombreuses AG s’organisent dans tout le pays, comme à Nantes ou à Paris, où des points de blocage sont organisés autour des piquets de grève, tandis que des secteurs du mouvement ouvrier ont investi les assemblées générales et lient leurs grèves aux mobilisations. C’est le cas par exemple des énergéticiens, des travailleurs des transports lyonnais, des hôpitaux de Tenon et de Beaujon ou encore des travailleurs de la RATP et des cheminots du Bourget.
Ces dynamiques montrent qu’il existe une envie de se battre et qu’elle dialogue avec l’état d’esprit de secteurs du prolétariat. La journée du 10 septembre permettra de donner une idée de la capacité de ce mouvement à construire un rapport de force. Mais une chose est déjà sûre : si l’énergie militante qui commence à se déployer se dote d’une stratégie pour s’étendre et de perspectives, cette dynamique auto-organisée peut permettre d’impacter le mouvement ouvrier, et de transformer la nature du 18 septembre, contre les plans de l’intersyndicale, en en faisant un point d’appui pour l’élargissement du mouvement.
En ce sens, si les actions de blocage qui se préparent dans le cadre du mouvement du 10 septembre peuvent jouer un rôle dans la mobilisation, elles ne permettront pas à elles seules de construire un rapport de force durable à même de bloquer l’économie. À l’heure où une large partie de la population est en colère, c’est bien une grève générale politique, qui porte les aspirations de l’ensemble des secteurs ouvriers et populaires, qui peut permettre de réellement « bloquer tout » et d’arracher nos revendications.
C’est donc cette perspective que les AG doivent permettre de construire, en refusant de limiter leurs objectifs à faire tomber Macron pour imposer de nouvelles élections comme le demande la France Insoumise, et en se dotant d’un programme qui articule revendications sociales et politiques. Le refus de l’austérité et de la militarisation, l’abrogation de la réforme des retraites pour une retraite à 60 ans ou encore un financement massif des services publics prélevé sur les profits du patronat bien sûr. La démission de Macron évidemment. Mais aussi la fin de la Vème République, qui offre de multiples leviers aux classes dominantes pour tenter de sortir par le haut de la situation, en exigeant la mise en place d’une Assemblée unique, dont les députés seraient élus pour 2 ans par des assemblées locales, révocables et payés comme un·e infirmier·e.
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