Édition du 16 avril 2024

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Environnement

Climat : Cancún à mi-parcours

L’échec » de Copenhague amplifie les discours de tous ceux qui voudraient réduire ces négociations à des discussions techniques et qui sont prompts à accuser toute expression politique de tentative de sabotage.
Les grandes puissances ont repris de l’assurance et tentent de faire tomber les jalons restants.

À l’issue de la première semaine de négociations, les perspectives de « compromis positifs » semblent éloignées. Les accords sectoriels espérés pour permettre la poursuite du processus - accord sur la déforestation (REDD+) et accord sur le fonds vert de financement annoncé à Copenhague - entendaient se passer du renouvellement des engagements des pays industriels à des réductions d’émissions et des financements significatifs.
Ces questions, passées sous la table au départ des négociations, reviennent en discussion avec le refus des pays du Sud que soit abandonnée l’idée d’un traité contraignant.

Le Japon, suivi de la Russie et du Canada, a exprimé clairement ce qui se tramait en coulisses : le front du refus des pays riches à s’engager dans une seconde période « post-Kyoto » s’élargit.

La réaction des pays de l’ALBA lors d’une conférence de presse a été sans appel : les responsables des délégations de la Bolivie, du Venezuela et de l’Equateur entre autres ont clairement rappelé que les accords sectoriels ne pouvaient être seulement des accords techniques, mais qu’ils étaient eux-mêmes conditionnés par des engagements clairs en vue d’un traité contraignant pour l’après 2012.

Mais « l’échec » de Copenhague amplifie les discours de tous ceux qui voudraient réduire ces négociations à des discussions techniques et qui sont prompts à accuser toute expression politique de tentative de sabotage.
Les grandes puissances ont repris de l’assurance et tentent de faire tomber les jalons restants.

Le paquet dit « LULUCF » est en passe d’être agréé (Land use, land-use change and forestry, usage de la terre, transformation de l’usage de la terre et des forêts) : il s’agit de compenser les émissions par le développement des capacités de la terre et des forêts à capter et séquestrer le carbone (puits de carbone). C’est l’Union européenne qui pilote la négociation. En effet le LULUCF permettrait d’amoindrir les obligations de réductions d’émissions de GES en comptabilisant les gains de réduction offerts par le développement des bioénergies (biomasse, biochar) et des techniques de stockage de carbone dans les sols ou les plantations (puits de carbone). L’Union européenne y voit non seulement un instrument idéal d’ajustement de ses engagements mais aussi un dopant inespéré pour son économie. La terre serait ainsi mobilisée pour délivrer des millions de crédits carbone !

L’accord sur la déforestation dit REDD+ serait déjà conclu si les pays de l’ALBA, menés par la Bolivie, ne s’opposaient pas au financement privé des projets par les mécanismes de la finance carbone, fondés sur l’idée de compensation et réduisant ainsi les obligations des pays riches à réduire réellement les émissions sur leur territoire. Les pays de l’ALBA et les mouvements sociaux, en particulier la plupart des communautés indigènes, exigent que la préservation des forêts soit financée par des fonds publics et dans le respect des droits des populations locales.

Les montants des financements ne sont plus discutés, alors que les sommes avancées dans le texte de Copenhague ne sont pas suffisantes. Seule leur structure est en jeu. Une proposition mexicaine, qui semble en fait être celle des USA, a pris de court les négociateurs : les pays développés (qui refusent tout engagement contraignant) demandent aux pays en développement de s’engager sur des chiffres et des actions d’atténuation avant de trancher sur les modalités et les montants des financements. Quant au Fonds vert, il serait administré par la Banque mondiale. En l’absence de financements publics, ce fonds serait alimenté de fonds privés, via les marchés du carbone notamment, alors que la proposition du G77+Chine consiste à abonder un fonds onusien par le versement obligatoire de 1,5% de leur PIB par les pays développés.

Le déséquilibre entre l’importance des délégations des pays industrialisés et la faiblesse de celles des pays en développement est criant. Et les rumeurs de restriction de l’accès des ONG à l’espace de négociations dans la phase finale de discussion (à partir de mercredi) s’amplifient.

C’est dans ce contexte que les mouvements paysans, les associations des peuples indigènes, les mouvements sociaux présents à Cancún manifesteront pour faire entendre la voix des peuples, celle qui s’était manifestée à Cochabamba et dont l’esprit semble bien loin des négociations officielles.

Attac France, 
Cancun, le 6 décembre 2010

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