Édition du 3 décembre 2024

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Le blogue de Donald Cuccioletta : La Gauche américaine en 2020 : Stratégies et perspectives

Comment les luttes du passé ont contribué aux luttes d’aujourd’hui

Souvent quand nous regardons l’évolution de la lutte des classes aux États-Unis, nous oublions de prendre en compte comment les luttes des années 1960 pour nous donné un ont créé des racines sur lesquelles les luttes d’aujourd’hui ont émergé. Cette décennie a pourtant marqué les États-Unis comme nulle autre dans l’histoire de cette société. Une nouvelle génération est née après la Deuxième Guerre mondiale, et en 1960, l’élection d’un nouveau président (le jeune John F. Kennedy) indiquait que l’avenir était prometteur. Cette nouvelle génération, surtout blanche, a envahi les campus comme jamais auparavant. Dans le sud, et aussi dans le nord, la ségrégation raciale (une forme d’apartheid à l’américaine) maintenant la nouvelle génération afro-américaine sous différentes formes d’oppression malgré l’abolition de l’esclavage avec les inégalités, le racisme, et la brutalité policière (ce qui n’a pas changé aujourd’hui).

La lutte pour les droits civiques, déjà entrepris depuis les années 1950 avec Rosa Parks, Martin Luther King, le boycottage des autobus à Montgomery en Alabama, a pavé la voie pour les combats à venir. L’espoir qu’avait suscité JFK s’est effondré avec la Guerre du Vietnam et l’envoi de 5000 troupes américaines par le président démocrate. Des jeunes blancs pleins d’espoir et de jeunes Afro-Américains ont été envoyés au front pour servir les intérêts de l’impérialisme américain. La jonction entre la lutte pour les droits civiques et la Guerre du Vietnam a commencé à se consolider après l’assassinant de JFK. Les interventions de Malcolm X démontraient que les jeunes noirs étaient ciblés par les recruteurs de l’armée pour, leur service militaire et aussitôt envoyés au Vietnam. Arès l’assassinat de Malcom X, la relève afro-américaine, avec les « leaders » comme Stokely Carmichael (l’auteur du slogan Black Power), H. Rap Brown, LeRoi Jones a compris que la lutte pour les droits civiques et la lutte contre la Guerre du Vietnam constituait le même combat.

Le mouvement pour la liberté d’expression (Free Speech Movement) sur le campus de l’Université de Berkeley a aussi renforcé l’unité entre la lutte pour les droits civiques et la lutte contre la Guerre du Vietnam. Cette alliance entre les jeunes afro-américains ciblés par l’armée et les jeunes blancs a créé une unité que la société américaine n’avait pas vue depuis les luttes des années 1930 menées par le Parti communiste américain.

Les années 1960 ont été marquées par plusieurs événements marquants : la lutte pour le « People’s Park » (Parc du peuple), les discours de Angela Davis sur le contrôle des quartiers par le peuple, la fondation des Black Panthers, les Young Lords (groupe radical hispanophone similaire aux Panthers à Chicago), les affrontements à Watts en 1965 et à Détroit en 1967. Ces forces sociales se sont toutes données rendez-vous au Congrès national des démocrates à Chicago au mois d’août 1968. La ville de Chicago était occupée par les militants et militantes pour les droits civiques, galvanisé-e-s par l’assassinat de Martin Luther King, et les jeunes militants et militantes anti guerre aussi galvanisé-e-s par l’assassinant de Robert Kennedy.

Le slogan lancé par les manifestants et militantes devant la police, et la garde nationale de l’État de l’Illiniois, « The Whole World is Watching » a marqué les années 1960 et est encore utilisé aujourd’hui. Le festival Woodstock qui se voulait une célébration de l’émergence d’une nouvelle culture avec une nouvelle génération a ensuite eu lieu. Le FBI sous J. Edgar Hoover, s’est mis en action avec l’assassinat de plusieurs leaders des Black Panthers et l’arrestation de plusieurs militants et militantes, par l’entremise du projet COINTELPRO.

Le procès, en mars 1969, du Chicago 7 (ils étaient huit avec Bobby Seale, fondateur des Panthers qui a pris un avocat des Panthers pour le défendre) a fait la une dans tous les journaux sur la planète. Bâillonné, enchainé par le Juge Hoffman, ce procès avait démontré la montée de l’autoritarisme et les actions néo fascistes des autorités. Le déclin de la démocratie capitaliste avait commencé aux États-Unis.

Depuis le meurtre de George Floyd le 25 mai dernier, une tempête de protestations s’est vite transformée en vaste révolte populaire contre le racisme et la brutalité policière.

4,700 manifestations ont eu lieu dans 2,500 localités sur tout le territoire américain.1 Avant le meurtre de George Floyd, il y avait eu ceux de Trayvon Martin, Breona Taylor, Michel Brown, Eric Garner, Freddie Gray, parmi plusieurs à travers le pays. Des émeutes ont suivi à Ferguson (Missouri) en 2014, Baltimore (Maryland) en 2016, et Louisville (Kentucky) en 2020. La communauté afro-américaine a l’impression de vivre encore les pendaisons (lynching) subies avec les actions du Klu Klux Klan, qui a commencé dans la période de reconstruction (après la Guerre civile) et qui ont continué jusqu’aux années 1950. La continuité de cette barbarie prouve l’existence du racisme systémique aux États-Unis.

Après l’occupation de Seattle (comme à Oakland sous les Panthers), des émeutes qui ont ébranlé Portland (Oregon) pendant trente jours (comme à Watts, Détroit et Newark au New Jersey). Une grève de vingt-quatre heures a été déclenchée par les débardeurs, qui ont fermé les ports de Seattle à San Diego. Toutes ces luttes avaient un aspect tout à fait nouveau. Certes, les Afro-Américains-e-s étaient sur les premières lignes, mais ils et elles ont été soutenu-e-s par les jeunes blancs-he-s, des hispanophones, des Asiatiques et dans certaines confrontations, des autochtones.

En somme, la mosaïque américaine était dans la rue - du jamais vu dans l’histoire des États-Unis. Un exemple frappant de lutte de classe, contre l’exploitation et l’oppression du système capitaliste qui était jumelée à la lutte antiraciste et qui visait la suprématie blanche (prônée par Trump). Nous pouvons donc avancer qu’il y a un projet similaire entre les luttes des années 1960 et celles d’aujourd’hui. Toutefois, il y a une différence remarquable qui, je crois, nous montre un développement significatif dans la manière de mener les luttes de classe.

Dans le passé récent (les années 1960), il y avait toujours un leader charismatique, (Malcolm X, Huey Newton, Angela Davis, Tom Hayden etc.) et des organisations menées par une direction verticale. Cependant, nous assistons aujourd’hui à une nouvelle forme de leadership plus collectif, avec des pratiques de démocratie horizontale. Ce n’est certes pas parfait mais nous devons reconnaître ce nouveau développement, qui rappelle à certains égards à la conception de la commune. Ceci est très intéressant pour l‘avenir.

Mais une question demeure et doit être posée : à quel moment cette transformation est-elle apparue et quand est-elle devenue une nouvelle manière d’organiser les luttes aujourd’hui ? Nous devons retourner aux innovations tactiques mises de l’avant par OCCUPY. Ce mouvement n’était pas seulement à New York et à Zucotti Park. Il y avait effectivement des campements dans plus de deux cents villes à travers les États-Unis, en se répandant aussi dans plusieurs pays et même ici au Québec. Dans plusieurs campements, il y avait des séminaires sur les écrits d’Antonio Gramsci, particulièrement sur le rôle des intellectuels organiques, la culture populaire, les crises hégémoniques du capitalisme et la distinction entre la « guerre de position » et la « guerre de mouvement ». Toutes ces mobilisations ont remis en cause, la façon traditionnelle de faire de la politique, , avec des partis verticaux, la démocratie capitaliste, en réfléchissant à autres avenues pour faire avancer la lutte des classes, dans le nouveau contexte du 21e siècle.

La gauche socialiste et marxiste devrait réfléchir aux nouvelles voies de lutte ici, comme cela a été fait avec le mouvement OCCUPY.

Lotta Continua

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