Édition du 26 mars 2024

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Livres et revues

Dix ans de lutte au sein du Parti québécois

Dix ans d'espoirs déçus et l'impasse stratégique comme toute perspective pour le SPQ Libre !

Marc Laviolette et Pierre Dubuc viennent de publier aux Éditions du Renouveau québécois un livre intitulé « Le SPQ Libre et l’indépendance du Québec ». Son sous-titre en décrit mieux le contenu : « Dix ans de lutte au sein du Parti Québécois ». C’est un livre important, qu’il faut lire attentivement, moins pour les thèses qu’il défend que pour mieux comprendre le bilan de cette expérience d’un courant de la gauche social-démocrate au sein du Parti québécois.

Origine, tour de piste et expulsion

Né en 2004, le SPQ Libre est reconnu officiellement comme club politique du Parti québécois en juin 2005. Le congrès du PQ de 2005 a modifié les statuts du parti pour permettre la reconnaissance de clubs politiques au sein du PQ. Six ans plus tard, en 2010, le PQ dirigé par Pauline Marois expulse le SPQ Libre de ses rangs. En 2011, le congrès du PQ raye de ses statuts toute mention des clubs politiques. Mais Le SPQ Libre continue à exister et ses animateurs continuent à militer comme de simples membres au sein du PQ tout en maintenant leur collectif sur une base autonome.

Voilà pour les faits. Mais derrière cette expérience, il y a un renoncement important : celui de construire un parti de gauche, indépendant du Parti québécois et cherchant à représenter les intérêts syndicaux et populaires sur la scène électorale. Pourtant, Pierre Dubuc avait été partie prenante de l’expression de cette gauche. Il avait milité au Regroupement pour une Alternative politique. Il avait même joué un rôle dans divers forums favorisant le rassemblement de la gauche politique.

Mais la défaite du PQ en 2003 et le retour du PLQ au pouvoir ont changé radicalement la donne pour les initiateurs du SPQ Libre. Étant donné l’absence de système électoral proportionnel et une progression trop lente à leur goût de la gauche politique sur la scène électorale, ils ont prôné le retour de la gauche syndicale au Parti québécois qu’ils ont alors défini comme le seul parti capable de battre le PLQ et d’assurer l’émancipation sociale et la libération nationale du Québec.

Pour fonder leur renoncement à construire un parti indépendant des classes ouvrières et populaires, les fondateurs du SPQ Libre ont trouvé en 2004 dans le livre « L’Urgence de choisir » de Pierre Vallières publié en 1972, les arguments en faveur du retour de la gauche syndicale et sociale au sein du Parti québécois. La proclamation de la justesse de l’analyse de Vallières, sur laquelle ce dernier est d’ailleurs revenu, leur sert de mythe fondateur.

Pourtant, cet appel au retour au Parti québécois ne se base sur aucun bilan sérieux des politiques menées par le Parti québécois durant plus de 30 ans (dont 14 ans au pouvoir) tant sur le terrain national que sur le terrain social. Seule l’idée du front uni de la nation est mobilisée pour fonder une orientation stratégique qui a guidé leurs prises de position et leur pratique politique ces dix dernières années. Aucun bilan n’est fait des années 80, durant lesquelles le PQ abandonne son objectif de souveraineté et donne une deuxième chance à la réforme du fédéralisme canadien. Rien n’est dit sur l’affirmationnisme de Johnson et la réduction de la souveraineté au statut de police d’assurance. Rien n’est dit sur le report aux calendes grecques de la perspective de référendum après la le départ de Jacques Parizeau suite à la défaite de 1995.

Tordant le réel pour le soumettre à leur mythe fondateur, les auteurs écrivent que « le SPQ Libre a été créé en rupture avec la gauche fédéraliste, qui au cours des années, a pris différents visages, depuis Cité Libre de Pierre Élliott Trudeau, en passant par les maoïstes ml des années 70 jusqu’au Parti Québec solidaire aujourd’hui, mais avec toujours la même constante : décrier le nationalisme québécois ». [1]

Une telle présentation de la réalité garde un silence trompeur sur la réalité du courant indépendance et socialisme qui a été une composante majeure de la gauche dès les années 60 avec le Mouvement de Libération Populaire, le Front de Libération Populaire et le Front de Libération du Québec ; dans les années 70 ans avec le Rassemblement Pour le Socialisme et les organisations marxistes révolutionnaires ; dans les années 80 avec le Mouvement Socialiste et dans les années 90 avec le Regroupement pour une Alternative Politique, le Parti de la Démocratie socialiste puis l’Union des Forces Progressistes et enfin Québec solidaire... Sans parler de l’impact de ce courant dans le mouvement syndical lui-même, où les débats sur la construction d’un parti des travailleurs et des travailleuses ont mobilisé beaucoup d’énergies militantes. Cet effacement de la gauche politique indépendantiste est nécessaire pour couvrir une décision stratégique de revenir vers un parti qui avait fait ses preuves dans l’abandon de la défense des revendications syndicales et populaires et dans l’inconséquence dans la lutte pour la souveraineté du Québec.

La direction Landry joue et perd !

Suite à la défaite référendaire de 1995, la démission de Jacques Parizeau, le gouvernement péquiste sous la direction de Lucien Bouchard avait opté, de façon de plus en plus conséquente pour des politiques néolibérales : poursuite du déficit zéro, coupes sombres dans la santé et l’éducation, politique forestière au service des grandes entreprises du secteur, déréglementation dans tous les secteurs, politique énergétique centrée sur l’exportation de l’électricité, soutien à l’agrobusiness, accompagnement d’une privatisation rampante du secteur public, multiplication de lois antisyndicales, rejet des revendications des femmes visant à contrer leur appauvrissement...

Ces politiques ont alors fragilisé le bloc national et des ruptures se sont produites entre le gouvernement péquiste, le mouvement syndical et différents mouvements sociaux. Une gauche sociale dans les mouvements sociaux était à la recherche d’une alternative politique. Pour répondre à cet appel, un processus de regroupement politique s’est alors amorcé qui a permis à la gauche politique de commencer à sortir de sa marginalité. Lorsque le SPQ Libre est lancé, les personnes qui en sont à l’initiative croient que ce processus est trop lent et on ne croit pas qu’il peut réellement aboutir à la construction d’une alternative véritable.

Mais la direction Landry, à la tête d’un Parti québécois maintenant dans l’opposition, comprend bien les dangers que le développement d’un parti politique de gauche peut représenter pour l’avenir du Parti québécois. C’est pourquoi cette direction se montre ouverte la création de clubs politiques. En effet, le club SPQ Libre pour l’indépendance ne devait être que la mouture syndicale d’autres clubs qui, espérait-on dans la direction péquiste, allaient se construire au sein du PQ et bloquer le développement d’un parti de gauche : en plus d’un club de syndicalistes, il devait y apparaître un club des écologistes, des altermondialistes, des féministes... La démarche visait à recréer le PQ comme une vaste coalition souverainiste venant de divers horizons, un bloc social nationaliste dont la composante syndicale, espéraient les initiateurs et initiatrices du SPQ Libre, serait importante.

La démission de Landry en 2005 est une catastrophe... pour le SPQ Libre. Leur projet des clubs politiques va avorter. Aucun autre club ne va se former. Pour toute une période, les militantEs du SPQ Libre vont tout au plus être tolérés, mais l’expulsion fatale était inscrite dans la dynamique d’évolution du Parti québécois.

La dérive droitière du Parti québécois n’en finit plus de rebondir

Les politiques néolibérales menées durant la période du PQ au gouvernement (1994-2003) avaient forgé des convictions et sélectionné une direction vouée à la défense de telles politiques : les Bouchard, Facal, Boisclair, Legault, et autres Marois. Tous ces anciens ministres occupaient une place déterminante à la direction du parti... et ils ne rêvaient en aucune façon de recréer une alliance syndicalo-péquiste comme l’axe central de l’avenir du Parti québécois.

La course à la chefferie mène André Boisclair à la victoire. Il a pourtant défendu des politiques néolibérales sur toute la ligne avec son conseiller Daniel Audet, futur dirigeant du Conseil de patronat. Comment ce tenant des politiques néolibérales a-t-il pu s’imposer ? Par sa jeunesse. L’explication est un peu courte. En fait, ses positions représentent le discours dominant dans la direction péquiste. Pierre Dubuc qui se présente pour le SPQ Libre obtient 1,5% des suffrages à la direction du Parti. Tout au long de la course à la direction, Pierre Dubuc, critique les positions néolibérales défendues par Boisclair.

Aux élections de 2007, Boisclair élabore sa feuille de route qui reprend essentiellement une orientation néolibérale, avec certaines concessions de surface aux mouvements sociaux, keynésianisme électoral oblige. Sur le plan de la souveraineté, aucune perspective claire. La défaite est majeure. Le Parti québécois obtient 28% des votes, et 36 sièges. Il ne forme même plus l’opposition officielle. L’ADQ obtient 31% des votes et 41 sièges.

Une alliance à gauche aurait été beaucoup plus payante pour le parti soutient le SPQ-Libre. Ce n’est visiblement pas la leçon tirée par Pauline Marois de ces événements. Elle revient à la direction du PQ en juin 2007 en demandant que soit retiré du programme du parti l’article 1 du programme de 2005, exigeant la tenue d’un référendum dans un premier mandat. Elle continue de défendre la gestion néolibérale du PQ au pouvoir. Elle dit ne pas regretter la poursuite du déficit zéro avec ses conséquences désastreuses particulièrement dans le secteur de la santé. Dubuc et Laviolette tirent un bilan féroce, mais juste, de la direction Marois dans l’opposition : « … il paraît évident qu’elle (Pauline Marois) s’inscrit dans la même démarche idéologique, politique et électorale qu’André Boisclair : minimiser le rôle de l’État, prendre ses distances avec le mouvement syndical, et courtiser l’électorat adéquiste. » [2]

Elle joue la carte identitaire alors que la stratégie indépendantiste est totalement en panne. Mais le SPQ Libre applaudit tout même ce tournant !

Aux élections de 2008, l’ADQ est responsable de sa propre débarque. Son inexpérience politique, le caractère minable de son travail parlementaire, son autonomisme mal défini, sa démagogie populiste qui jette la panique chez les directions syndiclaes et dans certains mouvements sociaux, tout cela favorise un ralliement de circonstance au Parti québécois et permet à ce dernier de revenir au pouvoir en faisant élire 51 députéEs redevenant ainsi l’opposition officielle.

Le Spq Libre a multiplié les escarmouches et accumulé les revers.

Durant toutes ces années, oû le PQ se trouve dans l’opposition, SPQ Libre livre une série de combats programmatiques. Il défend la nationalisation de l’éolien. Il gagne la majorité au congrès. Le soir même de l’adoption de cette proposition, le chef d’alors André Boisclair, se disait non tenu par cette proposition...

Dans l’éducation, la lutte contre le financement public des écoles privées n’a pas progressé. En 1996, Le PQ au pouvoir rejetait les conclusions du rapport final de la commission des États généraux de l’éducation. En 2007, la majorité des candidatEs à la chefferie du Parti québécois refusaient cette proposition.

Sur le terrain économique, la politique de Pauline Marois s’inscrit dans la tradition néolibérale. Il « faut créer la richesse avant de la partager. » « C’est à l’occasion du conseil national de Lévis des 13 et 14 mars 2010, qu’elle (Pauline Marois) s’engage le plus loin sur le chemin du néolibéralisme. » [3] Le SPQ critique dans une lettre au Devoir cette orientation. Dans cette lettre, le SPQ Libre défend des acquis de la Révolution tranquille : « une répartition plus équitable de la richesse, un État fort, aux coffres bien garnis, résultat d’une fiscalité progressive, un réseau d’éducation accessible favorisant l’égalité des chances et un mouvement syndical dynamique. » [4] C’en était trop pour la direction Marois. La réponse est rapide et claire. Le SPQ Libre est expulsé du parti.

Durant la crise de la direction de 2011, les militants du SPQ Libre jouent différentes cartes : celle du retour de Duceppe en autres. Ce dernier se fait faire un coup fourré qui l’écarte totalement. Les responsables du SPQ Libre profitent de la crise de la direction Marois pour mousser la perspective de référendum d’initiative populaire. Après un premier revers dû à l’opposition de Pauline Marois, ils réussisent à faire adopter cette proposition. On se rappellera que Madame Marois se débarrassera à la première occasion de toute obligation à cet égard durant la campagne électorale. Le dernier conseil national de novembre 2013 enverra cette proposition directement à la poubelle de l’histoire, avec l’aide de Bernard Drainville en plus. Voilà un gain qui n’aura pas duré longtemps.

En 2011, après 6 ans de travail, la gauche dans le Parti québécois n’est pas plus forte. Des chefs néolibéraux succèdent à des chefs néolibéraux. Les victoires des positions progressistes sont rapidement remises en question par la direction qui finit toujours par imposer sa volonté. Au congrès de 2011, le constat que font militantEs du SPQ-libre est catastrophique, « pour la première fois, le PQ sort de son congrès avec un programme sans section sur le syndicalisme et le monde du travail. » [5] La cerise sur le sundae : le congrès officialise la disparition des clubs dans les statuts du Parti.

Le gouvernement minoritaire péquiste et la multiplication des déceptions.

La préparation d’une plate-forme électorale redonne l’espoir. Encore une fois, le Parti québécois sort sa démarche marquée par le keynésianisme de campagne ou en d’autres termes, la pratique bien connue de clignoter à gauche en campagne électorale pour gouverner à droite une fois au gouvernement. Les promesses de cette plate-forme élecetorale ne survivront pas à la victoire. Après deux semaines, où il accepte de répondre aux pressions de certains mouvements sociaux, le Parti québécois développe une politique marquée par une dérive droitière. Les propositions véhiculées dans la plate-forme électorale sont, sans état d’âme particulier, abandonnées par le gouvernement Marois : abandon de l’abolition de la taxe santé, rejet de toute augmentation de tarifs d’électricité, abandon de la volonté affirmée d’imposer les gains de capital et les dividendes, réduction du rôle de l’État à celui de simple accompagnateur et de souteneur financier des entreprises privées, soutien au traité de libre-échange avec l’Europe, traité négocié secrètement et antidémocratiquement et qui constitue une menace pour nos services publics.

Le bloc national dirigé par le PQ a pris ses distances avec les mouvements sociaux. Il n’a plus aucune stratégie crédible de lutte pour l’indépendance nationale. La souveraineté se réduit au discours des jours de Conseil national comme un cérémoniel répétitif et sans effet.

Tout en devant se rendre à certaines pressions de la mobilisation étudiante, -le PQ au pouvoir a mis de coté les hausses qu’avait voulu imposer le gouvernement Charest- le gouvernement Marois refuse de maintenir le gel et indexe les frais de scolarité au coût de la vie. Dans un exercice de tromperie et de manipulation qui restera exemplaire contre l’aile jeunesse de son parti, Pauline Marois a osé prétendre que l’indexation, c’est le gel. Et pourtant, des secteurs importants de la société québécoise avançaient la nécessité de la gratuité scolaire à tous les niveaux. Le gouvernement péquiste lui prétend qu’une telle perspective est irréalisable.

Le PQ reste donc un parti qui a rejeté cette perspective depuis des décennies malgré des mobilisations d’ampleur historique menées par le mouvement étudiant. Le combat du SPQ Libre s’est ici aussi frappé au mur d’un parti dont les directions néolibérales arrivent à s’imposer.

Le SPQ Libre cible Québec solidaire...

Pour Pierre Dubuc et Marc Laviolette, Québec solidaire n’est qu’un facteur de division des votes souverainistes. Ils assument donc que QS attire le vote de souverainistes de gauche, votes qui devraient, croient nos auteurs revenir au Parti québécois. Mais en même temps, et contradictoirement, ils prétendent que QS a une feuille de route fédéraliste. Pourtant, le programme de Québec solidaire est clair à cet égard. Que dit ce programme de QS ? Québec solidaire est pour l’indépendance du Québec ; le fédéralisme est irréformable ; le projet de société est irréalisable dans le cadre de la constitution canadienne. Québec solidaire a mené une campagne pour un Québec souverain et continue de le faire.

Ne s’embarrassant pas de logique et d’esprit de suite, nos auteurs s’offusquent du refus de Québec solidaire (à la supposée feuille de route fédéraliste) d’envisager une alliance avec le Parti québécois. La position de Québec solidaire est pourtant claire à ce niveau. C’est à partir du bilan du Parti québécois au pouvoir que Québec solidaire a décidé de rejeter une alliance avec un parti qui coupe dans l’éducation et les dépenses sociales, qui s’attaque aux personnes assistées sociales, qui capitule devant les minières, qui refuse d’instaurer une fiscalité permettant la redistribution de la richesse vers la majorité de la population, qui soutient l’accord du libre-échange avec l’Europe, qui collabore avec Harper en acceptant le passage des pipelines transportant les sables bitumineux en territoire québécois. Ces politiques ont bien peu avoir avec la défense de l’indépendance. Au contraire, ce sont des politiques qui manifestent une soumission aux intérêts du grand capital canadien et américain. Ce sont des politiques néolibérales qui vont à l’encontre des intérêts de la majorité de la population.

Les animateurs du SPQ Libre parlent de front uni et d’alliance de classe et reproche à Québec solidaire de faire cavalier seul. L’important ici, c’est le type de front uni qu’il faut construire. Une alliance de classe capable de renforcer le combat indépendantiste et la lutte pour une réelle transformation sociale ne doit pas être une alliance qui place la majorité populaire dans un état de soumission aux intérêts de l’oligarchie dominante particulièrement quand cette dernière se fait la défenderesse de politiques néolibérales.

Il ne s’agit pas pour Québec solidaire de souhaiter l’éclatement et la dispersion du mouvement souverainiste. Il s’agit de reconstruire un nouveau bloc social où les mouvements sociaux et les partis qui s’inscrivent dans un cadre d’une transformation sociale véritable en défense des intérêts de la majorité populaire auront le haut du pavé. Quel front uni nous offre le Parti Québécois ? Le front uni qui, depuis Lucien Bouchard, a vu le Parti québécois placer les adeptes du néolibéralisme à la tête du Parti québécois et du mouvement national. C’est pourquoi, qu’en dehors des discours de circonstance sur la souveraineté, la lutte pour l’indépendance a toujours été reportée à plus tard.

Un reproche particulièrement révélateur que ce livre adresse à Québec solidaire, c’est le reproche fait à Amir Khadir d’affirmer que la majorité de la bourgeoisie québécoise s’oppose à l’indépendance. « Dans cette perspective, décréter comme le fait Amir Khadir qu’il n’y aucune convergence possible entre l’élite économique et le projet indépendantiste est bien présomptueux » [6]. Le ralliement de Pierre Karl Péladeau au camp souverainiste offrirait un démenti à la thèse de l’alignement de la bourgeoisie québécoise derrière le camp fédéraliste. « Nous partageons l”opinion des souverainiste qui disent « Mieux vaut l’avoir avec nous que contre nous » [7] osent ajouter Dubuc et Laviolette. Apprécier d’avoir de son côté un des patrons les plus notoirement antisyndicaliste du Québec montre à quelle logique désastreuse sont conduits nos syndicalistes égarés. Heureusement qu’ils gardent une petite gêne et qu’ils rejettent l’enthousiasme de ceux et celles qui voient déjà ce grand patron à la tête du Parti québécois. En fait, jusqu’ici, Pierre-Karl Péladeau s’est d’abord gagné un poste de responsabilité au sommet d’Hydro-Québec et le ralliement au camp souverainiste n’est pour le moins guère proclamé. A chaque moment historique, aux deux référendums, la camp souverainiste à été un camp populaire qui a d’abord regroupé les travailleurs et travailleuses du Québec alors que la vaste majorité du patronat s’est porté à la défense du fédéralisme canadien.

La lutte de libération nationale au Québec ne pourra être menée jusqu’au bout que par un bloc social dirigé par les classes subalternes qui sauront liées l’indépendance du Québec à l’expansion des droits démocratiques de la population et à un projet de société égalitaire. Ces conditions sont l’exact opposé de la politique concrète menée par le Parti québécois qui utilise la perspective de la souveraineté comme marche pied pour s’assurer la prise du pouvoir provincial pour y mener une politique qui va à l’encontre des intérêts de la majorité populaire.

La leçon à tirer des combats menés par le SPQ Libre, la construction d’un parti autonome représentant les intérêts de la majorité populaire est une nécessité incontournable.

Le SPQ-Libre a multiplié les combats au sein du PQ pour défendre nombre de propositions progressistes. Il faut le reconnaître. Mais le PQ a été le cimetière de leurs espoirs. Même leurs gains ont été effacés du revers de la main par des chefs qui sont toujours plus à droite que la base du parti. Des ministres ont été mobilisés pour soutenir des reconsidérations de votes quand la base du parti adoptait des positions qui ne convenaient au gouvernement. Pierre Dubuc et Marc Laviolette nous font la chronique de ces coups bas. C’est pourquoi on comprend qu’ils écrivent : « Le rapetissement des notions d’égalité et de liberté au sein du PQ s’accompagne d’une réduction de l’espace démocratique. Les congrès et les autres instances du parti sont de plus en plus espacés. Le respect des statuts et règlement est aléatoire, comme le SPQ Libre en a fait l’expérience à plusieurs reprises. » [8]

Et c’est à ce type de parti que le SPQ Libre convie la gauche de se rallier. Comprenne qui pourra. L’avenir du SPQ Libre n’est plus au PQ. Car l’alignement à droite sur le plan social et réformiste sur le plan constitutionnel que nos auteurs définissent comme dramatique pour le SPQ Libre et la gauche au sein du PQ est réalisé et consolidé. C’est là la leçon essentielle qu’on doit tirer des multiples combats menés par le SPQ Libre et qui sont racontés dans ce livre.

Il est temps pour ce courant de renouer avec le fil de la construction d’un parti de gauche, indépendant du PQ et travaillant à l’édification d’un vaste front uni dirigé par des partis politiques voués à la défense des intérêts de la majorité populaire capable de mener la bataille pour l’indépendance jusqu’au bout. Seule une telle perspective est porteuse d’avenir pour le SPQ Libre.


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Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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