Édition du 12 mars 2024

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Écologie

Écologie et syndicalisme : réplique à Daniel Breton

Une position critique, relayée par Cyberpresse, de Daniel Breton, bien connu dans les milieux écologiques, cible la FTQ, une centrale où Guy Roy du PCQ milite. Il s’est senti une responsabilité de contribuer au débat d’un point de vue syndical.

L’accusation est à la mode et tient du lieu commun : on est en faveur des syndicats, mais on les voudrait bien plus soumis à tout groupe de pression en manque de soutien politique comme preuve qu’ils ne sont pas « corporatifs ».

Admettons-le au départ, les syndicats peuvent avoir un côté réactionnaire. Ils peuvent, à cause de leur poids politique et de leur devoir de défendre les intérêts de leurs membres, s’opposer à certains progrès technologiques, par exemple, jusqu’à ce que les travailleurs en voient l’intérêt pour la réduction du temps de travail.

Pour ce qui est de l’environnement, dans une discussion que j’ai eue avec un militant de Greenpeace, il m’affirmait que « le droit de refuser un travail dangereux » était une bonne contribution au combat pour un environnement sain et contre la dissémination de produits toxiques.

Il y a quelques mois, je me suis avancé pour que notre centrale, la FTQ, accepte de revendiquer, par décision de congrès, « le droit de refuser un travail polluant ». Il y a eu de l’ouverture dans les structures, mais quand je l’ai soumis au débat démocratique auprès des membres de notre syndicat local, les travailleurs de la base ont réclamé que nous nous occupions plus de leurs intérêts immédiats. À moins que la démocratie ne soit devenue « corporatiste », je ne vois pas d’autres voies que celles qui respectent le rythme avec lequel les travailleurs veulent bien voir évoluer leur société. Et selon moi, il doit même en être ainsi de la révolution. Quand les salariés ou les gens en général voudront bien participer à un mouvement d’accélération de l’histoire, les communistes seront là pour leur offrir un pouvoir alternatif qu’ils pourront exercer eux-mêmes, et dans leur milieu de travail, et dans leur milieu de vie.

Il y a donc encore beaucoup de travail d’éducation à faire. Et à mon avis, il se fait à la FTQ comme ailleurs. Est-ce vraiment du « corporatisme » que d’être confronté à une attitude des membres qui les voit se préoccuper de leur travail ? Comment les amener plus loin que la défense de leurs stricts emplois ? Nous nous posons la question tous les jours dans nos milieux et rien de miraculeux ne nous est encore apparu autre que le travail persévérant et patient de partage de convictions sociétales. La propagation d’un point de vue néolibéral à pleine page de journaux ne nous aide pas.

La question n’est pas simple. Et il ne suffit pas de débarquer dans un congrès pour bousculer les habitudes engendrées par la discipline du travail pour convaincre. S’en prendre aux syndicats parce que les débats démocratiques n’évoluent pas assez vite, c’est un peu, pour des syndicalistes, couper la branche sur laquelle ils sont assis.

J’ai souvenir d’une attitude bien plus conciliante de la part des pacifistes des années 80 dans le combat pour le désarmement : ils offraient aux travailleurs de revendiquer la reconversion de leurs emplois en production civile. Vous imaginez le chantier ? Mais ça a fait son chemin et cette revendication est toujours d’actualité. Elle pourrait même être très utile dans les cas d’usines vieillissantes qui se moderniseraient ainsi et prépareraient ainsi une diminution du temps de travail.

Alors, sur quelle autre proposition que celle de sacrifier son gagne-pain les écologistes ont-ils planchée ? La reconversion reste à l’ordre du jour pour le nucléaire, par exemple. Nous, communistes, proposons la construction d’usines d’autos électriques pour palier aux emplois. Mais si elle n’est pas reprise par l’ensemble du mouvement ouvrier québécois, c’est peut-être parce que ce « respect du rythme avec lequel les travailleurs veulent bien voir des changements advenir » est un élément essentiel de la démocratie dont il faut tenir compte.

Sur la question du « droit de refuser un travail polluant », soyez sûr, M. Breton, que votre dure critique de la FTQ m’incite à revenir à la charge dans les instances de ma centrale. Le mouvement ouvrier a été, et est encore, un facteur de progrès social et même environnemental (un militant de Greenpeace me l’a confié) mais il faut savoir s’adresser aux travailleurs en tenant compte que les salariés, en système capitaliste, sont soumis à une autorité qu’ils ne choisissent pas, i.e. fondamentalement antidémocratique. Cela se répercute sur une façon de défendre leurs droits qui n’est pas toujours orthodoxe.

Malgré tout, Greenpeace a décidé de s’adresser aux salariés de Total en France pour leur offrir un tirage qui permettrait à plusieurs d’entre eux de visiter les champs des sables bitumineux en Alberta. Il n’y a donc pas d’intérêts antagoniques entre les associations de travailleurs et le mouvement écologiste. Il faut peut-être y mettre la patience et le travail de conviction avant de sortir les gros mots de « corporatisme » qui signifierait, selon sa définition historique, que nous serions en régime fasciste comme du temps de Mussolini ... en plein XX ième siècle.

Les syndicats québécois sont en réalité dirigés par des sociaux démocrates. Cela se manifeste par des débats autour d’une droite et d’une gauche plus radicale. Et il n’est pas dit que la gauche du mouvement s’impose toujours.

Vos critiques s’adressent donc, M. Breton, aux adhérents d’une philosophie politique que vous avez déjà partagée puisque vous vous êtes vous-même présenté pour le NPD dans des élections antérieures. Les échanges de vue pourraient donc porter sur le terrain plus politique que sur celui du procès collectif que vous intentez à la FTQ et à ses membres. La sociale démocratie québécoise a ses limites. Mais ne s’est-elle pas engagée ces dernières années à se renouveler ? Les enjeux écologiques pourront donc bien s’insérer dans ce vaste chantier de renouveau pour la social-démocratie québécoise. Vous y trouverez en moi un militant pour y collaborer.

Guy Roy, membre du parti communiste du Québec

Local 1019 de l’UCET, AFPC-Québec (FTQ)

Guy Roy

l’auteur est membre du collectif PCQ de Québec solidaire à Lévis.

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