Le discours de François Hollande sur TF1 dimanche 9 septembre était clair et se voulait « convaincant ». Les Français en retiendrons pour l’essentiel la notion d’un agenda de deux ans pour : - Ramener le déficit à 3 % par des hausses d’impôts et des baisses de dépenses publiques. - Inverser la courbe du chômage.
En apparence très raisonnable, ce discours s’attaque aux deux problèmes qui comptent pour les Français. François Hollande demande aux Français l’effort d’austérité le plus important depuis 30 ans soit un peu plus de 33 Milliards d’euros, pour la bonne cause, la baisse du déficit public.
Mais là ou le bat blesse, c’est que tous les pays de la zone euro, à l’exception de l’Allemagne, ont le même programme et que la conjoncture économique mondiale est très dégradée.
L’économie mondiale, déprimée
A l’exception des Etats-Unis dont le rythme de croissance devrait être de 1,5 à 2 % pour la fin de l’année, tous les pays sont fragilisés. On remarquera que les élites politiques américaines se refusent à réduire le déficit budgétaire pour cause de reprise trop fragile (le déficit public américain est compris entre 8 et 10 % depuis 3 ans).
La Chine semble être en récession ce trimestre. Evidemment, n’attendez pas à ce que le gouvernement chinois l’avoue ! Les statistiques chinoises sont rares et souvent incomplètes. Mais deux indicateurs avancés établis par des sociétés privés dignes de foi montrent que l’activité dans l’industrie est en récession depuis 6 mois et que l’activité dans les services est étale. D’autre part, les indicateurs réels et plus difficiles à trafiquer donnent des signaux très inquiétants : la consommation d’électricité et la consommation de pétrole ne progressent presque pas d’une année sur l’autre. Le transport de marchandises par le rail baisse aussi de façon aussi rapide que fin 2008. Tout cela annonce une récession : sera-t-elle avouée ou cachée, est une autre question. Mais il y a de grandes chances que le gouvernement chinois ne fasse pas une relance de grande ampleur pour diverses raisons :
– Ne pas surinvestir de nouveau dans de gigantesques programmes d’infrastructures inutilisés comme en 2008. (immeubles voir villes vides …)
– Ne pas donner un confort économique trop fort au Chinois pour cause de « traumatisme Tienanmen » pour les élites.
– « Accepter » une destruction créatrice afin de rationaliser le tissu économique chinois.
Il est vrai que la majorité des dirigeants politiques chinois s’étant fabuleusement enrichis, ils n’ont pas les mêmes préoccupations que le petit peuple. Il est donc très probable que cette récession chinoise, la première depuis plus de 20 ans, soit là pour durer. Les grands pays exportateurs comme le Japon, Taïwan et la Corée du Sud ont une industrie en récession, témoignant d’un fort ralentissement généralisé. Enfin, presque tous les pays d’Europe auront une croissance négative ce trimestre avec des chutes qui s’accélèrent dans les pays du Sud puisque l’Italie aura 3 % de croissance négative cette année. Quand on regarde les PIB européens, on a l’impression d’assister à l’effondrement en série de dominos : le premier était la Grèce, le Portugal, l’Italie, l’Espagne suivent et la France et l’Allemagne sont sur le point de basculer.
Un budget de rigueur de 33 Milliards d’euros
La France est actuellement en croissance légèrement négative. Cette rigueur budgétaire devrait entraîner une chute supplémentaire de la croissance de 1 à 2 %. L’Espagne a un programme budgétaire de plus de 100 milliards sur 2 ans soit 5 % du PIB par an ! L’Italie aussi coupe ses dépenses et augmente les impôts semestre après semestre. La concomitance de tous ces plans de rigueur aboutira presque obligatoirement à une récession importante en Zone Euro. On pourra remarquer que cette récession durera tant que les politiques ultralibérales actuelles seront appliquées et il y a une forte de chance que cette récession s’approfondisse en dépression au fur et à mesure de la peur des citoyens devant l’échec des recettes ultralibérales européennes. Il s’agit d’une récession qui ne prendra pas fin tant qu’on ne changera pas de cadre. Et son rythme devrait se situer autour de 1,5 % en France en 2013 (après une année 2012 en récession légère). Cela pourrait détruire autour de 600 000 emplois en une année.
Cette profonde récession de l’économie française déprimera les recettes fiscales comme l’ont montré les expériences récentes en Italie, Espagne, Portugal et Grèce : de ce fait, le déficit ne sera pas réduit à 3 % du PIB mais devrait se situer autour de 4,5 % du PIB, rendant inutile le sacrifice des Français jetés au chômage. Elle détruira un peu plus le tissu des entreprises compromettant la capacité de la France à créer de la richesse dans le futur.
La promesse de lutter pour faire baisser le chômage
Si François Hollande a choisi de parler d’« inverser la courbe du chômage » dans moins d’un an, les Français n’ont sans doute pas retenu cette subtilité et s’attendent à ce que le gouvernement s’attaque au problème du chômage et aide à stopper l’hémorragie des emplois. Les personnes au chômage sont souvent désespérés et attendent un geste du gouvernement, d’autant qu’elles savent qu’elles sont très nombreuses.
Or, les contrats aidés du gouvernement Hollande devraient créer autour de 100 000 emplois. Il restera donc un déficit de 500 000 emplois pour 2013. Le plan de relance européen, s’il est correctement mis en œuvre, ne représente que 0,3 % du PIB de la zone euro chaque année. Ce plan de relance est donc très faible au vue de la gravité de la récession en France et en Europe.
La spirale négative est enclenchée
S’il n’y a pas de programmes de relances forts en Europe et que les politiques économiques actuelles continuent, on risque fort de provoquer une sorte de panique mentale dans la population due :
À une forte envolée du chômage (on sait de plus que si le taux de chômage officiel est de 10%, le taux de chômage réel qui tient compte des découragés – RSA, auto-entrepreneurs sans activité, dispenses de chômage pour les travailleurs âgés, autres découragés – est sans doute supérieur à 16%. )
À l’absence de solution au problème de la dette. À la compréhension par l’ensemble des Français que leurs élites n’ont pas de solutions, ni pour le problème de la dette, ni pour celui du chômage et que le déclin et donc leurs souffrances seront durables.
Comment réagiront les Français dans ce cas ? De fortes tensions voire une atmosphère de très fort ressentiment envers les élites peuvent nous mener vers des situations très dangereuses.
Et pourtant…
Et pourtant, une des solutions assez simples au problème du chômage et des déficits serait d’arrêter de nourrir le monstre insatiable de la finance mais de donner du travail aux Français par un programme de relance ciblé avec l’argent créé et gratuit de la Banque centrale. Or, toutes les élites européennes font l’inverse. On distribue 1000 Milliards d’euros aux banques et rien pour les infrastructures, le travail et donc la vraie création de richesses. Là est le scandale en France et en Europe. Si l’Allemagne continue à refuser que l’argent de la Banque Centrale serve à réaliser un vrai programme de relance, on voit que la France aurait tout intérêt à sortir de l’euro pour retrouver sa souveraineté monétaire (on rappellera que la France a souvent utilisé la planche à billet pour financer ses grands programmes d’infrastructures, ce qui fait de notre pays un des pays les mieux lotis à ce sujet et les plus compétitifs du monde malgré sa fiscalité)
La situation risque de devenir intolérable aux yeux des Français et la stratégie de François Hollande visant à gagner du temps est extrêmement dangereuse s’il n’a pas de plan de relance dans sa manche…