On se rappellera avec un sourire triste les enthousiastes qui qualifaient le printemps arabe de « première révolution Facebook ». Si les étudiantEs, surtout, et les travailleuses et travailleurs tunisiens ont créé beaucoup de liens sur Facebook, il serait tout de même illusoire de croire que c’est ce moyen de communication qui a permis le renversement du pouvoir. Les gens se sont d’abord parlé face à face, puis se sont servi des moyens de communication pour rassembler entre eux des personnes déjà convaincues.
De loin, je recevais de l’info, par Facebook justement, sur ce qui se passait là-bas et on m’avait prévenu longtemps d’avance que quelque chose se préparait, mais il ne faut pas confondre un outil de communication parmi d’autres avec les outils de conviction qui ont été des processus de démocratie directe dans les universités et les lieux de travail, et les discours de conviction qui ont permis de rassembler celles et ceux qui voulaient un changement nécessaire.
De même, on trouve ici nombre de personnes bien intentionnées qui croient pouvoir convaincre et persuader par le « carnet de portraits » (c’est l’origine de Facebook, un recueil des finissantEs d’une promotion donnée). Or, les correspondantEs Facebook (qu’on appelle à tort « amiEs ») n’ont pas beaucoup de temps pour lire nos contributions. La multiplicité des intervenantEs ne facilite pas non plus un débat ordonné et structuré. Déjà discuter entre personnes qui partagent globalement les mêmes orientations est difficile, imaginez essayer de le faire dans un méli-mélo d’avis, de convictions, de sentiments, et parfois d’opinions, provenant de toutes les directions ! Tâche insurmontable que celle-là ! D’autant que s’y glissent souvent des trolls, dont le seul but est de faire déraper la conversation.
Pour ma part, je n’ai jamais conçu cet instrument autrement que comme un moyen de rassembler des correspondantEs qui avaient quelque chose à partager avec moi, dont l’intérêt pour les livres et la justice sociale au premier chef. En ce sens, ce sont déjà presque des camarades, quoi qu’elles et ils en pensent. Mes publications consistent à fournir des citations ou réflexions littéraires, philosophiques, politiques ou sociales. Mes interventions cherchent à rétablir des faits, à compléter des idées, à renforcer ou à nuancer les propos de mes correspondantEs ainsi qu’à leur signaler mes bonnes pensées envers elles et eux.
Je ne cherche surtout pas à trouver parmi mes correspondantEs des personnes aux penchants politiques diamétralement opposés aux miens. Si on peut entre nous échanger des arguments et s’instruire de faits nouveaux, le travail de conviction doit s’accomplir sur le terrain, et il me plaît de constater que tant de jeunes y sont habiles.
LAGACÉ, Francis
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