Édition du 10 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Arts culture et société

L’art de Félix Rose

Avec l’exception éclatante de la politique menée par Camille Laurin et sa loi 101 (Charte de la langue française), parfois contre les réticences de René Lévesque, Félix Rose dans son nouveau film chez Picbois Productions encouragées par MAISON 4:3, nous ramène au cœur du problème de la francisation, à la rébellion menée par le courageux et méconnu Raymond Lemieux, au prix de sa vie familiale, perturbée par les accusations de « sédition » passibles d’emprisonnement à vie lancées contre lui.

Ayant vécu de près cette rébellion jusqu’à manifester à Québec en 1969 contre le bill 63 (le gouvernement de l’Union Nationale de Bertrand n’avait pas encore appris à traduire bill par projet de loi !), pourquoi ai-je dû attendre 55 ans pour revoir ces images où notre gauche sage manifestait pancartes à la main devant le Parlement, alors que mon frère Claude, devenu correspondant parlementaire du Montréal-Matin à 23 ans pour nourrir sa jeune famille, m’avait informé ultérieurement que le Parlement avait été bourré de policiers avec des fusils par le fasciste ministre de la Justice Rémi Paul prêt à « accueillir » un groupe radical soulevé par des agents-provocateurs, heureusement calmé et empêché d’entraîner la foule par nos dirigeants syndicaux plus réalistes (le film Z de Costa-Gravas de 1969 nous enseignait).

Pourquoi a-t-on tous attendu 55 ans pour voir résumée, sans dénigrement malsain par Drapeau et autres fédéralistes à tout crin, et illustrée par des images jamais montrées auparavant du voyage de Québec à Montréal du général De Gaulle, accompagné de marées de drapeaux tricolores et québécois ainsi que de pancartes artisanales du Rassemblement pour l’Indépendance Nationale ? Le fameux discours au balcon de l’Hôtel-de-Ville est réhabilité dans une bande sonore clarifiée et des images impeccablement synchronisées et ordonnées par l’équipe de Rose, avec une musique entraînante de Marc Gravel, sans flonflons cuivrés patriotiques. Rappelons que cette visite du général à l’Expo 67 allait déclencher son éviction du Canada vers la France et une sordide campagne anglophone mondiale (USA, Grande-Bretagne) contre la sénilité du général, mais aussi un chemin de Damas pour René Lévesque en route pour les élections du Parti Québécois en 1970. J’y participai comme organisateur en foxant mes cours de mars et d’avril à McGill (d’où ma surprise d’avoir reçu la médaille d’or, grâce à la ténacité des grandes pianistes-professeures juives Dorothy Morton et Rose Goldblatt et de compositeurs, jeunes professeurs américains venus fuir un service militaire asservi à guerroyer criminellement au Vietnam, sans compter Istvan Anhalt qui allait m’engager à l’Université Queen’s en 1979).
Mais je radote et m’en voudrais de ne pas mentionner le courage, mis en valeur par le film, du chargé de cours marxiste de McGill, Stanley Grey, né dans un quartier pauvre de l’Est de Montréal, renvoyé par les administrateurs voulant juguler le mouvement démocratique appuyé par une grande part de leurs propres étudiants en faveur d’un McGill sinon français (mes draft dodgers américains auraient-ils pu ?), du moins plus accueillant pour les nouveaux Cégépiens francophones (le film aurait d’ailleurs dû féliciter Jean-Jacques Bertrand pour avoir agi pour le français en créant les Universités du Québec un an plus tôt).

«  Courez voir le film » – Josée Legault

Il est étrange que Félix Rose ait choisi le titre « la bataille de Saint-Léonard » pour un film aussi lyrique mettant aux prises non pas un, mais deux héros ayant chacun foré le destin de leurs communautés. Le premier, qu’on voit à gauche sur l’affiche, est le grand bâtisseur de Saint-Léonard, l’immigrant italien Mario Barone dont on suit le prospère parcours de constructeur, depuis son exil d’Italie et son premier travail dans un dépotoir - parce qu’il ne parlait ni français ni anglais. Bravo à la solidarité de Rose envers ce pauvre père de famille qui après son travail, refusait de prendre l’autobus pour éviter les regards de passagers ou leurs échanges sur « le maudit macaroni puant » : il préférait marcher une heure dans la neige et le froid si pénible pour l’Italien élevé dans un meilleur climat. L’art de Félix Rose nous permet de comprendre la fierté de celui qui cherchait à élever ses enfants pour un meilleur avenir, en faisant de douteux choix réclamant la liberté de construire une école bilingue, ses orientations politiques étant dévoyées par Pierre-Elliott Trudeau qui le recevait volontiers, irrespectueux de la juridiction exclusive du Québec en éducation (nihil novi sub sole).

En s’y opposant, au prix d’une sanglante agression par une foule italienne de Saint-Léonard ameutée, «  Raymond Lemieux pave la voie de la loi 1977 du PQ, faisant du français la langue de l’administration, du commerce, de l’affichage et du travail, mettant surtout fin au libre choix de la langue d’enseignement au primaire et au secondaire, un libre choix désastreux qui, avant 1977, avait permis à 85% des immigrants de faire éduquer leurs enfants en anglais », écrit l’admirable Josée Legault du Journal de Montréal.

Pourquoi ce journal permet-il, hélas, à Joseph Facal de déblatérer le 24 octobre sur nos « vies vides, futiles, sans but, faites de réseaux sociaux niaiseux et de divertissements stupides » [qui refusent d’admirer] Israël, un peuple debout, alors qu’eux sont couchés, avachis » ? Évidemment ce journal, comme Le Devoir a refusé les faits génocidaires relatés par nos articles tel
https://www.lautjournal.info/20241011/la-paix-vivra-par-un-appui-mondial-citoyen-lonu .

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