Édition du 26 mars 2024

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États-Unis

Le projet de réforme fiscale des Républicain.es mènera à la plus forte hausse d'impôt et taxes de l'histoire américaine

Ryan Grim, theintercept.com, premier décembre 2017
Traduction, Alexandra Cyr

Notes de la traductrice
Ce projet de loi a finalement été adopté par le Sénat américain aux petites heures du matin ce samedi, 2 décembre. Il y a eut certaines modifications mais rien qui change sa nature profonde. Ce n’est pas devenu une loi pour autant. Aux États-Unis, chacune des Chambres prépare et adopte son projet de loi. Il faut ensuite mettre les 2 versions ensemble (ce qui suppose énormément de négociations) pour le présenter au Président qui lui donne le statut de loi. Ceci devrait être fait d’ici le 31 décembre.

Il est couramment dit que la proposition de réforme fiscale en discussion au Congrès représente des baisses d’impôts d’un million de milliards de dollars. Ce n’est pas tout-à-fait faux. Le trésor fédéral verra en effet sa récolte d’impôts baisser d’autant en 10 ans.

Mais ces chiffres cachent l’ampleur de l’audace de ce Parti dans sa course effrénée pour restructurer l’économie. L’effet immédiat sera de retirer une grande partie des revenus des États et des administrations locales dont on ne tient pas compte dans le calcul global. Mais plus largement, le plan signifie des baisses d’impôt de 6 millions de milliards de dollars d’ici les prochains 10 ans.

Vendredi, le leader de la majorité au Sénat, M. Mitch McConnell, a déclaré que ses collègues devaient adopter ce projet de loi mais en parlant d’un million de milliards de dollars (de baisses) qui provoquerait des revenus d’impôt de 4 millions de milliards 500 ailleurs. Mais la question fondamentale est quand même : qui obtient des hausses d’impôts et qui bénéficie de baisses ? Réponse simple : l’essentiel des baisses va vers les riches et les augmentations touchent tous les autres.

Honnêtement décrit, ce projet de loi représente la plus importante baisse d’impôt mais aussi la plus importante hausse de toute l’histoire américaine.

Les Républicains.es ont passé des années à décrire l’ACA (Obamacare) comme la plus important hausse d’impôt de l’histoire américaine. Cela ne tenait pas compte de ce que cette hausse était compensée par des subventions pour les assurances maladie. Sous cet aspect, on peut dire que l’ACA a lancé un transfert significatif de richesse des mieux nantis.es vers la classe moyenne et les classes pauvres, ce qui à soulevé l’ire du Parti Républicain. Mais il n’a fallu qu’un million de milliard de dollars pour financer tout ça. Toutefois, les subventions n’étaient pas vraiment à la hauteur du coût des primes et des franchises qui est demeurée trop élevée ce qui explique son impopularité. Les Républicains.es ont rejeté ce programme parce qu’il représentait (selon le Parti), une hausse de taxes et impôts historique. Pourtant cette hausse n’est que le un cinquième de celle prévue dans leur projet de loi actuel.
Où va donc tout cet argent ?

Le Tax Policy Center évalue que 80% de ces baisses iront au 1% de la classe supérieure qui profitera des avantages suivants :

1 milliard de millions 500 de baisse des impôts pour les entreprises. Pourtant les PDG n’ont cessé de répéter que cela irait dans leurs poches, pas dans des investissements ou des augmentations de salaire pour leurs employés.es.
L’impôt minimal que payent exclusivement les riches est éliminé. Cadeau de 700 milles millions.

Ils n’auront plus à payer la taxe sur les premiers 11 millions de la valeur d’une propriété reçue en héritage ; soit 150 mille millions de moins (de rentrées d’impôt au gouvernement). Personne de la classe moyenne n’est affecté par cet impôt. Ce retrait concerne en fait si peu de gens qu’on pourrait les nommer un par un.
La baisse du seuil d’impôt sur les revenus provenant de l’étranger leur permettra d’épargner un autre 200 mille millions de dollars. Ça ne vous concerne pas.

Les sociétés fiscalement opaques, d’autres entreprises non incorporées, dont les firmes d’avocats.es, les cabinets de médecins, vont bénéficier de réductions représentant 600 mille millions de dollars. Les gens pauvres et de la classe moyenne n’ont pas tendance à se munir de sociétés fiscalement opaques.

Selon la loi actuelle, les crédits d’impôt sont pensés pour s’ajuster au seuil des bas revenus. Le plan républicain modifie cela. Il augmente ce seuil de telle sorte que les riches pourront en réclamer. À lui seul, ce changement représente 200 mille millions de baisses d’impôt pour cette catégorie.

Le taux d’imposition des individus et des familles sera abaissé à l’équivalent de 1 million de milliards de dollars. Les gens moins avertis pourront y voir une réelle baisse d’impôt. Mais ce n’est pas vraiment le cas. Le New York Times notait qu’en 2027, les personnes avec des revenus entre 40,000$ et 50,000$ vont être frappées par une hausse d’impôt globale de 5 mille millions 300 mille dollars. Où ira cet argent ? Ceux et celles qui gagneront plus d’un million bénéficieront d’une baisse d’impôt équivalente à 5 mille millions 800 mille dollars par année.

Cette liste totalise près de 5 mille milliards de dollars en baisses d’impôt qui iront presqu’exclusivement aux plus riches. L’autre élément majeur de ce projet de loi, le doublement des déductions personnelles standards, va toucher plus de gens. Mais cela se fait aux dépends des États, de villes et des municipalités.

D’où viendra l’argent pour payer pour tout ça ?

Alors que l’Obamacare transférait l’argent du haut vers le bas, ce projet de loi renvoie l’ascenseur.

Le projet élimine l’exemption personnelle de tout le monde. Cette mesure coûtera 1 million de milliards 600 mille dollars au trésor public. Et elle est éminemment régressive ; elle soulage autant Jared Kushner (gendre millionnaire de D. Trump n.d.t.) que ceux et celles qui gagnent leur vie bien plus péniblement.

Il élimine également diverses déductions qui représentent mille millions 300 mille dollars. Les déductions pour les taxes des États et locales sont éliminées. De même celles pour les intérêts sur hypothèque, pour les dons de charité, pour les intérêts sur le prêts étudiants, pour les frais médicaux, pour les dépenses assumées par les enseigants.es pour l’achat de leur propre poche de matériel pour leurs élèves, et diverses petites dépenses que fait la classe moyenne. Tout y passe pour assumer les baisses prévues ailleurs.

Il est vrai que les déductions pour les taxes payées aux États et localement constituent une subvention pour ces niveaux administratifs. Les sommes ainsi récupérées permettent de financer l’entretien des écoles, des routes, et le maintient des forces policières. Retirer ces déductions crée une pression sur les États et les villes qui mèneront à des coupes de services. Donc, il faut s’attendre à des coupes dans le personnel enseignant et ça servira à payer pour les baisses. Mais comme cela concerne les niveaux locaux, le Congressionnal Budget Office et le Joint Committee on Taxation n’en tiennent pas compte dans leurs calculs.

En changeant la méthode de calcul de l’inflation, le projet de loi rapportera 128 milliards de dollars (au trésor fédéral) parce que vos impôts augmenteront tout doucement au fur et à mesure des années même si les tranches de revenus (utilisées pour le calcul de l’impôt) baisseront.

Et bien sûr, la dette fédérale augmentera de 1 mille milliards 500 mille de dollars en 10 ansi. Cela vous démontre d’où seront tirés les 6 mille milliards de dollars de baisses d’impôt. De petites modifications seront ajoutées mais qui ne favoriseront sûrement pas la classe moyenne. Par exemple, les déductions pour « production domestique » sont éliminées. Cela représente 96 milliards de dollars pour ce qui est considéré comme un passe temps avec des tâches secondaires. 54 milliards seront aussi éliminés pour ceux et celles qui ont besoin de tests et le traitement de maladies rares.

Vendredi, Paul Ryan, le Président de la Chambre et représentant du Wiskonsin, a donné une entrevue à NPR (National Public Radio) pour défendre la plus importante augmentation des impôts de l’histoire américaine.

Steve Inskeep, NPR : Qu’est ce que ça nous dit ? En pratique, selon des analyses indépendantes, vous avez des gagnants.es, des perdants.es. Ce n’est pas tout le monde qui gagne ; les entreprises sont gagnantes, les personnes qui laissent en héritage de grandes propriétés gagnent, les personnes avec de hauts revenus gagnent mais, un grand nombre avec des revenus moyens, perdent.

Paul Ryan : Je ne suis pas d’accord. La baisse d’impôt pour les familles de la classe moyenne est de 1,182$ en moyenne.

S.I. : Lily Batchelder de l’Université de New York a examiné quelques uns des chiffres du Joint Committee of Taxation formé de représentants.es des deux Partis, comme vous le savez très bien. Elle à constaté que quelques 100 millions de ménages dans ce pays, que ce soit avec le projet de la Chambre des représentants et encore pire avec celui du Sénat, au mieux n’auront pas de baisse d’impôt ou autrement les verront augmenter. Est-ce que cela vous dit quelque chose ?

P.R. : Ça ne me semble pas exact à moins que vous parliez de personnes qui ne payent pas d’impôt en ce moment. Je pense que les gens font dire ce qu’ils veulent aux statistiques.

1.- CBS note que le déficit augmentera aussi de plus d’un mille milliards 500 mille dollars au cours des prochaines 10 années.

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