Édition du 10 décembre 2024

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Varsovie 19e Conférence sur le climat

La fin pitoyable d’une conférence sur le climat vampirisée par les multinationales

Les ONG écologistes ont décidé de quitter la conférence des Nations unies sur le climat qui s’achève aujourd’hui à Varsovie. Elles n’ont plus rien à faire dans une enceinte envahie par les multinationales et où les pays les plus responsables du changement climatique refusent d’avancer d’un pouce.

Tiré de Reporterre.

Une BMW surpuissante est-elle le meilleur moyen de lutter contre le changement climatique ? C’est ce que laisse croire la firme - et l’ONU qui a accepté cette provocante turlupinade - en exhibant un de ses derniers modèles à l’entrée du lieu de la conférence sur le climat à Varsovie. Elle n’était d’ailleurs pas seule, puisque les firmes multinationales ont lourdement marqué leur présence durant la conférence : « Dès l’entrée, les logos sont partout : les distributeurs d’eau sont siglés Alstom, les fauteuils Emirates, le mobilier Ikea…Ce fut un vrai choc à notre arrivée ! », décrit sur Novethic Célia Gautier, du Réseau Action Climat. Et derrière l’affichage, les lobbies industriels, recensés par Corporate Europe Observatory, occupaient couloirs et sièges d’observateurs.

Le pays hôte, la Pologne, en a rajouté dans la provocation, accordant le statut de partenaire à douze entreprises, relève Basta !, tout en organisant un sommet sur le charbon au moment même de la conférence sur le climat et à cinq cent mètres de celle-ci.

Excédées et désolées, les ONG environnementales présentes ont décidé de ne plus participer à cette mascarade, quittant en masse la conférence jeudi 21 novembre.

Car, pendant que les multinationales paradaient, les gouvernements avaient multiplié les signes d’abandon : le Canada, qui avait quitté le protocole de Kyoto fin 2012, a salué la décision de l’Australie de n’envoyer qu’un fonctionnaire et non son ministre de l’Environnement à la conférence de Varsovie, tandis que le Japon annonçait qu’il augmenterait ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 !

Quant aux discussions elles-mêmes, elles n’ont pas avancé d’un pouce, notamment sur le volet financier : comme l’explique Oxfam France, "la réunion des ministres des Finances n’a amené quasiment rien de concret sur la question des financements et les négociations sur un mécanisme international de réparation des ’pertes et dommages’ sont restées au point mort". En fait, les pays riches refusent de tenir leurs engagements financiers envers les pays pauvres de les aider à s’adapter à un changement climatique dont ils sont les premières victimes.

Ils renâclent aussi à s’engager dans un accord contraignant de réduction des émissions : comme le rapporte l’AFP, les grands pays émergents veulent que les pays industrialisés, responsables historiquement du réchauffement, fassent beaucoup plus d’efforts qu’eux. Une position rejetée par les États-Unis, qui refusent que la Chine bénéficie d’un traitement de faveur. "Un accord basé sur cette ligne de partage entre pays développés et en développement ne fonctionnera pas", a déclaré le négociateur en chef des Etats-Unis, Todd Stern. A quoi le Chinois Zhenhua Xie répondait qu’il y a d’un côté des pays en cours "d’industrialisation" et d’autres "qui sont post-industriels", et que "cette division subsistera après 2020". Zhenhua Xie souhaite que l’accord de 2015 comprenne des "objectifs de réduction drastique d’émissions de gaz à effet de serre" pour les pays riches, et que les pays du Sud ne s’engagent qu’à "renforcer leurs efforts" en ce sens.

Face à cette divergence radicale de points de vue, on voit se dessiner une logique qui ferait d’un traité en 2015 une coquille vide, laissant à chaque pays le soin de prendre des initiatives en propre.

La France, qui accueillera au Bourget, près de Paris la conférence de 2015, pourra-t-elle peser pour que le rendez-vous débouche sur un traité réellement contraignant ? Il faudra déjà, pour cela, qu’elle ait elle-même une vraie légitimité environnementale, aujourd’hui défaillante si l’on considère son triste bilan en la matière. Un élément pourrait faire pencher la balance du bon côté : une mobilisation citoyenne internationale, comme l’écrit Maxime Combes, d’Attac. Les jeunes qui ont joyeusement rempli le train climatique de Bruxelles à Varsovie ont montré que ce n’était pas là des vains mots. Mais cela suppose une stratégie internationale des écologistes qui n’a pas encore émergé.

Hervé Kempf

Le Monde

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