Édition du 3 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

"La souveraineté d'abord, la démocratie ensuite ! »

Le texte de André Binette publié dans Le Devoir semble fait sur mesure pour démontrer qu’il est impossible de faire une réforme démocratique sans faire l’indépendance. Mais c’est un peu gros comme procédé : le jupon indépendantiste de l’avocat dépasse un peu trop et lui enlève beaucoup de crédibilité. Il est d’ailleurs plutôt spécialiste en droit des autochtones !

Me Binette semble oublier que la constitution canadienne n’a jamais été endossée par les Québécois, et qu’une Assemblée constituante de citoyens convoquée par l’Assemblée nationale, comme le proposent les SansParti, a pleine autorité pour rédiger et faire adopter une constitution pour le Québec. C’est le peuple qui est souverain, non les gouvernements ni les tribunaux : la souveraineté du peuple va bien au-delà des jurisprudences et des cadenas placés intentionnellement sur la constitution canadienne et elle seule peut déverrouiller cette impasse constitutionnelle.

Mais même si on s’en tient au cadre fédéral actuel, les contraintes qu’énumère Me Binette sont largement amplifiées pour les besoins de la cause. Son interprétation de la notion de gouvernement responsable est digne des plus fervents fédéralistes. Elle disqualifie du même coup les propositions de réformes que Mme Maurois soumettra bientôt à son conseil, mais elle est moins efficace qu’elle n’en parait. Voyons-y voir :

Le lieutenant-gouverneur : il y a déjà belle lurette qu’il n’en mène plus large au Québec et ne dérange plus personne, sauf quand il dépense trop ! Comme quoi on peut s’arranger.

L’assemblée constituante et les initiatives populaires : quand une Assemblée constituante libre de toute allégeance, convoquée par l’Assemblée nationale, aura rédigé et fait adopter par référendum un texte de constitution, je ne vois pas au nom de quoi cette même Assemblée nationale ou une Cour fédérale quelconque pourrait refuser de la valider. Même chose pour les initiatives populaires. Et rien ne dit qu’ils ne choisiront pas d’outrepasser le cadre fédéral.
L’élection du Chef de l’État (système présidentiel) : nous sommes plusieurs de toutes façons à penser aussi que l’élection du chef de l’État crée un contre-pouvoir dangereux pour la souveraineté de l’Assemblée nationale et la cohérence du gouvernement.

Le mode de scrutin proportionnel intégral : on est pas mal loin du gouvernement responsable, mais de toutes façons, tous les projets proposés à date sont un mixte de proportionnelle et de territoriale uninominale.

L’abolition ou la restriction des partis politiques : le système britannique fonctionne mieux avec des partis politiques et même un bipartisme strict, mais les coalitions et la multiplicité des partis n’enlèvent rien au concept de gouvernement responsable : il empêche juste ce dernier d’agir à sa guise sans tenir compte du parlement.
En somme, une grosse mise en scène constitutionnelle pour ramener le vieux slogan du PQ, qui maintient le Québec dans l’attentisme depuis plus de 30 ans : la souveraineté d’abord, la démocratie ensuite ! L’heure de la démocratie a sonné au Québec comme ailleurs. Nous sommes de plus en plus nombreux à croire que la priorité est désormais la réforme démocratique : les souverainistes auraient intérêt à en prendre acte.

C’est un bien mauvais calcul de la part des souverainistes que de vouloir étouffer la réforme démocratique, car c’est peut-être en la faisant justement que les Québécois vont découvrir l’importance d’être pleinement maîtres chez eux.

Roméo Bouchard

Coalition pour un Québec des Régions

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