Édition du 26 mars 2024

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Élections Québec 2014

Les distorsions les plus importantes depuis 1998

Les élections du 7 avril ont été celles où les distorsions causées par le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour ont été les plus importantes depuis les élections de 1998, soit lors des cinq dernières consultations populaires.

En effet, jamais pendant cette période l’écart entre le pourcentage des votes recueillis et le pourcentage de députés élus n’a favorisé autant un parti vainqueur. Les 41,5 % de suffrages accordés aux libéraux leur ont en effet permis de remporter 56 % des sièges parlementaires, soit 70 ; d’où un écart de 14,5 % en leur faveur qui leur permet de former un gouvernement majoritaire plutôt que minoritaire.

Équité

À l’inverse, ce sont la Coalition avenir Québec (CAQ) et Québec solidaire qui sont les plus maltraités par le scrutin majoritaire avec des écarts négatifs respectifs de 5,5 % et 5,2 %. En effet, la CAQ a obtenu 23,1 % des votes mais n’a fait élire que 17,6 % des députés, soit 22. Québec solidaire, lui, a obtenu 7,6 % des votes mais n’a fait élire que 2,4 % des députés, soit 3. Quant au Parti québécois, il s’en est bien tiré malgré son deuxième pire score aux urnes depuis sa première campagne en 1970, soit un écart négatif de seulement 1,4 % puisqu’il a obtenu 24 % des sièges avec 25,3 % des suffrages.

Une représentation strictement proportionnelle à l’Assemblée nationale aurait donné les résultats suivants : 52 députés au lieu de 70 au Parti libéral ; 33 députés au PQ au lieu de 30 ; 30 députés à la CAQ au lieu de 22 et 10 députés à Québec solidaire au lieu de 3. Un scrutin proportionnel aurait donc permis de traiter tous les partis avec équité.

Ces constatations confirment que la règle d’airain du scrutin majoritaire, qui régit nos élections depuis 1867, s’applique une fois de plus. Dans le but d’obtenir des gouvernements majoritaires, le parti vainqueur est fortement surreprésenté, tandis que les partis d’opposition sont fortement sous-représentés ; particulièrement les tiers partis comme Québec solidaire. Cette fois-ci toutefois, le premier parti d’opposition, le PQ, n’a quasiment pas été pénalisé par le mode de scrutin.

C’est d’ailleurs une constante dans l’histoire de cette formation, qui, depuis les injustices subies en 1970 et en 1973, a presque toujours été choyée par le scrutin majoritaire. En 1998, le PQ a même pu former un gouvernement largement majoritaire même s’il avait reçu moins de votes que le Parti libéral. On avait alors assisté, comme en 1944 et en 1966, à un renversement de la volonté populaire qui est un vice démocratique fondamental puisqu’un mécanisme électoral bafoue le choix des électeurs.

Ce fait explique pourquoi le parti fondé par René Lévesque, qui s’est battu pendant plusieurs années pour l’instauration d’un scrutin proportionnel, a fait volte-face après 1998. Le PQ est même allé jusqu’à biffer de son programme à son congrès de 2011, avec la bénédiction de Pauline Marois, un engagement en ce sens qui y avait figuré sans interruption depuis 1969.

Pour que chaque vote compte

Comme à toutes les élections, le scrutin majoritaire a également fait en sorte le 7 avril que les votes d’une majorité d’électeurs (plus de 50 %) n’ont nullement compté pour l’élection de députés qui les auraient représentés. C’est la manifestation d’un déficit démocratique qui affaiblit gravement notre démocratie représentative en lui enlevant beaucoup de crédibilité. Au contraire, avec un scrutin proportionnel, chaque vote compte.

Durant la campagne, on a remarqué un intérêt accru en faveur du scrutin proportionnel. Le Mouvement pour une démocratie nouvelle a tenu un colloque et fait signer une pétition. On en a beaucoup traité dans les réseaux sociaux. Ce fut le thème de plusieurs émissions radiophoniques et télévisées. Des chroniqueurs et des éditorialistes ont aussi abordé le sujet, sans parler des nombreuses lettres de lecteurs dans les journaux. Les trois principaux partis ont toutefois encore négligé ce thème crucial. Seul Québec solidaire en a fait la promotion. Espérons que ce mouvement prendra de l’ampleur afin que la saga de la réforme du mode de scrutin, qui dure depuis près de 50 ans, prenne fin un jour.




Auteur du livre Pour réduire le déficit démocratique : le scrutin proportionnel

Paul Cliche

Auteur du livre Pour réduire le déficit démocratique : le SCRUTIN PROPORTIONNEL et membre fondateur du Mouvement pour une démocratie nouvelle.

Il a été responsable du dossier de la réforme des institutions démocratiques à l’Union des forces progressistes (UFP).

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