Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Élections Québec 2014

Le pays est mort, vive le pays !

Le spleen de Gérard Bouchard et Louise Beaudoin (Requiem pour le projet de pays, Le Devoir, édition du 9 avril 2014) nous apprennent moins sur la mort du rêve souverainiste que sur l’incapacité des ténors souverainistes à trouver leurs repères dans la nouvelle carte politique du Québec.

Pour M. Bouchard et Mme Beaudoin, l’échec du Parti québécois est générationnel. Ils n’ont pas tort : à en croire les sondages de fin de campagne, les 18-24 ans ont désavoué le gouvernement sortant par une plus grande proportion que l’électorat général. Le mouvement souverainiste n’aurait donc pas réussi à transmettre ses valeurs aux enfants de ses bâtisseurs.

Quelles valeurs ?

Pour M. Bouchard et Mme Beaudoin, malgré leur affiliation chancelante, les valeurs du pays du Québec sont celles du Parti québécois. Le projet de Charte des valeurs, seule idée substantielle qu’ils mentionnent, est « résolument progressiste » ; la souveraineté relève du « rêve collectif », tombé en désuétude dans un Québec mondialisé, où les droits individuels sont placés sur un piédestal.

Il est ironique de voir Mme Beaudoin déplorer notre individualisme deux ans après l’ascension du plus grand mouvement social du Québec contemporain. De ses assemblées générales à ses revendications, le mouvement contre la hausse des frais de scolarité était collectif jusqu’à la moëlle. Bien qu’il n’aie pas directement abordé la question nationale, la ligne de division des grévistes était évidente : la frontière entre le Québec et l’Ontario.

Pour nombre de ces jeunes, le pays du Parti québécois est devenu toxique. D’outil d’émancipation sociale, culturelle et économique, il est maintenant porté par l’un des pires patrons du Québec. De projet rassembleur, il est maintenant associé à une Charte discriminatoire, qui libère la parole raciste et stigmatise les communautés culturelles. Gérald Godin doit se retourner dans sa tombe.

Il est grand temps de concevoir la souveraineté comme indissociable des autres « rêves collectifs » des jeunes Québécois, en faisant du pays du Québec un pays de gauche, où les valeurs sociales passent devant les valeurs nationalistes ; un pays où la laïcité n’est pas une simple manipulation politique. Qui pourra donc l’incarner ?

À sa gauche, chez Option nationale et Québec solidaire, se trouve un début de réponse. Bien qu’il soit à la mode de remettre en question sa foi, impossible de nier que Françoise David a fait plus, en ces 35 jours de campagne, pour faire la promotion du pays que le Parti québécois. C’est peut-être parce qu’elle est capable de répondre au pourquoi, au comment, et au quand, face à un parti dont la stratégie se limite à produire des publicités qui ressemblent étrangement à celles de Labatt Bleue.

M. Bouchard et Mme Beaudoin ne devraient pas jeter si vite l’éponge. J’aimerais plutôt les voir prendre les devants d’un autre projet collectif : celui de la remise en question, nécessaire, de la route empruntée pour atteindre la souveraineté du Québec. Il faudrait peut-être commencer par changer de véhicule plutôt que de choisir un nouveau conducteur.

Jérémie Bédard-Wien

Co-porte-parole de l’ASSÉ (2012-).

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