Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Les écolos, ces terroristes

Cette année, beaucoup de choses se sont passées dans le dossier de l’environnement au Québec. Certes, on se rappelle bien des trois ou quatre derniers mois : la fermeture de Gentilly-2 ; les grandes inquiétudes et la volonté d’un moratoire permanent sur les gaz de schiste, puis la volte-face de la première ministre Pauline Marois sur le sujet pour rassurer les industries ; la démission d’un ministre écologiste ; l’anticipation de la lutte contre le pipeline d’Enbridge ; l’échec (encore) des négociations internationales sur les changements climatiques, cette fois-ci à Doha ; l’éternel débat sur une éventuelle refonte de la Loi sur les mines et tout ce qui a trait aux ressources naturelles ; etc.

Tiré de la section Blogues du Journal des alternatives.

Mais que s’est-il passé au-delà de ça ?
Ô Canada… ?

En février 2012, le ministre fédéral de la Sécurité publique Vic Toews a déclaré que les groupes environnementaux pourraient constituer une menace terroriste pour le pays. Cette déclaration a ravivé les tensions entre les groupes écologistes et environnementalistes et le gouvernement conservateur, mais la mauvaise presse dont les groupes écologistes font les frais remonte à beaucoup plus loin. Le gouvernement Harper contribue à cette perte de crédibilité de la mouvance écologiste. J’ai même eu droit à la critique, en novembre, voulant que les écolos soient des « prophètes de malheur » et ne soient pas assez « festifs » dans leurs luttes. Y a-t-il de quoi se réjouir devant le saccage des territoires ou bien devant l’exploitation des ressources naturelles ?

Également en février, Joe Oliver, ministre fédéral de l’environnement, annonçait une réforme de l’évaluation environnementale, l’affaiblissant de beaucoup. Malheureusement, ce n’est que le début des réformes conservatrices en matière d’environnement. Il y a eu les projets de loi C-38 et C-45, adoptés respectivement au printemps et à l’automne 2012 qui présentent d’importantes modifications aux lois environnementales. C’est notamment le cas sur la Loi sur la protection des eaux navigables où des milliers de cours d’eau ne seront plus soumis à cette loi. La ligne directrice des conservateurs semble se résumer à la réduction de paperasse administrative et à l’efficacité économique !

Pendant ce temps, le Canada continue de se dissocier de ses engagements à l’international. Bien sûr, il a quitté le Protocole de Kyoto et ce sera effectif le 31 décembre 2012. L’Équipe Kyoto n’aura pas gagné son pari. Depuis 2009, l’attitude du Canada lui a valu pas moins de six prix fossiles remis dans les conférences des parties sur les changements climatiques par la société civile pour dénoncer son désengagement dans la lutte environnementale et pour souligner les embûches que le Canada met aux autres pays. Les gouvernements de Stephen Harper et de Barack Obama ont également proposé, la veille de la journée mondiale de l’eau, de supprimer la référence dans le texte de la déclaration de Rio +20 sur l’eau potable et l’assainissement comme étant un droit humain !

Québec, je me souviens

2012 a été une année test pour le marché du carbone au Québec. Pour 2013, les entreprises émettant plus de 25 000 tonnes de CO2 n’auront pas le choix de s’afficher et de faire des efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, plusieurs critiques ressortent d’un tel marché virtuel qui, globalement, ne réside pas dans des solutions technologiques ou économiques, mais plutôt dans des choix politiques et sociaux. D’ailleurs, le secteur le plus polluant, soit celui des transports, ne sera réglementé qu’à partir de 2015...

En mai 2011, l’ancien premier ministre du Québec, Jean Charest, a lancé officiellement (officieusement en route depuis 2008) son projet de développement nordique, le Plan Nord. Depuis, il a rapidement été compris que ce plan n’est en fait qu’un plan économique destiné à ceux et celles qui ont de l’argent. Il ne vise pas à répondre aux besoins des communautés locales, autant autochtones qu’allochtones. L’information et la « résistance » s’organisent depuis 2008 au sein des différents groupes sociaux, environnementaux, autochtones, syndicaux, féministes, etc., mais ce réseautage est plus actif depuis environ 2010. En 2012, bien que nous ne soyons pas toutes et tous d’accord sur nos perspectives du Nord, nous nous entendons néanmoins pour dire haut, fort et ensemble que nous rejetons d’emblée le Plan Nord présenté par les libéraux sans grande consultation des populations vivant sur le territoire en haut du 49e parallèle. Avec l’arrivée du PQ, un espoir peut-être naïf vibrait. Rapidement, l’illusion est tombée. Le parti qui critiquait, entre autres, le manque de transparence ne répond pas plus lorsqu’il est questionné sur quelles compagnies paient des redevances, par exemple. Plus ça change, plus c’est pareil ! Ce qui maintenant s’appelle « Un Nord pour tous », Pauline Marois en fait la promotion lors de voyages économiques. La machine du Plan Nord enclenchée, il est difficile de l’arrêter.
Plus encore !

Certes, je laisse de côté beaucoup de dossiers :

 Les nominations de Pierre Baril et Louis-Gilles Francoeur comme président et vice-président au BAPE. Nous perdons un grand journaliste écologiste en M. Francoeur, mais le BAPE en ressortira grandi ;

 La lutte contre le projet Matoush, mine d’uranium projeté par Strateco dans les environs d’Eeyou Istchee, territoire cri dans le Nord-du-Québec ;

 Le retrait de Greenpeace de l’entente sur la forêt boréale canadienne, entente signée avec de grandes compagnies forestières ;

 La fracturation hydraulique en haute mer pourrait être utilisée sous peu pour le gisement de Old Harry ;

 L’intérêt inquiétant du PQ pour le pétrole, notamment celui en Gaspésie ;

 La diminution de la colonie de fous de Bassan de l’Île Bonaventure. Selon des hypothèses, cela peut être dû entre autres aux changements climatiques, au déversement pétrolier de BP dans le golfe du Mexique et à la diminution de leur ressource alimentaire ;

 L’impact dévastateur des conflits armés sur les écosystèmes, les femmes et les populations locales ;

 Le Sommet de Rio +20, tenu au Brésil en juin dernier ;

 Ainsi que de nombreux dossiers tels les mines, l’amiante, les gaz des schistes, la biodiversité, les milieux marins, les forêts, l’énergie, l’agriculture, etc.!

Mais l’environnement a été et restera un enjeu complexe et passionnant pour les années à venir. Continuons à travailler à l’émergence d’une société juste et écologique. Et supportons les différentes luttes qui vont dans le sens de nos valeurs !

Jacinthe Leblanc

Journaliste indépendante

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