Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Les profs mettent au premier plan la qualité de l’école publique

De dire haut et fort le président du Syndicat de l’enseignement de la région de Laval (SERL-FAE) qui a rejeté à 68 % l’entente de principe conclue avec Québec, que ses membres sont « restés fidèles aux positions qu’ils avaient au moment de la grève générale illimitée. Lorsqu’on se promenait sur les lignes de piquetage, les gens nous parlaient de la composition de la classe, des conditions de travail, des conditions d’apprentissage des élèves, de l’école publique dans son ensemble. […] Le gouvernement a décidé que lorsqu’il ne pouvait pas donner les services nécessaires, il allait donner une prime en argent aux enseignants. Ce n’est pas ça qui va rendre les conditions de travail meilleures… » (Marie-Ève Morasse, Les profs de Laval sont restés « fidèles » à leurs revendications, dit leur syndicat, La Presse, 19/01/24).

Tout est dit. Reste à gagner la bataille du rejet de la ratification ce qui n’est pas une mince affaire quand on considère la course à obstacles qui suivra, le cas échéant. L’acceptation de l’entente de principe par une courte majorité, dont une par la peau des dents, des deux autres syndicats de la FAE ayant voté est certes crève-cœur. Cependant un syndicat de la CSQ (Lanaudière), comme Laval, l’a fortement rejeté alors qu’un autre (Estrie) ne l’a ratifiée que par une majorité moindre que celle de la victoire du ‘non’ au référendum de 1995. Malgré certaines ratifications fortes, surtout de la partie salariale quand les votes étaient scindés, rien n’est perdu. Plusieurs militantes de la FSSS-CSN ne sont pas enchantées de la hausse salariale de base qui risque de ne même pas égaler l’inflation. D’autant plus que du côté santé, la FIQ résiste aux demandes de « flexibilité » de la CAQ, ce qui a obligé les représentantes du petit syndicat de la CSQ regroupant les mêmes corps d’emploi à rejeter à la quasi-unanimité l’entente de principe sans même perdre son temps à la soumettre aux membres.

La bureaucratie syndicale, de connivence avec la CAQ, pensait avoir réussi à faire passer l’amère pilule par ses négociations secrètes puis des ententes tenues secrètes jusqu’à la tenue des assemblées générales de ratification — heureusement les médias grâce à de pertinents coulages ont pu casser cette procédure anti-démocratique — et par l’arrêt des grèves justifié par le temps des Fêtes. Comme le chantait Joël Denis en 1971, « c’ta pas encore fait, non non non ». Et si ça passe, il risque d’y avoir pas mal de démissions si ce n’est une crise paroxysmique. Encore plus, si la CAQ se laissait aller à la tentation de la loi spéciale en cas de non-ratification.

Pourrait poindre à l’horizon la défiance de 1972 avec cette fois une série de blocages de la délétère circulation des marchandises comme la FAE l’a fait le 21 décembre dernier (La Presse canadienne, Des enseignants en grève ont bloqué des accès aux ports de Montréal et de Québec, Le Devoir, 21/12/23) durant sa grève générale illimitée (GGI) qui a duré près d’un mois. Cette GGI était la bonne stratégie mais en Front commun que l’a FAE a boudé par corporatisme syndical, même combatif, alors que n’importe quel militant syndical sait que l’union fait la force et bloque les manœuvres patronales en autant qu’il y ait un fonctionnement démocratique. Cette bourde a permis à la CAQ de diviser pour tenter de peinturer dans le coin FAE et FIQ grâce aux tergiversations du Front commun.

Il n’est pas trop tard pour se reprendre si Québec solidaire met cartes sur table

Il n’est pas trop tard pour se reprendre. Si le « top gun » de la santé est payé plus cher les deux premières années pour mettre en place la malencontreuse centralisation à la mode albertaine du système de santé, on ne voit pas pourquoi la CAQ ne pourrait pas dégager un budget supplémentaire, et faire payer les banques et consorts pour ce faire, afin d’attirer par des primes les profs, infirmières, spécialistes et personnel de soutien manquants. Dans cette deuxième ronde, il serait plus facile de mobiliser l’appui populaire tant par une coordination de toutes et tous qu’en mettant l’emphase sur le rehaussement de l’éducation et de la santé publiques comme but explicitement recherché.

Ce brusque tournant est-il possible sans intervention musclée d’une inexistante gauche syndicale organisée ? Le spontanéisme a ses limites. On ne blâmera jamais assez la gauche dite anticapitaliste qui a fait semblant d’organiser une gauche syndicale depuis une dizaine d’années sinon plus, pour laisser dégénérer cette tentative en une série de conférences et table-rondes, parfois utiles, dont la dernière en date invitait une majorité de bureaucrates. L’aile parlementaire Solidaire n’a pas manqué la facilité de se faire prendre en photos sur les lignes de piquetage (Québec solidaire,[[PHOTOS] Les porte-parole de Québec solidaires des enseignantes et des enseignants en grève, 5/12/23). Maintenant, aujourd’hui, sans tarder, son intervention est indispensable pour appeler au rejet de l’entente de principe, pour inviter à des assemblées générales intersyndicales de toutes et tous ensemble, afin d’exiger une reprise des négociations et même au besoin une réouverture de la convention collective. Le parti de gauche de l’Assemblée nationale qui a une audience de masse, qui s’est fait damer le pion par le PQ faute de vision stratégique, saura-t-il rompre son alliance implicite avec la bureaucratie syndicale ?

Marc Bonhomme, 20 janvier 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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