Édition du 8 octobre 2024

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Océanie

Nouvelle-Calédonie : comment les exactions de l’État ont mené au chaos insurrectionnel

« Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendront une révolution violente inévitable » J. F. Kennedy. Quelles sont les causes profondes du chaos insurrectionnel actuel en Kanaky ? Une analyse synthétique.

Tiré du blogue de l’auteur. L’auteur est écrivain & militant indépendantiste en NC.

La France a le statut de « puissance administrante » du « territoire non autonome » de la Nouvelle-Calédonie, suivant le vote en 1986 de l’assemblée générale de l’ONU. Le peuple Kanak autochtone veut à 90 % son indépendance, éventuellement en lien avec la France, et tend la main aux non Kanak solidement établis pour construire le pays ensemble.

L’État veut empêcher cela, bien que l’opinion publique française y soit largement favorable. Il se livre ainsi à nombre d’exactions colonialistes d’un nouveau genre pour contrer cette « menace » apparue depuis 1956.

Il est important pour le proche avenir d’en faire une analyse synthétique qui mette en perspective les causes profondes du chaos insurrectionnel actuel.

Ce qui se passe depuis le 13 mai 2024

Le 13 mai 2024 éclate sur le Grand Nouméa une insurrection indépendantiste violente et spontanée.

Ce jour-là, l’Assemblée Nationale vote à Paris un projet de révision de la constitution pour modifier le corps électoral calédonien, ce que le Sénat a fait peu avant. La route est ouverte pour l’étape ultime : la réunion des deux assemblées en congrès à Versailles et le vote réitéré mais cette fois commun du même texte. La modification constitutionnelle serait alors entérinée.

Problème : ce corps électoral est partie intégrante de l’Accord de Nouméa - ADN - signé en 1998 par l’État, les indépendantistes et leurs ex opposants. Un ADN exceptionnellement inséré dans la constitution, qui édicte que « l’organisation politique » du pays est, jusqu’à la pleine souveraineté, « sans possibilité de retour en arrière, cette "irréversibilité" étant constitutionnellement garantie ».

Ce 13 mai 2024, le marbre de la constitution se fissure donc. La révolution pacifique vers la souveraineté est rendue impossible et le chaos insurrectionnel populaire commence, débordant largement les protestations plus conventionnelles des diverses structures indépendantistes.

Depuis ce jour l’agglomération du Grand Nouméa, essentiellement, a connu au moins 13 morts, presque tous par balle, presque tous Kanak : un massacre plus intense que lors des « évènements » 1984/1988 (80 tués en 4 ans), et équivalent à 3 250 (1) tués dans l’Hexagone.

Les dégâts matériels - plus de 1,5 milliard d’Euros - sont aussi massivement supérieurs. Plus de 600 entreprises, souvent métropolitaines, sont pillées et/ou incendiées, mais aussi des maisons, des écoles, des équipements miniers, parfois des biens de l’église catholique. Certains actes semblent ciblés, d’autres non.

Le tout sur moins d’un dixième du pays regroupant 2/3 de ses 270 000 habitants, pour l’essentiel allogènes. Les Kanak, 42 % de la population du pays et majoritaires ailleurs, y sont 26 % contre 16 % dans les années 1980.

Là se juxtaposent les quartiers pauvres d’Océaniens/Kanak, et des zones huppées regroupant surtout des « métros », avec trop souvent - pas toujours - leurs racismes et plaisanteries malsaines parfois light ou plus trash sur les cafards et autres singes. Les contacts entre ces gens et le monde kanak se font principalement avec leurs employé(e)s ; trop peu se déplacent vers la « brousse », trop kanak, inquiétante.

Ce racisme diffus est perçu avec un ressentiment croissant par des Kanak souvent jeunes - mais pas toujours -, viscéralement indépendantistes mais peu encartés, maintenant plus diplômés et plus citadins qu’aux précédentes révoltes plus rurales de 1984, et qui se voient minorisés, snobés, méprisés voire marginalisés dans leur pays.
Les inégalités sociales, fruit de politiques dures de droite au long terme exacerbent la montée d’une rage froide.

Ce qui s’était passé avant

Si le soulèvement en cours est une première sur la forme et le lieu, il ne l’est pas sur le fond.

Les Kanak, peuple premier du pays, sont contraints à d’incessantes luttes depuis la venue des « blancs » (J. Cook, 1774) : alors probablement près de 300 000, ils frôlent l’extinction par maladies, cantonnement en réserves, tueries et répressions d’une soixantaine de révoltes, incendies de villages, déportation de leaders (en Polynésie et jusqu’à Djibouti). Ils peinent plus d’un siècle mais remontent à 120 000 personnes de nos jours.

En 1956, ayant dû combattre lors de deux guerres mondiales pour le colonisateur, ils passent de sujets parqués à citoyens votants… et électoralement majoritaires. Une situation qui leur fait obtenir en 1958 une autonomie dont le but est de les dissuader de vouloir l’indépendance : aussitôt leur allégeance obtenue, l’autonomie est annulée et ils sont minorisés par des vagues d’immigration planifiées pour cela (1956 puis 1971).

Suite à la dernière révolte (1984-1988) ils parviennent, via les Accords de Matignon (1988-1998), à récupérer une bonne part de leurs terres, à bénéficier d’un certain rééquilibrage, et à prendre un chemin pacifique vers la liberté.

Car en 1998 la puissance administrante signe cet ADN avec les allochtones et les autochtones, en remplacement du référendum d’autodétermination promis cette année-là mais escamoté. Ce cheminement prometteur admiré dans le monde vise à une « complète émancipation (2) » progressive que « La France est prête à accompagner ».

Malgré la colonisation de peuplement qui les submerge toujours, les Kanak invitent alors les « citoyens » locaux désignés comme tels par l’ADN (arrivés avant 1998 et descendants) au processus de destin souverain commun.

Las, à côté de la signature indépendantiste de l’ADN - qu’ils appellent un « pari sur l’intelligence » -, la signature de leurs vis-à-vis se révèle progressivement être un pari cynique sur la duplicité.

Il y a bien quelques alertes lors des prémices de l’accord, ignorées dans l’euphorie. Certains ex adversaires de l’indépendance, inquiets du but final, interpellent leur leader Jacques Lafleur, lequel leur susurre discrètement sa certitude que les Kanak finiront par reculer devant les responsabilités. Son collègue Harold Martin, plus cash, invite les suspicieux au silence, faisant valoir qu’il leur donne ainsi 20 ans de rallonge à se remplir les poches.

Tic tac. Le temps passe et passe mal pour les dépendantistes (3) déguisés en indépendantistes.

Sans le secours de nouveaux arrivants, puisque le corps électoral est bloqué aux présents dans le pays avant 1998 (et leurs descendants), les résultats des élections locales (Provinces et Congrès) invalident peu à peu leurs pronostics secrets, au point de menacer leur tactique : il y eut 32,8 % de votes pro-indépendance aux Provinciales 1989 ; mais 39,9 % en 1999, puis 42,2 % en 2009, et 47 % en 2019 !

Ce qui a rallumé l’incendie

Les élus dépendantistes donc, majoritaires au Congrès et au gouvernement, en profitent 22 ans (jusqu’en 2021).

Et se renient peu à peu, dûment accompagnés par l’État qui espère in fine une « décolonisation dans la France » (sic) mais promet d’accompagner le pays vers sa pleine souveraineté. La duplicité s’amplifie en deux phases.

De 1998 à 2018 l’État et les droites savonnent la planche

 En jouant la montre : il faut choisir des signes identitaires en commun, mais la 1e réunion n’est programmée qu’en 2007. L’État s’investit aussi dans quelques transmutations : le « les compétences suivantes seront transférées » de l’ADN est changé en « pourront être transférées » (assorti de conditions) dans la loi d’application : des transferts de compétences importants sont ainsi escamotés et les buts de l’ADN non finalisés.

 En sapant l’ADN signé : M. Frogier, alors Sénateur RPR et cosignataire de l’ADN va jusqu’à contester publiquement que celui-ci soit un accord de décolonisation alors que le terme y est bien inscrit !

Il conteste aussi qu’il faille chercher un drapeau commun, exprimant sa crainte que cela crée un ciment national.

Le plus éhonté est la contestation du « gel » du corps électoral à 1998. Sur l’interprétation d’un mot ambigu de l’ADN, la loi d’application l’estime « glissant » : chacun pourrait voter après dix ans de présence. Le vote identique des deux chambres dès 1999 met les points sur les i, mais ça ne suffit pas aux dépendantistes, pas plus que la confirmation du parlement à 89 % à Versailles en 2007 : ils crient toujours à la trahison de… J. Chirac !

 En gardant des circonscriptions législatives trafiquées : C. Pasqua les a charcutées dès 1986 et malgré la progression indépendantiste, les 2 députés ont depuis lors toujours été anti indépendance (4), jusqu’à 2024.

 En contrôlant de plus en plus les médias : en 2013 trois fortunes locales dépendantistes rachètent l’unique quotidien de l’île, préparant ainsi la 1ère consultation sur la pleine souveraineté qui pouvait être déclenchée dès 2014 (5). La radio quasi officielle RPR/LR locale a toujours eu plus de subventions que toute autre, et la télévision d’État sous pression des droites se fait plus critique de l’indépendance à l’approche des scrutins, via des reportages, magazines « historiques », tables rondes favorisant les dépendantistes ou lectures sèches en porte-parole de documents fournis par l’État.

 En minimisant le social pour se remplir les poches : l’autonomie économique leur permet des impositions sur mesure, des niches fiscales démesurées, des programmes sociaux plus mesurés qu’en France. Ils contournent la loi favorisant l’emploi local et ignorent l’exigence de l’ONU de « décourager ou prévenir l’afflux de colons... ».

Mais cela les a conduit à leur perte : à l’opposé des valeurs sociales océaniennes d’empathie, solidarité et entraide, ils provoquent la colère des trois élus d’un parti centriste d’océaniens auparavant inféodés, lequel s’allie au FLNKS (6) en 2021 : cette coalition rafle alors les présidences du Congrès et du gouvernement jusqu’en 2024.

De 2018 à ce jour, l’État et nos droites balayent les règles, de droit comme éthiques.

- Consultation du 4/11/2018

L’ADN affirme que « L’État reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d’une complète émancipation ». L’État doit donc l’accompagner. Mais lorsque le chef de l’État Emmanuel Macron vient à Nouméa début mai 2018… il lance la campagne du Non à l’indépendance !

Les sondages locaux, eux, ressemblent plutôt à des chiffres manipulés pour décourager les Kanak : le Oui à l’indépendance y oscille entre 14 et 22,5 %, selonI-scope (patronat local) ou Quid-Novi Kantar (France – le fils de Mme Macron en est alors un « senior vice président »).

Le Oui obtient finalement 43,3 % des voix, malgré tous ces obstacles, dont 85 % des électeurs Kanak, population théoriquement décisionnaire pour l’ONU.

- Consultation du 4/10/2020

Les dépendantistes croient piteux leur résultat 2018 (56,7 % de Non). Mme Backès, chef de file de la droite dure, accuse la droite modérée alors au pouvoir de mollesse voire de trahison ! Proche de l’extrême droite mais soutenue par la Macronie elle promet d’écraser le FLNKS, qui emporte pourtant en 2019 la majorité relative en sièges aux élections du congrès pour la 1e fois de son histoire.

« Pire », à la 2e consultation en 2020 le score du Oui s’améliore à 46,7 %, avec 84 % de votants !

En projection, cela ferait 50,41 % à l’ultime consultation prévue en 2022 ! Et l’hypothèse est crédible : le recensement 2019 a montré que l’émigration (européenne) l’emporte pour la 1ère fois sur l’immigration. Le nombre de jeunes Kanak atteignant la majorité augmente. Des quartiers pauvres votant peu commencent à basculer vers le FLNKS. C’est la panique en face, les magouilles s’amplifient.

- Consultation de 2022… 2021 !

Emmanuel Macron, qui vient d’écarter son 1er ministre Édouard Philippe, chargé de la Calédonie, confie alors le dossier au ministre des Outre-Mer, Sébastien Lecornu, un obligé transfuge de LR.

Celui-ci bafoue aussitôt à la fois la parole de l’État et l’ADN en fixant la 3e consultation au 12/12/2021 :

 La parole de l’État car Édouard Philippe avait signé, avec le Comité des Signataires 2019 (CDS, instance de suivi annuel créée par l’ADN7) pour une 3e consultation fin 2022, après les élections (présidentielle/législatives).

 L’ADN car celui-ci prescrit expressément que l’intervalle de temps doit être le même que le précédent, soit deux ans.

L’intérêt ? Raccourcir la campagne Kanak, longue car de terrain, les médias étant pour la plupart contre eux. Diminuer les impacts du temps sur l’électorat dépendantiste. Peut-être espérer des désordres de protestation défavorables aux Kanak ? Le FLNKS conteste, hésite à boycotter, voit qu’il sera ainsi plus difficile de gagner, mais tente le défi.

Sébastien Lecornu entame aussitôt la campagne du Non, avec Sonia Backès (8) en caisse de résonance locale :

 Il invente un futur invraisemblable en cas de Non : l’ADN serait caduc (il reste en vigueur), le pays serait rayé des territoires à décoloniser (l’ONU l’a confirmé). Mieux, les Kanak rentreraient dans le rang (!) via un « référendum de projet » dans les 18 mois

 : encore une promesse improbable car la période inclut la présidentielle, les législatives, puis la formation d’un gouvernement. Son successeur Gérald Darmanin l’annulera aussitôt arrivé.

 Il produit un document suggérant une catastrophe en cas de Oui, intitulé « les conséquences du Oui et du Non », bafouant l’ADN, la parole d’É. Philippe et les prescriptions de l’ONU : ses services le rédigent seuls (et mal) en 15 jours alors que l’ex 1er ministre et l’ONU le voulaient débattu (par exemple au CDS) voire consensuel.

Le 6 septembre 2021, le Covid arrive au pays.

Il y a des milliers de malades et 443 morts de plus sur cette fin d’année, essentiellement dans les populations paupérisées, Kanak et Océaniennes. Une hécatombe équivalente à 110 000 décès dans l’Hexagone. Sébastien Lecornu persiste : « en République les élections se tiennent à l’heure ». Le FLNKS puis le Sénat Coutumier et plusieurs pays du Pacifique demandent en vain le report. Le FLNKS finit par décider une « non participation pacifique » - les 22 maires FLNKS tiennent leurs bureaux de vote -, mais prévient qu’il ne validera pas le résultat.

L’État envoie pourtant 2 000 gendarmes supplémentaires, 2 hélicoptères, 130 véhicules dont 30 blindés VBRG… et des juges ! Tous repartiront, et ne reviendront pas aux prémices pourtant bien plus menaçantes du 13 mai 2024.

Le FLNKS et les groupes indépendantistes hors du Front créent alors un « Comité Stratégique Indépendantiste de Non Participation », héritier des Comités de Lutte de 1984 et précurseur de la CCAT (9), afin de fédérer toute la mouvance et d’intégrer les « inorganisés », pour plus de force et de cohésion voire de contrôle.

La campagne référendaire adverse, unilatérale, est odieuse et inclut des clips méprisants et racistes acceptés complaisamment par la chaîne publique.

Le 12 décembre n’enregistre pourtant que 42,5 % de votants (contre 84,6 % en 2020) ; un pitoyable 41 % des inscrits votent Non à l’indépendance.

Emmanuel Macron assène pourtant aussitôt ses constats improbables : « Les Calédoniens se sont prononcés massivement (sic) contre l’accès à la pleine souveraineté […] La Nouvelle-Calédonie restera donc française […]

L’ADN arrive à son terme juridique (?!) […] La promesse du destin commun […] n’a jamais été aussi tangible […] Nous pouvons être fiers de ce cheminement inédit et pacificateur (sic).

D’autres concluront différemment :

 L’AG de l’ONU 2022 rejette indirectement ces résultats (résolution L22 du 16/06/2022), confirme l’opérationnalité de l’ADN, exige la poursuite des transferts, et demande une nouvelle consultation « conforme aux principes et à la charte de l’ONU ».

 Le « Forum des Iles du Pacifique » (18 pays dont Australie et NZ) à son AG 2022 voit dans le résultat de la 3e consultation « une représentation inexacte de la volonté des électeurs inscrits ».

 La mission d’information du Sénat français conclut à son retour à « l’absence de solution pérenne » car le processus « n’a pas tranché toutes les questions quant à l’avenir institutionnel », puis engage l’État à « un nouveau cycle de négociations » n’excluant « par principe aucun sujet de l’agenda ».

Malgré tout cela, les leaders de droite et leurs médias clament toujours qu’ils ont « gagné 3 fois », que l’ADN est caduc, que « la communauté internationale a validé la 3e consultation (10) », etc.

Et depuis 3 ans, l’État garde le cap d’un arrimage accru de la Calédonie dans la France.

La position indépendantiste est claire : vous n’avez pas gagné et vous avez abondamment triché.Le FLNKS pointe de surcroît la position doublement fallacieuse de l’adversaire : même si vous aviez gagné, cela n’entraînerait pas ce que vous prétendez faire car vous devez suivre les préceptes de l’ADN en ce qu’il prévoit pour ce cas de figure :

 « Si la réponse est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée. »

 « Tant que les consultations n’auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l’organisation politique mise en place par l’accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d’évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette "irréversibilité" étant constitutionnellement garantie ».

La « nouvelle organisation politique proposée » est celle du libellé de la proposition faite aux consultations : la pleine souveraineté. Celle-ci n’a pas encore « abouti », donc le pays est toujours en « transition (11) » vers ce but.

En bonne logique juridique, le pays reste à vivre sous les règles de l’ADN jusqu’à l’aboutissement de la pleine souveraineté ou à minima jusqu’à un accord qui le dirigerait vers l’aboutissement prévu.

En d’autres termes l’ADN constitutionnalisé et qui plus est à valeur de traité, interdit au législateur de défaire quoi que ce soit de ses règles et des avancées engrangées dans l’autonomie par ses prescriptions, jusqu’à la pleine souveraineté. Le corps électoral en est un élément constitutif clé reconnu par diverses juridictions.

Or, sous menace confirmée de finaliser la révision constitutionnelle unilatérale de dégel du corps électoral, Emmanuel Macron venu 18h au pays le 23 mai 2024 exige encore un accord global dont les contours reprennent en fait les demandes à minima d’une droite extrême qui préférerait aller jusqu’à la partition (!) :

 Reprise en main de la citoyenneté calédonienne, plus ouverte aux arrivants plus récents.

 Reprise en main de la priorité à l’emploi local, plus laxiste encore (déjà très galvaudée).

 Reprise en main du foncier pour favoriser le développement par des non kanak sur foncier kanak.

 Reprise en main du statut d’état civil coutumier Kanak, intégré au répertoire national.

 Reprise en main du secteur Nickel (dévolu selon l’ONU au peuple autochtone) vers les intérêts français.

 Reprise en main de la fiscalité, pour résorber les inégalités (?!)… en favorisant les entreprises !

 Reprise en main des relations extérieures pour favoriser le rayonnement de la France et un improbable Indopacifique.

 Renvoi d’un référendum d’autodétermination aux « calendes grecques » et finalisation du dégel à 10 ans.

Dès lors, pourquoi le FLNKS aurait-il souscrit à un accord colonial incluant de plus l’objet de son chantage ?!

In fine, une radicalisation populaire en désespoir de cause

Depuis nombre d’années, des groupes indépendantistes hors FLNKS se sont créés, frappant à sa porte de façon insistante, voire le bousculant. L’Union Calédonienne (12) a tenté en 2023 une voie médiane, espérant y rallier le Palika, arguant aussi du besoin d’organiser une lutte de terrain unitaire planifiée.

La CCAT, Cellule de Coordination des Actions de Terrain, est ainsi créée le 18/11/2023 entre l’UC et les partis non affiliés au FLNKS, suscitant aussi l’agrégation enthousiaste de nombreux indépendantistes non encartés.

Depuis lors la CCAT a organisé avec succès une centaine de réunions d’information et une quinzaine de mobilisations contre la réforme constitutionnelle, sous deux mots d’ordre : « restons discipliné et pacifique ».

En avril notamment, deux manifestations gigantesques d’au moins 20 000 participants (soit 5 M de manifestants en France) ont lieu à Nouméa, pacifiques voire bon enfant. Mais elles sont l’avertissement ultime d’une foule qui commence à grogner, alors que sénateurs puis députés débattent.

Dernier effort désespéré, le Congrès Calédonien vote le 13 mai 2024 une résolution demandant le retrait du projet.

Le même jour à Paris les députés l’entérinent pourtant. Souvent sur la simple consigne politique de leur groupe.

Dans la nuit la révolte rageuse déborde soudain, au-delà de tout contrôle (13), étrangère à toute prescription de boucs émissaires de la CCAT et de l’UC, désignés et emprisonnés ensuite par le procureur aux ordres de l’État.

Des prisonniers de facto politiques, car présumés innocents et pourtant pour certains déportés brutalement à 22 000 km de chez eux, en infraction à plusieurs règles de droit (14).

Une rage réduite au qualificatif « d’exactions » pour en invisibiliser le sens politique trop évident.

Des actions souvent ciblées, et bien des fois aveugles aussi, alimentées par l’empilement dans le temps des forfaitures de l’État, par son irrédentisme, puis par la férocité de sa répression qui humilie, mutile, et tue. Qu’elles soient cadrées par les décisions collectives de la CCAT qui conserve son éthique, ou spontanées et erratiques trop souvent, elles sidèrent aussi bien des Kanak, qui restent pourtant globalement solidaires malgré l’effarement et malgré des souffrances qui sont loin d’être les premières.

Le retour au projet de l’ADN, à sa conclusion de souveraineté, accompagnée par la France -voire partagée-, fermera logiquement la transition. C’est le seul chemin d’avenir prometteur pour toutes les parties.

Notes

1- La France a 250 fois plus d’habitants que la NC ( 67 millions contre 270 000).

2- Le terme « décolonisation » est inscrit une fois dans l’ADN, qui fait 8 pages ; celui de « pleine souveraineté » y est écrit 8 fois. Exemples : « Fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun ». « Partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté ». « La France est prête à accompagner la Nouvelle- Calédonie dans cette voie ». « Les institutions de la Nouvelle-Calédonie traduiront la nouvelle étape vers la souveraineté ». « L’État reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d’une complète émancipation ».

3- L’ONU parle des « peuples dépendants » (Rés. 1514, 1960) ; il semble logique de dénommer dépendantistes ceux qui assument de conserver cette dépendance. Le terme « loyaliste » utilisé en fierté malgré sa connotation historique, est trop ambigu voire décalé.

4- Le découpage précédent donnait régulièrement un député de chaque bord. Les remodelages post 1986 évitèrent de toucher le pays. Quant aux Sénateurs, l’avantage proportionnel en grands électeurs de ville a agit de même … jusqu’en 2023 !

5- Ce journal « Les Nouvelles Calédoniennes » fut revendu juste après la dernière consultation : mission accomplie ?

6- Le Front de Libération Kanak et Socialiste, créé le 24/09/1984, signataire de l’ADN, regroupe divers partis indépendantistes, notamment l’Union Calédonienne -UC-, le Parti de libération Kanak -Palika-, l’Union Progressiste en Mélanésie -UPM-, et Rassemblement Démocratique Océanien -RDO.

7- Déjà existant dans les Accords de Matignon sous la forme d’un Comité de Suivi. Ces organes sont la clé de voûte de la concertation.

8- Elle sera remerciée en étant nommée secrétaire d’État à la citoyenneté (!) le 4/07/2022 ; son conseiller spécial était d’extrême droite.

9- Voir quelques paragraphes plus loin.

10- Radio Rythme Bleu – RRB -, la radio de LR, pour la énième fois le 16/08/24, lors de l’ITW du président de la Province Iles J. Lalié

11- La constitution française « héberge » l’ADN en son titre XIII intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie »

12- L’UC, forte d’environ 4 000 membres cotisants, est le plus ancien (1953) et principal parti indépendantiste en nombre

13- D’autant que les droites pilonnent avec des mots très durs et des mensonges dans les médias, et que les forces de l’ordre bloquent en plein parcours et sans explication un cortège pacifique sur un trajet autorisé.

14- La « déportation » semble avoir été organisée avant tout débat contradictoire légal. Les avocats n’ont pu faire valoir leurs arguments (contre ou report). Il y a atteinte au respect du procès équitable, à la dignité humaine, à la vie privée et familiale.

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