Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

Nouvelle étape dans la lutte contre le racisme et la discrimination aux États-Unis

« No Justice, No Peace » : ce slogan que nous entendons depuis plus qu’un an résume assez bien l’état de la situation pour les Noirs américain dans leurs luttes contre le racisme systémique et en particulier, contre les agressions de la police. Les confrontations suscitées par cette situation se multiplient dans les quartiers noirs à travers le pays.

Cela ne cesse pas : arrestations arbitraires, profilages et insultes raciales, passages à tabac quotidiens, et tueries. De temps en temps, des noms surgissent Travon Martin (Miami), Michel Brown (Ferguson), Éric Garner (New York), Tamir Rice (Cleveland). Mais la plupart du temps, les victimes sont anonymes et les tueurs intouchables. D’autant plus qu’un grand nombre de criminels bénéficient d’une impunité explicite ou implicite devant les tribunaux américains. 

Maintenant, on se dit au sein de la communauté noire : c’est assez.

Plus tôt cette année, les trois jours d’émeutes à Baltimore, qui faisaient penser aux confrontations de Détroit en 1967, ont démontré le niveau de frustration, de colère, reflétant le ras-le-bol devant la quantité invraisemblable d’actes racistes que vit cette communauté au quotidien. Pour autant, ces manifestations de colère semblent localisées, comme s’il n’y avait pas un mouvement national, comme il y en avait un dans les années 1960-70 à l’époque du mouvement pour les droits civiques.

En réalité, il y a des processus en cours. Par exemple, le mouvement « Black Lives Matter » est une initiative nationale pour saisir le moment et tenter d’instituer des poursuites légales contre les criminels et ceux qui les protègent, également, pour unifier la communauté et trouver des appuis au sein de la gauche libérale. Ce mouvement ne vise pas uniquement les incidents de tuerie, mais s’efforce de conscientiser la société américaine dans son ensemble. 

Les Noirs constituent 22 % de la population totale, mais ils sont 90% des incarcérés. Sur près de 30 millions de pauvres, 60% sont des noirs. Certaines politiques adoptées par les gouvernements antérieurs, dites d’action positive (accès à l’université par exemple), ont été supprimées. Une classe moyenne noire existe certes, avec quelques vedettes de la TV et d’Hollywood, mais pour la grande masse, on se retrouve en dessous du seuil de la pauvreté.

Devant cela, on observe une jeunesse de plus en plus radicalisée, très critique face aux organisations traditionnelles (NAACP, CORE, Urban League) qu’elles voient comme cooptées et récupérées par les « White Liberals ». Une partie des jeunes se tourne alors vers un renouveau du nationalisme noir, incarné notamment par le groupe « Nation de l’Islam. À l’apogée du mouvement pour les droits civiques, des militants comme Malcolm X s’étaient détachés de ce groupe qu’ils trouvaient culturellement conservateur, anti-blancs et anti-Juifs, sur un registre quasiment raciste. Mais aujourd’hui, ce mouvement dirigé par Louis Farrakhan fait un retour en force. Il y a aussi d’autres groupes radicaux tels une nouvelle version du Black Panther Party.
 
Le nationalisme renouvelé n’est cependant pas la seule proposition. Une importante tradition de gauche animée par des intellectuels comme Cornel West met de l’avant la convergence des luttes contre la discrimination raciale et l’oppression de classe. Plusieurs groupes travaillent à former de vastes coalitions incluant des communautés noires, hispanophones, blanches, Asiatiques. Selon West, il faut mobiliser le 99 % contre le 1%. Bien que présent dans le débat, cette perspective de gauche n’est cependant pas majoritaire dans les mobilisations actuelles.

Un autre facteur inhibant est le fait que la communauté noire n’a pas présentement un leader qui galvanise comme Malcolm X. Martin Luther King ou Jesse Jackson. Les luttes actuelles surviennent de manière spontanée, exprimant la colère plutôt que la stratégie et l’organisation. Néanmoins, il y a dans ces explosions, comme à Ferguson, Baltimore, Cleveland, New York, des leçons sur lesquelles réfléchissent les militants et les militantes. L’histoire est à suivre.

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