Édition du 3 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique québécoise

Revenons vite en mode « printemps »

L’automne frappe à la porte. Pas l’automne des pommes, de l’Halloween et des jeux dans les feuilles mortes. Mais l’automne des casse-têtes. Après un printemps de solidarité et d’ouverture, puis après une longue « saison » à se remettre des grands espoirs et à s’habituer à la « normalité » des choses, le Québec sombre maintenant dans un automne gris, sans imagination.

L’auteur est directeur général d’Alternatives

Après le printemps du changement, après le désir de s’ouvrir plus large, plus haut et d’aller décrocher nos rêves, après une lutte en faveur de l’inclusif, pour l’universalité des droits ; c’est maintenant la grisaille de la peur des autres qu’on nous impose. L’hiver pourrait être très long.

La %#@* !! de Charte

Tout a été dit déjà sur cette Charte arrivée de nulle part, dont les visées apparaissent au mieux électoralistes. On s’insulte de part et d’autre. On se déchire à gauche comme à droite. On fracture les formations politiques comme les associations. On annonce des combats juridiques tant à Québec qu’à Ottawa. Tout le monde devient l’ennemi et le traître de tout le monde. Puis au final, après plusieurs détours et déchirements, on en arrive à ce qui semble être l’enjeu fondamental, le début et la fin de l’histoire : la question du voile chez les femmes musulmanes.

Sur cette question spécifique, s’il est vrai que le port du voile dans les sociétés musulmanes est un symbole de soumission, s’il est vrai comme le disait récemment Amir Khadir que les sociétés ouvertes et modernes « devraient pouvoir reléguer ce symbole aux oubliettes de l’histoire » ; il est tout aussi vrai que nous ne pouvons pas répondre à la stigmatisation par davantage de stigmatisation.

Ceux et celles qui affirment qu’en retirant le voile de leurs propres champs de vision, ils règleront les complexes enjeux identitaires et religieux qui sont sous ces voiles ont tout simplement tort. Au mieux, cette folie ne réussira qu’à créer de nouvelles blessures sociales qui pourraient être très longues à guérir.

1001 débats nécessaires pour tout le monde

Et puisqu’il faut avoir des débats de société, pourquoi ne pas faire plus de place à des enjeux qui ne s’arrêtent pas uniquement qu’à changer les vies d’une minorité dans la minorité, mais qui peuvent changer la vie de l’ensemble ?

Un exemple simple : plutôt que de se déchirer sur les divinités des uns et des autres, pourquoi ne pas réfléchir ensemble sur la violence omniprésente dans notre société ? Jeux vidéo, télévision, Internet et cinéma, la violence est financée et distribuée partout. Nos plus grands héros sont souvent ceux qui tabassent et assassinent le mieux et avec la meilleure technique. Est-ce là la normalité que nous souhaitons ?

Pourquoi ne pas avoir une réflexion commune tout aussi passionnée sur le monde que nous voulons laisser à nos enfants ? Les enjeux sont pourtant criants. Celui sur notre dépendance aux combustibles fossiles par exemple. Nos gouvernements investissent notre argent dans le maintien d’un système pourtant non viable et dangereux pour la survie des humains sur cette planète. Pourquoi attendre ??

Le transport, l’éducation, la surconsommation, l’alimentation, les OGM, l’hypersexualisation des filles, etc... Autant d’enjeux qui méritent 1000 fois l’attention donnée aujourd’hui à la Charte.

La Charte de la division

Être contre la Charte des valeurs, c’est refuser un débat qui s’articule sur la base de la division. Il y aura toujours un "nous" et un "vous" dans cette discussion. Je n’appuierai pour ma part jamais un Québec qui se construit sur le clivage d’une partie de sa société.

Nous avons besoin de l’ensemble des habitants du Québec pour répondre aux défis du 21e siècle et entreprendre la construction de ce pays. Pour résoudre, par exemple, les grands défis écologiques, nous avons besoin de la participation et du soutien de l’ensemble des Québécois et Québécoises, de toutes souches. Pas de 52% de 80%...

La Charte des valeurs est une fausse réponse à un faux débat. Parce que les enjeux identitaires travestissent les enjeux et les projets de société communs sur lequel il est impératif de travailler maintenant.

Passons "GO", ne prenons pas 200 $, et revenons vite en mode "printemps" !

Michel Lambert

Directeur général d’Alternatives.

http://journal.alternatives.ca

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