Édition du 16 avril 2024

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États-Unis

Soif de justice à Guantanamo

Des informations ont circulé à l’effet qu’à la prison militaire de Guantanamo, la majorité des prisonniers soient en grève de la faim. 160 personnes continuent d’y être détenues, malgré que le gouvernement Obama ait autorisé la libération de plus de la moitié. Cependant, des prisonniers s’y morfondent (et dans certains cas depuis plus de dix ans) dans d’infernales limbes, sans même être accusés. La non-application du décret du 29 janvier 2009 du Président Barack Obama qui promettait de fermer Guantanamo et la détérioration des conditions de vie des prisonniers durant son mandat constituent une énorme tache sur ce qu’il va léguer.

(tiré de Rebelion - traduction PTAG)

Amy Goodman

Democracy Now !

De Guantanamo, le prisonnier yéménite al-Bashir al-Marwalah, a écrit à son avocat : « Nous courons un danger. Un des soldats a tiré sur un des prisonniers, il y a un mois. Avant cela, ils avaient envoyé des forces d’assaut avec des fusils M-16 dans certains secteurs de la prison... Ils veulent revenir aux pires moments du gouvernement Bush. C’est ce qu’on nous dit. S’il vous plaît, faites quelque chose. »

La déclaration d’Al-Marwalah constitue le premier signe que les gardes des forces armées américaines ont tiré des balles de caoutchouc contre un prisonnier à Guantanamo.

Selon Pardiss Kebriaei, un des principaux avocats du Centre pour les droits constitutionnels (CCR), son client Ghaled al-Bihan, est l’un des prisonniers de Guantanamo qui, actuellement, fait la grève de la faim. Al-le Bihan a raconté qu’il y a un nombre important de prisonniers qui font la grève de la faim dans le Camp nº 6 qui est un des camps les plus importants de Guantanamo. Ce camp est occupé par environ 130 hommes. Il y a des allégations selon lesquelles presque tout le monde, sauf quelques-uns qui sont malades ou qui sont d’un âge avancé, est en grève de la faim. Lui, il a perdu plus de 9 kilogrammes. Il est diabétique et son taux de glucose sanguin fluctue de façon erratique. Il m’a dit que le personnel médical de Guantanamo l’a informé que sa vie était en danger. D’autres prisonniers veulent diffuser cette information. »

Malgré tout, à Washington DC, le gouvernement Obama a dû défendre cette semaine sa politique à Guantanamo devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme, un organisme qui fait partie de l’Organisation des États américains. Un des camarades de Kebriaei au Centre pour les droits constitutionnels, l’avocat Omar Farah, a affirmé lors de l’audience : « Je représente Tariq Ba Odah, un jeune Yéménite, qui a entamé une grève de la faim ininterrompue depuis février 2007. Tous les jours, les gardes de Guantanamo l’alimentent de force. En ce moment, il est probablement tiré de sa cellule, attaché sur une chaise. On lui introduit un tube de caoutchouc dans une narine pour l’alimenter et remplir son estomac. Tariq soutient que la grève de la faim, c’est la seule façon de communiquer à ceux qui sont libres ce que signifie être détenu injustement, d’être maintenu en cellule sans accusation, depuis dix ans. La grève de la faim est la seule façon pour lui de nous communiquer la barbarie du sort qu’on lui impose.

Le gouvernement Obama affirme qu’il n’y que six ou sept prisonniers qui sont en grève de la faim. Cependant, les lettres de la prison et les témoignages des avocats témoignent du fait que plus de 100 des 166 prisonniers de Guantanamo font la grève de la faim depuis au moins un mois.

Une avocate qui représente un détenu de Guantánamo, Kristine Huskey de l’organisation des Médecins pour les droits humains, a également témoigné le mardi. Elle a expliqué, en après-midi que l’emprisonnement pour un temps indéterminé cause un traumatisme psychologique sévère et durable qui est provoqué par l’état chronique de stress, d’anxiété et de peur, parce que ces prisonniers de Guantanamo ne savent pas si un jour ils seront libérés. Ils ne savent pas s’ils seront accusés. Ils ne savent pas s’ils vont revoir leur famille. Alors, toute cette incertitude et tout ce manque de contrôle sur leur vie provoquent un stress excessif qui s’attaque à leur système immunitaire et à leur système cardio-vasculaire provoquant l’asthme, le diabète, des troubles gastro-intestinaux, et favorise la propagation de cellules cancérigènes, les infections virales, l’hypertension artérielle, la dépression, le suicide et le syndrome post-traumatique. »

Au cours de l’audience, le gouvernement Obama a nié que des personnes étaient détenues pour des périodes indéfinies. Michael Williams, l’un des principaux conseillers politiques sur Guantanamo et membre du Bureau du Conseil juridique du Département d’État des États-Unis, a déclaré : « Les États-Unis ne détiennent des individus que lorsque c’est légal et aucun individu n’est détenu plus que le temps nécessaire. »

Dans son témoignage, l’avocat du CCR, Omar Farah, a déclaré : « Compte tenu des tourments existentiels que provoque l’emprisonnement pour une période indéterminée aux prisonniers de Guantanamo et des risques physiques qu’ils encourent ; compte tenu de la déclaration de l’État qui a déjà admis qu’il n’a aucun intérêt à détenir plus de la moitié d’entre eux, il a demandé l’absolution pour en finir avec le sort subi par ces prisonniers ; étant donné que neuf prisonniers sont morts à Guantanamo, dans cette prison américaine, quand dirons-nous, c’est assez ! »

La grève de la faim des prisonniers de Guantanamo est un geste de désobéissance courageux et désespéré qui met leur vie en péril, et Obama doit résoudre immédiatement cette situation et appliquer un de ses premiers décrets au gouvernement comme président : fermer Guantanamo.


Denis Moynihan a collaboré à la production de cet article.

2013 Amy Goodman

Amy Goodman est rédactrice de de Democracy Now !.

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