Édition du 26 mars 2024

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États-Unis

Trump à la Maison Blanche : Quand s’ouvre la plus cauchemardesque des boîtes de Pandore !

Un mois après son arrivée à la Maison Blanche, un premier bilan de la présidence de Trump est non seulement possible mais aussi extrêmement utile car plein de précieuses leçons. Et tout d’abord, en dépit de ce que se sont empressés de pronostiquer les vœux pieux des chancelleries et des médias internationaux qui voulaient qu’il “s’adapte aux réalités” et devienne “plus large d’esprit”, Trump fait ce qu’il a dit, c’est à dire ce qu’il a promis de faire (sans que cela signifie qu’il réussisse toujours ce qu’il fait). Et même en un temps record…

tire de : [CADTM-INFO] BULLETIN ÉLECTRONIQUE - Samedi 25 février 2017

21 février par Yorgos Mitralias

Ce premier constat a déjà quatre importantes conséquences.

 D’abord, Trump en action paraît bien plus dangereux que ce que laissaient entendre ses « exploits » préélectoraux. Le fait même qu’il avance méthodiquement et selon un plan préétabli, suivant fidèlement les conseils de son mentor et, selon ce qu’on dit, « virtuel président des États-Unis », Stephen Bannon, le rend encore plus dangereux puisqu’on commence à voir combien effrayants sont certains aspects de ses projets qui restaient obscurs et secrets jusqu’à hier. Plus concrètement, des nombreuses « coïncidences » nous amènent à penser sans l´ombre d’un doute que Trump avance, suivant à la lettre l’exemple des illustres maîtres à penser, de Mussolini et surtout d’Hitler, au lendemain de leur montée au pouvoir. Cependant attention : comme on l’a écrit dans un précédent article |1|, il ne suffit pas de le vouloir pour être fasciste, d’autant plus que dans notre cas il ne s’agit pas d’un individu mais d’un régime en formation.Tant que Trump et ses amis continueront à ne pas disposer d’un mouvement de masse organisé qui leur donnera la possibilité de matérialiser leur promesse d’écraser leurs adversaires (minorités ethniques, « raciales » et autres, mais avant tout, le mouvement ouvrier et ses organisations), ils resteront une mauvaise copie inachevée des mouvements et régimes fascistes du siècle passé…

 La deuxième conséquence est que Trump ne déçoit pas la grande majorité de ses électeurs qui, selon tous les sondages, se déclarent satisfaits, sinon enthousiasmés, du fait qu’il « ne trahit pas ses promesses ». On est ici devant un important développement dont on devra tenir compte très sérieusement étant donné la profonde polarisation de la société américaine et en vue des durs affrontements politiques et sociaux qui se profilent déjà à l’horizon.

 La troisième conséquence est qu’on assiste à une accélération des événements du côté tant des amis que des adversaires de Trump. Ayant choisi d’agir avec le maximum de rapidité et d’avancer comme un bulldozer, prenant des initiatives et des mesures par rafales contre un adversaire encore impréparé et un parti Démocrate très sonné et sidéré, Trump essaye de gagner la course de vitesse dans laquelle sont -de fait- engagés tant ses amis que ses ennemis. Mais, en même temps, sa tactique contraint tout le monde à se positionner, ce qui polarise encore plus une société américaine déjà très polarisée tandis qu’elle oblige le grand mouvement populaire (qui avait eu le temps de se former principalement autour de la candidature de Bernie Sanders), de se défendre tout en clarifiant ses idées et ses perspectives surtout dans l’action... |2|

 La quatrième conséquence est que « l’amateurisme » et « l’organisation chaotique » de son état-major, constatés par tout le monde, caractérisent presque inévitablement toutes ses actions. Il s’agit ici de l’autre face de son choix bien conscient et décidé d’avance, de prendre de court son adversaire en créant en un temps record le maximum de faits accomplis. Mais, étant donné que Trump est pour l’instant dépourvu non seulement d’une base de masse organisée dotée de cadres expérimentés mais aussi d’importants soutiens dans l’État profond nord-américain, sa « précipitation » se traduit déjà en diverses « gaffes » grossières et autres « maladresses » quotidiennes, qui sont déjà payées chèrement et mettent en danger l’ensemble de son entreprise.

La conséquence principale de tout ça est que la crise qui fait trembler actuellement le États-Unis d’Amérique a déjà dépassé en gravité tout précédent historique, au moins depuis la guerre civile d’il y a plus de 150 ans ! D’ailleurs, il est symptomatique de la situation totalement inédite et extrêmement dangereuse créée en un seul mois (!), que cette crise a des cotés qui ressembleraient à des scenarii d’une science-fiction plus que débridée, il y a encore seulement 4-5 semaines ! Par exemple, le fait que le nouveau président du pays soit engagé dans une lutte à mort contre les services secrets et autres de son propre pays qui, ne l’oublions pas, est la première super-puissance mondiale, suffirait à nous persuader non seulement qu’on est devant une crise de dimensions historiques et mondiales, mais aussi que cette crise soit incontrôlée et donc dangereuse comme jamais auparavant…

Étant donc donné que des constatations comme les précédentes ne surprennent plus et commencent même à être considérées presque comme des banalités, on s’attendrait à ce que la gauche européenne fasse ce qui est évident : non seulement tenir compte dans ses analyses de ce qui se passe aux États-Unis, mais plutôt... commencer et terminer ses plans d’action avec la situation créée outre-Atlantique ! Cependant, il suffit d’un simple coup d’œil aux diverses activités récentes de la gauche européenne (congrès, élaborations, mobilisations, débats, rencontres…) pour aboutir à la conclusion qu’elle s’en fout éperdument. Pas un mot concernant la plus profonde crise qui fait trembler la super-puissance mondiale, et évidemment aucune évaluation des nouvelles réalités et par conséquent silence absolu sur les priorités et les tâches immédiates qu’elles imposent à une gauche qui résiste et n’évite pas le combat. Et au lieu de tout ça... business as usual ! Comme si rien ne se passe de l’autre côté de l’Atlantique qui puisse influer sur nos vies. Comme si n’existe pas déjà, à l’intérieur des États-Unis, l’énorme mouvement appelé, dans l’intérêt de nous tous, à attacher le grelot. Et surtout, ne serait-ce que pour ça, nous lui sommes redevables et nous devons tout faire pour le soutenir en actes ! Rien, zéro et seulement de l’indifférence, du fatalisme et une passivité scandaleuse qui rappelle celle montrée par la gauche de l’entre-deux-guerres face au fascisme et au nazisme triomphants…

Et pourtant, les jours et les heures sont plus que jamais critiques et exigent une gauche qui pense et agisse aux antipodes de la routine quotidienne et de ce business as usual mortifère. Parce que maintenant, il ne s’agit pas de quelques justes revendications, aussi importantes qu’elles soient, mais de la vie elle-même et de ce qui reste de notre civilisation. Parce que l’enjeu n’est pas le présent et l’avenir d’une seule génération, mais l’existence de la planète et de ses habitants !…

Notes

|1| http://www.cadtm.org/Trump-est-il-ou-non-fasciste-Et

|2| Pour une information continue, détaillée et de première main sur ce qui se passe au sommet mais aussi à la base de la société nord-américaine, nous conseillons le Facebook de l’Initiative Greeks for Bernie Sanders’ Mass Movement : https://www.facebook.com/Europeans-...

Auteur.e

Yorgos Mitralias
Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission

Yorgos Mitralias

Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission.

http://www.contra-xreos.gr

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