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Un choix crucial : course aux armements nucléaires ou monde sans armes nucléaires

L’annonce récente par le gouvernement britannique de son intention d’augmenter de 40% le nombre d’armes nucléaires qu’il possède met en évidence l’escalade de la course aux armements nucléaires, exceptionnellement dangereuse et coûteuse.

A l’encontre
12 mai 2021

Par Lawrence Wittner

Après des décennies de progrès dans la réduction des arsenaux nucléaires grâce à des accords de contrôle des armements et de désarmement, toutes les puissances nucléaires s’activent à nouveau en vue d’améliorer leurs capacités en matière d’armes nucléaires. Depuis plusieurs années, le gouvernement des Etats-Unis s’est engagé dans un programme massif de « modernisation » nucléaire, destiné à remettre à neuf ses installations de production, à améliorer les armes existantes et à en construire de nouvelles. Le gouvernement russe investit lui aussi massivement dans le renforcement de ses forces nucléaires. En juillet 2020, le président Vladimir Poutine a annoncé que la marine russe serait bientôt armée d’armes nucléaires hypersoniques et de drones nucléaires sous-marins. Pendant ce temps, la Chine, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord augmentent la taille de leurs arsenaux nucléaires, tandis qu’Israël construit une nouvelle installation secrète d’armes nucléaires et que la France modernise ses missiles balistiques, ses missiles de croisière et ses sous-marins lanceurs de missiles.

Ce développement nucléaire coïncide avec l’abandon d’accords clés en matière de contrôle des armes nucléaires et de désarmement, notamment le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPoA) et le Traité Ciel ouvert (Treaty on Open Skies).

Comme les courses aux armements du passé, la relance de la course aux armements nucléaires fait courir un immense danger au monde, car lorsque les nations s’engagent dans un conflit militaire, elles sont enclines à utiliser les armes les plus puissantes dont elles disposent. Combien de temps faudra-t-il avant qu’un gouvernement agressif et doté d’armes nucléaires – ou simplement un gouvernement menacé de défaite militaire ou d’humiliation – ne recoure à la guerre nucléaire ?

Outre l’énorme danger qu’elle représente, une course aux armements nucléaires s’accompagne d’un énorme prix financier – dans ce cas, des billions de dollars. Les analystes militaires ont estimé que le programme de « modernisation » nucléaire du gouvernement des Etats-Unis coûtera à lui seul environ 1,5 billion de dollars.

Bien sûr, le processus de contrôle des armes nucléaires et de désarmement n’est pas mort, du moins pas encore. L’une des premières actions du président américain Joseph Biden après son entrée en fonction a été de proposer de prolonger le traité New Start américano-russe, qui limite considérablement le nombre d’armes nucléaires stratégiques américaines et russes. Et le gouvernement russe a rapidement accepté. En outre, des efforts sont en cours pour rétablir l’accord sur le nucléaire iranien. Plus spectaculaire encore, le traité des Nations unies sur l’interdiction des armes nucléaires, qui a été adopté par 122 nations en 2017, a obtenu suffisamment de ratifications pour devenir une loi internationale en janvier 2021. Les dispositions de cet accord historique, si elles sont respectées, devraient créer un monde sans armes nucléaires.

Malgré cela, lorsqu’il s’agit de libérer le monde du danger de la destruction nucléaire, la situation n’est pas prometteuse. Aucune des puissances nucléaires n’a signé le traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Et sans leur participation, un monde sans armes nucléaires restera une ambition plutôt qu’une réalité. En fait, les pays nucléaires les plus puissants restent dans une situation de haute tension les uns avec les autres, ce qui ne fait que renforcer la possibilité d’une guerre nucléaire. Evaluant la situation au début des années 2020 et 2021, un panel nommé par les rédacteurs du Bulletin of the Atomic Scientists a placé les aiguilles de sa célèbre « horloge de l’apocalypse » à 100 secondes avant minuit, le réglage le plus dangereux de son histoire.

En conséquence, les puissances nucléaires sont confrontées à un choix crucial. Elles peuvent poursuivre leur course aux armements nucléaires et en subir les terribles conséquences. Ou elles peuvent suivre la voie de la raison dans l’ère nucléaire et rejoindre les autres nations pour construire un monde sans armes nucléaires. (Article publié dans Counterpunch en date du 10 mai 2021 ; traduction rédaction A l’Encontre)

Lawrence Wittner est professeur d’histoire émérite à SUNY/Albany et l’auteur de Confronting the Bomb (Stanford University Press, 2009).

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