Édition du 16 avril 2024

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Forum social de Tunis

Une Tunisie fébrile accueille le FSM

Le Forum social mondial (FSM) se tient à partir de mardi 26 dans la capitale tunisienne. Placé sous le signe des printemps arabes et de la "dignité", ce FSM 2013 va se dérouler dans un pays plongé dans une crise politique aiguë.

Tiré de regards.fr (France), dimanche 24 mars 2013.

Douze ans après le forum inaugural de Porto-Alegre (Brésil), le FSM se tiendra cette année pour la première fois dans un pays arabe, de l’aire méditerranéenne. En Tunisie, où se sont déroulé, fin 2010, les premiers mouvements sociaux qui allaient déclencher le "printemps tunisien", avec les suites régionales que l’on connaît. Il s’agira donc de la rencontre entre une mouvance - les "altermondialistes" - née il y a treize ans, ayant connu son heure de gloire au début des années 2000 et passablement régénérée par les mouvements ayant fait irruption ces dernières années sur la scène mondiale à la faveur de la crise (Occupy, Anonymous, and Cie), et un pays qui reste le laboratoire des révoltes arabes et vers lequel devraient converger à cette occasion de nombreux militants en provenance des pays voisins.

Une rencontre placée sous le signe de la "dignité" qui fut l’un des mots/revendications emblématiques des soulèvements tunisiens et égyptiens. Le FSM s’ouvrira mardi le 26 avec une marche partant de la place du 14 janvier (date du départ de Ben Ali) et se clôturera samedi 30 avec une marche de soutien au peuple palestinien à l’occasion de la journée de la terre. Entre ces deux dates, trois jours de débats, rencontres, conférences etc. environ 1000 ateliers annoncés qui se tiendront dans les bâtiments de l’Université el Manar de Tunis. L’environnement, la situation des femmes, la question migratoire seront des thématiques centrales de ces rencontres, comme à chaque édition. Mais cette année, toutes les problématiques liées aux révoltes arabes (démocratie, peuple, islam politique, etc.) devraient occuper une place particulière.

Cela dans un pays qui est bien loin d’en avoir fini avec sa révolution. L’assassinat début février de cette figure de la gauche tunisienne qu’était Chokri Belaïd a donné lieu à la plus grave crise politique survenue dans le pays depuis deux ans. Avec, à la clef, une polarisation extrême qui semble, depuis, perdurer. D’un côté une gauche d’opposition dont une bonne partie accuse les islamistes de Ennahdha au pouvoir depuis un an de jouer double-jeu avec les salafistes - mouvance suspectée d’avoir commis l’assassinat de Belaid-, sinon d’en être les alliés objectifs. « Que l’opposition séculariste fasse preuve d’alarmisme excessif et formule des accusations souvent injustifiées ne fait guère de doute, comme ne fait guère de doute sa difficulté à accepter que des islamistes gouvernent désormais le pays. Mais que ses peurs soient exagérées ne veut pas dire qu’elles soient sans fondement », souligne le dernier rapport d’International Crisis Group [1]. Car, c’est un euphémisme de dire que face à cette gauche très crispée, Ennahdha peine à donner tous les gages de sécurité. L’exercice du pouvoir révèle au grand jour ses fractions et divisions. Le premier ministre Hamadi Jebali, qui avait souhaité monter un "gouvernement de technocrates" a finalement échoué à convaincre dans les rangs de sa formation et c’est Ali Laarrayedh, ex-ministre de l’intérieur qui a pris sa place le 22 février dernier. Rassemblant un nombre significatif de "personnalités indépendantes" mais aussi de nombreux ministres issus des trois partis qui dirigent le pays depuis un an (la "troïka" : Ennahdha, le Congrès pour la république -CPR - du président Moncef Marzouki et Ettakatol), dont certains sont reconduits dans leurs fonctions, l’équipe ressemble à s’y méprendre à un team un peu bancal de transition...

Avec en toile de fond une Assemblée nationale constituante qui semble éprouver du mal à avancer dans ses travaux, le labo tunisien est aujourd’hui dans le creux de la vague. Ce qui ne devrait pas manquer d’alimenter de nombreux débats lors du FSM qui débute mardi.

Notes

[1] Tunisie : violences et défi salafiste ; Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord N°137 | 13 février 2013

Emmanuel Riondé

Auteur pour la revue Regard - regards.fr (France)

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