de Alain Mignault
Le 19 octobre 2025 marquait ainsi le troisième anniversaire du blocage du pipeline 9B d’Enbridge par le Collectif Antigone — un geste qui avait exposé les risques posés par un vieux tuyau rouillé transportant jusqu’à 300 000 barils par jour de pétrole sale de l’Ouest vers Montréal. Ce pipeline menace l’eau potable, la biodiversité et les communautés autochtones, tout en contribuant à l’aggravation de la crise climatique.
C’était aussi le deuxième anniversaire de l’ultimatum lancé par notre collectif, Le vivant se défend, au gouvernement fédéral et à Enbridge : fermer la ligne 9B d’ici 2030, réduire son débit chaque année et rendre publiques les fuites. Faute de quoi, chaque 19 octobre deviendra une journée d’action perturbatrice jusqu’en 2030.
Répression et détermination
Depuis deux ans, la répression contre les activistes climatiques s’intensifie : emprisonnement des militant·es du pont Jacques-Cartier, procès du Collectif Antigone où la défense de nécessité a été rejetée, peine d’emprisonnement à domicile pour un militant. Le message est clair : la désobéissance civile écologique est désormais traitée comme une menace.
Puisque nous avions promis d’agir, nous avons choisi cette année d’organiser une masse critique à vélo pour aller livrer l’ultimatum à Enbridge, malgré une tension palpable.
Une escorte policière présidentielle
Le matin venu, nous étions une trentaine de cyclistes… mais davantage de policiers. Contre toute attente, la police a bloqué la rue Sherbrooke dans les deux sens pour nous laisser passer. Une « piste cyclable » improvisée large comme quatre voies, le vent dans le dos et la musique entraînante d’un camarade : un moment étrange, entre liberté et surveillance.
Plus de policiers que de manifestant-es au métro Honoré-Beaugrand. Photo : Anonyme.
Les cyclistes se préparent au métro Honoré-Beaugrand. Photo : Anonyme.
Les quatre voies sont bloquées sur la rue Sherbrooke dans le quartier des raffineries. Photo : Anonyme.
Rue Marien : la police bloque Valéro
Arrivés sur la rue Marien — où 500 camions-citernes par jour viennent chercher du pétrole raffiné — les policiers bloquaient l’entrée du terminal. Pour nous… mais aussi pour les camions. Résultat : un blocage involontaire mais bien réel, représentant environ 1,6 million de dollars l’heure pour Valéro. Nous avons savouré ce moment rare où la police bloque elle-même l’industrie pétrolière.
La police bloque l’entrée du terminal de Valéro sur la rue Marien soit l’endroit où 500 camions par jour sont ravitaillés. Photo : Alain Mignault.
Alain Mignault explique que les policiers bloquent d’eux-mêmes l’entrée des camions citernes au terminal de Valéro sur la rue Marien. Photo : Anonyme.
Devant les bureaux d’Enbridge, un cordon policier nous barrait l’accès. Nous avons signé l’ultimatum, pris une photo de groupe et chanté On lâche rien. Un policier nous a même laissé installer notre panneau sur la clôture, non sans humour : « Vous pensez qu’il va rester 15 minutes ? » — « Vous êtes optimistes ! »
Les manifestant-es signent l’Ultimatum. Photo : Anonyme.
Les policiers ont laissé passer une personne pour accrocher l’Ultimatum à l’entrée d’Enbridge. Photo : Alain Mignault.
Groupe de cyclistes qui ont livré l’Ultimatum à Enbridge sur la rue Broadway à Montréal-Nord. Photo : Anonyme.
Une dystopie tranquille
Deux rangées de policiers, une ambulance, possiblement des caméras à reconnaissance faciale : pour une simple trentaine de cyclistes, le dispositif frisait l’absurde. Mais il disait quelque chose : protester contre l’industrie pétrolière dérange — même pacifiquement, même à vélo.
Deux cordons policiers devant nous au bureau d’Enbridge. Photo : Alain Mignault.
La délégation policière suivant les manifestants sur Broadway au bureau d’Enbridge : remarquez l’ambulance... Photo : anonyme.
On a tenu parole
Le retour fut plus chaotique, la police ne bloquant qu’une seule voie cette fois. Mais nous sommes arrivés sans encombre. Et surtout, nous avons tenu parole : livrer l’ultimatum, montrer que la lutte continue, et rappeler que même une trentaine de cyclistes peuvent perturber, un instant, le flux du pétrole.
Le vivant se défend !
« Alain Mignault est chercheur en psychologie de formation et militant écologiste. Depuis 2016, il s’oppose activement au pipeline 9B d’Enbridge et a cofondé le collectif Le vivant se défend en 2023. Il donne régulièrement des conférences de vulgarisation sur les énergies fossiles. »


















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