Édition du 7 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université du Québec en Outaouais : 30 ans déjà ! (Troisième partie)

« {La politique fut d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde} ». -Paul Valéry. 1931. (Regards sur le monde actuel, Paris, Librairie Stock, p. 95)

Tout n’est pas parfait en ce bas monde. Puisqu’il en est ainsi, nous devons continuer à revendiquer et à négocier nos conditions de travail et de rémunération. Nous devons aussi négocier notre place dans la structure décisionnelle et administrative de l’université. L’Université ne peut pas être uniquement une entreprise dont la gestion est concentrée en totalité dans les mains des seuls gestionnaires. C’est la collégialité entre les corps et les groupes qui la compose et la caractérise qui doit être au poste de commande dans les processus décisionnels.

Qu’envisageons-nous pour notre avenir ?

Nous travaillons sans relâche depuis trente ans à définir notre place dans cette institution pour laquelle nous sommes une composante essentielle et structurelle fondamentale. Nous sommes maintenant autour de 70% de chargées et de chargés de cours à enseigner au premier cycle. De fait, à l’UQO, ce sont 69% des cours de premier cycle, 30% des cours de second cycle et 7% des cours de troisième cycle qui sont donnés par des personnes chargées de cours. En tout, ce sont 61% des cours crédités qui sont offerts par des personnes chargées de cours en 2020, selon les données recueillies par l’Université et transmises au Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQO (SCCC-UQO) (p. 43)

La place que nous occupons au sein de l’UQO révèle une chose très importante en ce qui a trait à la dépendance de note employeur à notre sujet. Les enseignant.e.s contractuels ne sont pas une solution temporaire à un problème à court terme. Nous sommes une donnée structurelle de la gestion universitaire. Plusieurs parmi nous n’ont pas choisi la précarité ou les contrats d’enseignement. C’est le seul choix qui nous reste comme statut d’emploi pour enseigner à l’université.

Les quatre dernières décennies de néolibéralisme ont accéléré la tendance économique à remplacer les emplois stables par des emplois précaires et les emplois permanents bien rémunérés par des emplois temporaires, à temps partiel, occasionnels ou contractuels. Il y en a plusieurs parmi celles et ceux qui détiennent des diplômes de troisième cycle qui se voyaient avec ce fameux doctorat en poche, acquis après tant d’années de labeur, au haut de l’affiche avec le titre de professeur accolé à leur nom. Le sous-financement des universités et la faible création de postes à temps plein a eu pour effet d’en refouler et d’en maintenir plusieurs au bas de la liste…. Au départ, nous étions et sommes tous en partie des salarié.e.s atypiques. Plusieurs parmi nous vivent toujours dans l’incertitude à long terme concernant leur emploi. Nous ne formons pas une catégorie de salarié.e.s homogène. Il y a parmi nous des chargé.e.s de cours en simple ou en double emploi. Il y en a qui ont des revenus de travail qui peuvent être faibles ou élevés. Notre catégorie d’emploi est contrastée.

La question suivante se pose : que serait l’université sans nous ?

Il y a encore beaucoup à faire pour améliorer nos conditions de travail et reconnaître notre contribution à notre institution. Ce sera individuellement et collectivement que nous serons, au cours de la prochaine décennie, à la rencontre des défis qui nous confrontent. Nous aurons à négocier notre place dans l’ensemble des lieux décisionnels de l’université. Ces nombreux lieux où se prennent des décisions qui ont un impact sur notre place et notre rôle dans la mission première de l’université. En cette période caractérisée par une forte inflation, nous aurons à défendre nos acquis et nous assurer de maintenir la valeur de notre prestation de travail à sa valeur monétaire correspondante.

Nous prenons l’engagement de faire en sorte que l’université dans laquelle nous œuvrons ne soit pas uniquement celle des gestionnaires et du corps professoral. Les chargé.e.s de cours sont une composante structurelle et incontournable au bon fonctionnement de l’institution, l’UQO aura à mettre en place les changements requis pour notre pleine reconnaissance en toute justice et en toute équité avec les autres groupes présents dans l’institution.

Notre route est celle qui au départ était caractérisée par l’exclusion, au cours des trente dernières années notre lutte a été celle visant notre reconnaissance et l’amorce de notre pleine intégration…. Nous sommes une force collective qui est parvenue à faire reculer les frontières de l’exclusion et nous avons obtenu un début de reconnaissance à notre véritable intégration institutionnelle. Nos luttes ont permis, à coup sûr, l’amélioration de nos conditions de travail et de notre lien d’emploi. Reste maintenant à régler les autres problèmes par la voie de la négociation et des divers moyens à notre disposition…

Yvan Perrier

Chargé de cours en relations industrielles et membre du Comité de mobilisation du SCCC-UQO.

yvan_perrier@hotmail.com

Texte rédigé pour marquer le trentième anniversaire du SCCCUQO

https://www.sccc-uqo.ca/2023/09/25/30-ans-deja-partie-3/?utm_source=mailpoet&utm_medium=email&utm_campaign=info-sccc-uqo-vol-6-no-11_4.

Notes éparses…

1.0 Financement et néolibéralisme. Sous-financement des universités. Les chargé.e.s de cours, des intellos précaires. Bénévolat. Années soixante-dix et surtout la crise des années quatre-vingt… Multiplication de la précarité… Précarité = iniquité et blocage dans l’amélioration de son statut au travail. Travail gratuit dans l’espoir d’obtenir le statut de professeur. Précaires oui, mais une catégorie hétérogène : simple emploi pour certains, double-emplois pour d’autres.

2.0 Atypique : insécurité du lien d’emploi ; moindre contrôle sur ses conditions de travail et de rémunération ; moindre couverture par les lois du travail et les régimes de protection sociale ; faible rémunération. Enseignement supérieur, une priorité gouvernementale ? La question se pose.

3.0 Négocier la place des chargé.e.s de cours dans l’université d’aujourd’hui et de demain. Accroître leur capacité d’agir dans cette structure universitaire. Les chargé.e.s de cours ne sont pas uniquement qualifié.e.s pour l’enseignement. Elles et ils sont des diplômé.e.s qualifié.e.s capables de mener des recherches et d’assumer des tâches en lien avec les services à la collectivité.

4.0 Le sens de la « mission » est toujours exigé de la part de certains groupes de salarié.e.s en éducation. Les étudiant.e.s stagiaires non rémunéré.e.s et les chargé.e.s de cours dont les salaires sont très rudement mis à l’épreuve par l’inflation font partie de ces groupes dont la rémunération doit donner lieu à une hausse importante et à un rattrapage significatif.

5.0 Rappelons ceci : c’est sur les chargé.e.s de cours que repose de plus en plus l’enseignement universitaire au Québec. Des personnes contractuelles, des personnes subalternes peut-être mais aussi des personnes qui se définissent comme des personnes capables d’agir sur leur propre réalité contractuelle. Les chargé.e.s de cours ne sont pas uniquement des personnes qui enseignent. Les chargé.e.s de cours sont des actrices et des acteurs capables de s’investir pleinement dans leur établissement et de mener également des luttes pour changer les choses.

6.0 Les chargé.e.s de cours : pérennes où uniquement provisoires et éphémères dans l’université, cette institution d’enseignement supérieur ? C’est en fonction de leurs réponses à cette interrogation fondamentale que se structurera leur avenir, leurs revendications et leurs luttes de demain. Les chargé.e.s de cours peuvent et doivent revendiquer un rôle qui reflète plus justement leurs compétences et leur apport majeur à l’université. Les chargé.e.s de cours ne sont pas qu’une catégorie résiduelle, malléable, corvéable et jetable…

7.0 L’avenir appartient à celles et ceux qui voudront s’impliquer et s’engager dans la définition de leur statut d’emploi et leur reconnaissance professionnelle.

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Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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