Édition du 23 avril 2024

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Féminisme

6 décembre : quand la haine perdure

Le 6 décembre 1989, 14 femmes sont assassinées par un misogyne à l’école Polytechnique de Montréal, parce qu’elles ont choisi, en toute liberté, d’aller là où les confrères sont plus nombreux que les consœurs. Celles qui aspiraient à travailler en génie ne pourront finalement jamais réaliser leur rêve d’un monde différent. Il suffit de repenser à cette terrible journée pour avoir des frissons. Et pas seulement pour le traumatisme collectif que nous a causé cette tragédie, non : parce que la haine des femmes est de plus en plus décomplexée.

Le 25 novembre est la Journée internationale qui inaugure les 12 jours d’action pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, qui culminera le 6 décembre. Il convient d’abord de prendre le temps de se recueillir, de se remémorer les victimes de Polytechnique et d’avoir une pensée pour leurs proches. Mais ce n’est pas suffisant. Pour que la société change durablement, les réflexions doivent aboutir à des gestes concrets pour contrer les violences faites aux femmes et aux filles.

Au Québec et au Canada, les droits des femmes n’ont cessé de croître depuis une soixantaine d’années. Les femmes peuvent se faire entendre, participer aux débats publics, occuper de plus en plus de postes clés. Malgré tout le chemin accompli, ces victoires demeurent fragiles. Qu’on pense à nos voisins du sud, où plusieurs États ont adopté des lois pour contraindre et même nier le droit à l’avortement, ou à l’Iran, où de violentes manifestations font toujours rage pour dénoncer la mort d’une très jeune femme, tuée parce qu’elle ne portait pas le voile correctement.

Et se conforter en pensant « qu’ici c’est pas si grave » est une erreur, car ce n’est pas en se comparant aux pires que l’on devient meilleurs. Les boys club sont encore bien présents chez nous, les femmes sont encore exclues de certains pans de la société québécoise et, plus inquiétant encore, trop d’individus semblent souhaiter un retour en arrière, à l’époque où les hommes décidaient et les femmes devaient obéir.

En effet, on assiste à une franche montée du conservatisme, et la misogynie est visible partout : sur les réseaux sociaux, dans les forums de discussions, dans certains médias nichés et sur le Web en général. Cette haine des femmes est affichée, décomplexée et partagée. La pente est glissante. Et très dangereuse.

En 2021, le Québec vivait une véritable « vague » de féminicides : un à tous les 15 jours. Cette année encore, selon SOS violence conjugale, ce sont 21 personnes, soit 14 femmes, 1 homme et 6 enfants qui sont décédées dans un contexte de violence conjugale à ce jour. Si la COVID-19 a exacerbé les niveaux de violences déjà subies par les femmes et les filles, c’est la misogynie qui a depuis longtemps normalisé la violence contre elles, historiquement et aujourd’hui. Si on la laisse se propager, dans le monde virtuel comme dans le monde réel, ces agressions pourraient faire en sorte de réduire à bien peu de choses tous les efforts visant à éradiquer la violence faite aux femmes.

À l’occasion des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes, nous devons, ensemble, femmes et hommes, continuer de les dénoncer. Trop de mères, de sœurs, de tantes, de voisines, d’amies en souffrent, au Québec comme ailleurs, et il faut prendre tous les moyens pour y mettre un terme, notamment en s’impliquant concrètement dans nos milieux de vie et de travail, en virtuel comme en présence. Soyons de celles et de ceux qui façonnent un monde d’égalité et de liberté.

Caroline Senneville, présidente de la CSN

Caroline Senneville

Présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN).

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