Édition du 26 mars 2024

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Afrique du sud : Rude semaine pour le Président Ramaphosa

Quand la nouvelle de l’arrestation de deux des frères Gupta est tombée le lundi 7 juin, les Sud-Africains pouvaient se réjouir enfin d’une bonne nouvelle. Le lendemain, la rocambolesque histoire des millions de dollars cachés dans un canapé et volés dans la ferme du Président Ramaphosa a fait l’effet d’une douche froide. L’avenir de Cyril Ramaphosa est désormais en jeu.

Tiré du blogue de l’autrice.

Les malversations de la famille Gupta sont innombrables et sont largement documentés dans les milliers de pages du rapport Zondo qui sera intégralement rendu public à la mi-juin. Si les recommandations du Juge Zonda sont suivies d’effet, ce ne sont pas deux frères Gupta qui doivent être jugés et condamnés mais toute la famille, la parentèle, leurs amis et affidés et parmi ceux-ci Jacob Zuma et une palanquée de ses ministres. Les prisons sud-africaines ne suffiront pas à héberger tout ce beau monde et il faudra fabriquer en toute hâte des salopettes orange pour habiller ces nouveaux prisonniers.

Mais si l’arrestation de Rajesh and Atul Gupta est une excellente nouvelle, cela ne veut pas dire qu’ils seront demain devant un juge sud-africain. La procédure d’extradition est longue et semée d’embuches car le réseau d’avocats et conseillers qui les entoure va mettre en oeuvre tous les recours légaux possibles pour la retarder et au pire l’empêcher. Néanmoins, cette arrestation était un bon point pour le gouvernement sud-africain et le Président Ramaphosa qui avait fait de la lutte contre la corruption une priorité de son mandat.

L’embellie a été de courte durée. L’ancien responsable des services de renseignements, Arthur Fraser, ennemi juré de l’actuel président qui l’avait écarté de la direction de l’Agence de Sécurité de l’Etat (SSA) pour son soutien inconditionnel au président déchu Jacob Zuma, a mis un gros, très gros pavé dans le marigot. Ce dernier a déposé plainte dans un commissariat de Johannesburg contre le Président Ramaphosa.

L’affaire remonte à Février 2020 quand des cambrioleurs se sont introduits dans la ferme de Phala Phala dans la province du Limpopo et ont dérobé une grosse somme d’argent, on parle de plusieurs millions de dollars, caché dans le dossier d’un canapé. Pourquoi un homme d’affaires avisé comme Ramaphosa va-t-il, comme une vieille rombière cacher de l’argent dans le dos d’un canapé ? Pire, la victime n’a pas porté plainte, mais aurait préféré soudoyer la domestique, témoin du vol, et pire encore, aurait fait poursuivre les voleurs jusqu’en Namibie par un membre de sa protection, Wally Roode , pour récupérer l’argent , graisser la patte aux six voleurs contre leur silence. Un scénario de polar qui n’a rien d’original, sauf que la victime est président en exercice de la république d’Afrique du Sud et du parti au pouvoir l’ANC.

L’affaire est avant tout politique quand on sait que la conférence nationale de l’ANC doit se tenir en décembre 2022 et que la lutte des factions au sein de l’ANC n’a jamais cessé depuis l’élection de Ramaphosa à une très courte majorité, à la tête du parti, à la dernière conférence en décembre 2018.

Les forces opposées à Ramaphosa au sein de l’ANC se regroupent dans la nébuleuse des avocats de la RET ou transformation radicale de l’économie. Parmi ces partisans on retrouve Ace Magashule , l’actuel secrétaire de l’ANC, des ministres comme Lindiwe Sisulu , des anciens du MK, mouvement armé, qui critiquent ouvertement la mesure du « step aside » mise en place par la direction de l’ANC. Cette mise à l’écart des membres de l’ANC sur lesquels pèsent des soupçons de fraude, corruption, malversations jusqu’à ce qu’un tribunal prouve leur innocence est considéré par les personnes concernées comme une atteinte à leurs droits fondamentaux. De plus Ramaphosa a du affronter le Parlement dans une séance houleuse où des membres du parti EFF de Julius Malema ont été expulsés et le chef de file de l’Alliance démocratique, parti d’opposition, lui a lancé « Phala Pahla est devenu votre Nklanda. Où est la ligne de démarcation entre Mr Ramaphosa, chef de l’Etat et Mr Ramaphosa, l’homme d’affaires ? »

Si Ramaphosa etait mis en examen, il devrait appliquer à lui -même cette mesure de mise à l’écart ce qui le priverait d’une réélection en décembre prochain ; s’il lève cette mesure, alors Ace Magashule et les autres peuvent aussi postuler pour une réélection. Quelque soit l’issue de cette saga, l’image du Président Ramaphosa est bien ternie dans l’opinion publique qui avait mis tous ses espoirs dans un homme que l’on disait intègre et compétent. On est bien loin de la Ramaphoria qui avait suivi son élection.

Jacqueline Dérens

Blogueuse sur le site de Mediapart (France). Ancienne militante contre l’apartheid, fondatrice de l’association RENAPAS - Rencontre nationale avec le peuple d’Afrique du Sud.

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