Édition du 26 mars 2024

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Amérique latine

Amérique latine : 24 novembre et protestation étudiante

Avec le soutien du mouvement étudiant chilien comme étendard et aussi avec des revendications propres, des milliers de manifestants sont unis pour exiger un enseignement public plus développé et de bonne qualité. Ce 24 novembre 2011, ils manifestent dans les rues de plus d’une douzaine de villes sud-américaines. [A Bogotá, où se tenait la 12e Rencontre féministe d’Amérique latine et de la Caraïbe le 23 novembre, une marche importante, soutenue par les participantes à la Rencontre, a connu un succès significatif, le 24 novembre 2011.]

Il s’agit de la Marche latino-américaine pour l’éducation convoquée par la Confédération des étudiants du Chili, qui, outre celles organisées au Chili même, a préparé des journées de protestation en Argentine, au Brésil, en Colombie, au Honduras, au Mexique, au Paraguay et en Uruguay, entre autres pays.

Quelques 10’000 manifestants, selon les organisateurs, ont parcouru une fois de plus les rues de Santiago du Chili pour réclamer la gratuité du système et l’élévation du niveau éducatif. Il y a eu quelques épisodes isolés de répression par la police antiémeute [carabineros], laquelle a arrêté quelque 60 personnes selon les données officielles. Les mobilisations qui se sont succédé dans d’autres villes du continent ont pu généralement se dérouler pacifiquement.

« Aujourd’hui est une journée très spéciale, car il s’agit d’une marche latino-américaine », a expliqué le président du Centre d’étudiants de droit dans l’Université d’État du Chili, Esteban Miranda, à la correspondante de IPS : « Outre le soutien exprimé pour le mouvement au Chili, cette mobilisation est la preuve que les revendications des étudiants de la région coïncident.(…) Ils nous transmettent leur endurance, car il nous reste beaucoup à faire », a-t-il ajouté.

José Barrera, étudiant en génie civil de l’Université catholique, a pour sa part déclaré que ce qui se passe au Chili « est un exemple de ce qui arrive à l’éducation lorsqu’on la privatise, lorsqu’on cesse de la défendre comme un droit pour les personnes ». C’est pour cette raison que les pays qui voient le modèle chilien comme un exemple et « sont en train d’aller vers la privatisation accrue doivent se rendre compte à quel point peut être néfaste ce type d’orientation pour le système éducatif en général ». [Faut-il rappeler que moins de 25% du système éducatif chilien est financé par l’État et plus de 75% dépend des apports financiers des étudiants. L’État consacre seulement 4,4% du PIB à l’éducation, beaucoup moins que les 7% recommandés par l’Unesco.]

La marche qui a commencé dans la Plaza Baquedano, au centre de Santiago, a été soutenue par des organisations des étudiants du secondaire, des centres techniques professionnels et artistiques ainsi que par des organisations syndicales universitaires, des professeurs et des délégués.

Pour Luis Garrido, représentant du Syndicat unique des travailleurs de l’éducation, cette protestation est dirigée contre le fait que le gouvernement de droite de Sebastian Piñera s’acharne à continuer à appliquer au système d’enseignement les logiques du marché.

Garrido explique : « Tout ce qui est capitalisme est soif de profit, de négoce, d’achat et de vente, et cela ne répond pas à nos besoins. » Et il a ajouté que ce mouvement d’unité entre travailleurs et étudiants s’effectue « en fonction d’un projet de transformation sociale ».

Les participants à la marche de ce jeudi 24 novembre estimaient que la protestation étudiante s’était déjà transformée en un grand mouvement social qui continuera à se battre pour des changements structurels qui vont au-delà de l’enseignement et qui touchent le système politique et économique hérité de la dictature (1973-1990) et qui en constitue encore le cadre [y compris sous la Concertation démocrate-chrétienne et la social-démocratie au cours des années 1990-2010].

« Nous voulons dire à l’État chilien que, malgré l’usure, nous allons continuer, car nous avons encore des forces (…). Nous voulons changer le système, nous voulons échanger cette vie par une vie beaucoup plus juste, et revenir à une éducation gratuite », a expliqué Alfredo Vielma, le porte-parole de l’Assemblée de coordination des étudiants secondaires.

Des négociations embourbées

Après six mois de conflit et plus de 40 marches à Santiago et dans d’autres villes, on ne voit toujours pas l’ombre d’un accord avec le gouvernement de Piñera qui s’acharne à vouloir transférer ce « débat » au Congrès législatif, où se discute la part du Budget national qui sera destinée à l’éducation pour l’année prochaine.

Le ministre du Secrétariat général du gouvernement et porte-parole de celui-ci, Andrés Chadwick Piñera, cousin du président du Chili, a estimé que les mobilisations étaient « tout à fait inutiles », ce qui montre bien l’enlisement des négociations : « Si le problème est réellement l’éducation, la marche est complètement superflue, elle ne fait que créer des problèmes aux gens », a-t-il déclaré, en insistant sur le fait que c’est le Sénat qui est responsable d’un manque de jugement.

Mais pour les étudiants le conflit ne se limite pas à débattre du budget pour l’éducation, car dans ce cadre on ne fait que prévoir un nombre plus ou moins élevé de bourses et de prêts, et c’est justement ce qu’ils contestent.

« Au Congrès, ils se contentent de maquiller le système avec beaucoup de bourses, mais ils ne répondent pas aux revendications », explique Miranda. « Ce que nous voulons est un financement direct des institutions pour que l’éducation soit publique, gratuite et de qualité. »

Pour le dirigeant universitaire, le débat sur le budget peut signifier un pas en avant, mais le fond du conflit ne peut pas être résolu par ceux-là même qui ont protégé le système depuis des décennies : « Nous ne sommes pas d’accord que cette question soit résolue au Parlement, nous voulons qu’elle soit résolue en faisant appel aux citoyens, soit par un plébiscite soit par des assemblées populaires. »

« Le problème tient aux institutions chiliennes, et l’éducation est un symptôme de ce problème », a ajouté Loreto Fernandez, présidente du Centre des étudiants de la Faculté de Sciences sociales de l’Université du Chili. Elle nous a expliqué : « il faut que nous devenions un pays plus démocratique, où l’on écoute réellement la société, et que ce ne soit pas toujours la même classe politique qui prenne des décisions entre quatre murs. » (Traduction A l’Encontre)

Pamela Sepúlveda a écrit cet article le 24 novembre à Santiago du Chili. L’article a été publié par Agencia de Noticiais (Inter Press Service).

Pamela Sepúlveda

Agencia de Noticiais (Inter Press Service) Chili

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