La lecture de mon journal matinal a provoqué un profond désarroi au fond de moi.
Que dire ? Au Chili, le peuple chilien a élu un président d’extrême droite proche du régime militaire du général Pinochet ; d’ascendance allemande, son père a combattu dans l’armée nazie au cours de la guerre 39-45).
En Australie, un attentat contre des Juifs alors qu’ils.elles inauguraient la première flamme rituelle sur le hanoukia (chandelier traditionnel à neuf branches) pour la fête des lumières, Hanouka. Quel est le lien direct entre les deux événements ? Factuellement, aucun, mais les références idéologiques et politiques méritent considération.
Les motifs précis des deux agresseurs (un père et son fils) en Australie ne sont pas encore très explicites et leur geste funeste soulève plusieurs questions ? Est-ce en lien avec l’opposition aux politiques et aux stratégies destructrices et colonisatrices du gouvernement de droite de Benyamin Netanyahou ? Est-ce en vertu d’un antisémitisme radical ? L’hypothèse de l’antisémitisme semble la plus probable. À cette étape-ci, nul ne peut affirmer une explication exhaustive, ce qui n’empêche pas le premier ministre israélien de récupérer ce drame à son avantage politique en affirmant qu’il s’agit d’une attaque antisémite, ce pour maquiller ses politiques jugées criminelles et honnies sur le plan international à l’égard de la Palestine. En réalité, toute forme d’agression contre des Juifs résulte souvent d’une discrimination fondée sur l’antisémitisme. Évidemment, on peut évoquer le même type de discrimination contre des chrétiens, des musulmans ou des bouddhistes en raison de leur croyance et/ou de leur origine ethnique.
Au Chili, la dynamique diffère un peu. Le nouveau président, José Antonio Kast, se définit comme un catholique pratiquant, admirateur du général Pinochet, promoteur assumé de l’expulsion de 340 000 immigrant.e.s du Chili, apôtre de la loi et l’ordre en se présentant comme le champion de la lutte à la criminalité (celle des plus pauvres d’abord), aussi fervent promoteur de l’abolition du droit à l’avortement, même en cas de viol, de réduction de la taille de l’État et des politiques sociales (retraites, etc.) déjà déficientes au Chili, etc. Évidemment, il se proclame champion de l’économie et de réformes favorables aux grandes entreprises d’extraction. Ces positions sont explicites.
Le lien entre les deux événements vient surtout d’une récupération démagogique en vertu d’une supposée menace des étrangers dans le pays comme boucs émissaires responsables de tous les maux, ce qui vaut pour Kast et Netanyahou ; ce dernier prétend que les Palestiniens sont la cause de tous les maux d’Israël.
Dans l’Allemagne de l’avant-guerre, on a mobilisé la population par la propagande antisémite alors que les Juifs participaient à la société allemande sur tous les plans (sociaux, culturels, économiques et politiques). Les nazis mobilisaient l’opinion publique en présentant toujours les Juifs comme une menace à l’égard du peuple allemand. Une majorité d’Allemand.e.s a intégré cette menace et accepté le principe du rejet des Juifs. En évoquant constamment la menace des étrangers, on arrive aussi à réveiller le vieil antisémitisme qui sommeille souvent au fond des tiroirs de l’histoire. On peut penser à l’accusation des juifs ayant tué le Christ, à l’empoisonnement des puits par les juifs, à leur contrôle du monde capitaliste et des médias, etc. Une telle désinformation contribue à réveiller le vieil antisémitisme en dormance et à assimiler l’idée de la menace à l’urgence d’élire un chef qui prétend protéger le bon peuple supposément assailli par des ennemis mystérieux incarnés par les étranger.e.s ou … des Juifs.
La philosophe Hannah Arendt, dans sa réflexion sur l’antisémitisme, a résumé ce sentiment de la menace comme source de l’antisémitisme fondé sur des opinions construites et non sur des faits. Elle réfère au philosophe Platon pour étayer son raisonnement en affirmant que « c’est des opinions que procède la persuasion, mais non point de la vérité (Phèdre, 260) ; elle résume en affirmant que « l’histoire elle-même est détruite, et sa compréhension - fondée sur le fait qu’elle est l’œuvre des hommes et peut donc être comprise par eux – est en danger si les faits ne sont plus regardés comme des composants et des parcelles du monde passé et présent, mais sont utilisés à tort afin de prouver telle ou telle opinion. »
Ces jours-ci, je peux vivre ma solidarité avec mes ami.e.s chilien.nes réfugiés au Québec en les accompagnement dans leur deuil suite à cette élection pour le moins hasardeuse et énigmatique, et avec mes ami.e.s juifs (étant moi-même un descendant de marranes) en allumant le hanoukia, cadeau reçu de la part d’un ami juif il y a plusieurs années.
André Jacob, professeur retraité
École de travail social
UQAM
Terrebonne, le 15 décembre 2025
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