Édition du 30 avril 2024

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Environnement

Changement climatique : farce tragique à Doha

Alors que les discussions sur le climat du COP18 à Doha se sont terminées, elles ont malheureusement confirmé la description faite par « The Economist » de l’événement comme étant un « théâtre de l’absurde ».

Source :
http://www.solidarity-us.org/site/node/3759

Traduction française pour Avanti4.be : Martin Laurent

En dépit du fait que la Banque mondiale a publié un rapport décrivant une augmentation de la température moyenne de 4° d’ici à la fin du siècle, il n’y a pas eu de prise en compte de l’urgence dans les discussions, et cela en grande partie à cause de la futilité manifeste à essayer de formuler une politique globale sans engagement sérieux de Washington pour réduire sa gargantuesque empreinte carbone. Pendant ce temps, les effets du changement climatique se sont accélérés avec la super-tempête Sandy alimentée par le réchauffement global, et avec l’énorme typhon Bopha qui a ravagé le sud des Philippines, pour ne mentionner que les plus récents et dramatiques événements qui ont ravagé des communautés humaines.

Ce qui est ressorti de cette session de 36 heures de négociations est un accord des signataires de Kyoto — qui ne représentent collectivement que 15% des émissions mondiales — pour prolonger le cadre de Kyoto jusqu’en 2020. Bien que cela puisse sembler un pas « modeste mais essentiel » dans la bonne direction, comme l’a déclaré par exemple Connie Hedegaard, la Commissaire européenne pour le climat, il y a tellement d’échappatoires que cela n’aura qu’un impact négligeable sur les émissions de CO2. Le Directeur exécutif de Greenpeace, Kumi Naidoo s’en est lamenté : « Les discussions ont toujours été considérée comme étant destinée à aboutir sur quelque chose de modeste, mais elles ne sont même pas arrivées à cette attente minimale ».

Alors que les pays du Sud subissent déjà le plus fort des dommages causés par les pays industrialisés, ni les délégués des États-Unis, ni ceux de l’Union européenne n’ont avancés de plans concrets pour alimenter le fonds de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Cette absence de volonté politique est particulièrement dommageable en comparaison à ce qui a été alloué pour renflouer des institutions financières criminelles et pour subsidier l’utilisation des combustibles fossiles, sans même mentionner les énormes dépenses militaires de Washington.

Une fois de plus, la seule étincelle d’espoir est venue des discours de ceux qui n’ont aucun pouvoir au niveau des décisions politiques mais qui traduisent les voix des mouvements environnementalistes globaux en croissance.

Dans un discours passionné, l’étudiante Syrio-américain Munira Sibaï a déclaré qu’aucun des représentants officiels des gouvernements du monde n’était digne qu’on s’adresse à eux et il s’est donc adressé directement au mouvement pour la justice climatique : « Vos gouvernements vous trompent » a-t-elle dit dans un moment de vérité et de clarté qui n’a pas été surpassé durant tout l’événement [1]. Son intervention de 2 minutes a pointé du doigt que le processus entier souffrait non seulement d’une « absence complète de vision » mais aussi d’un « effort actif de la part de certains pour reculer ». Elle a également noté que ceux qui ont provoqué la crise — les pays les plus riches de la planète — avaient déjà accepté de prendre leurs responsabilités il y a 20 ans avec le Protocole de Kyoto mais ont complètement échoué à respecter leurs propres promesses. Elle a terminé avec cette prédiction : « Vous êtes sur la bonne voie pour laisser en héritage une dévastation globale. »

Une autre voix puissante a été celle du négociateur philippin Nadarev Sano dont le pays a été ravagé pendant les discussions par le plus puissant typhon austral jamais enregistré, le typhon Bopha. Dans son discours, il a demandé avec émotion à l’assemblée : « Je vous demande à vous tous ici, si ce n’est pas nous, alors qui ? Si ce n’est pas maintenant, alors quand ? Si ce n’est pas ici, alors où ? ».

La véritable réponse à la question « si ce n’est pas nous ici, alors qui ? » est très claire après les 18 ans d’inaction dans le domaine climatique des pays les plus puissants du monde. Le Directeur du Centre pour la société civile de l’Université de KwaZulu-Natal en Afrique du Sud, Patrick Bond a fait remarquer : « L’élite continue à se discréditer à chaque occasion. La seule solution est de tourner le dos à cette conférence destructive et d’éviter de donner une quelconque légitimité à ces élites et de plutôt analyser et construire le mouvement mondial pour la justice climatique et ses alternatives. » [2]

Des signes prometteurs indiquant que le mouvement pour la justice climatique devient une force globale sérieuse continuent à émerger. Deux événements internationaux sont à relever : les manifestations massives du projet « 350.org » de Bill McKibben en 2009 et la Conférence des peuples du Monde sur le changement climatique en Bolivie en 2010. La crise est trop urgente pour être laissée au bricolage politique de gouvernements qui traînent des pieds et sont les plus grands responsables de la crise. Maintenant que les élites de haut niveau, allant de la Banque mondiale au Bloomberg Business Weekly (qui a sorti un numéro intitulé « C’est le réchauffement global, idiot » après l’ouragan Sandy), se sont éveillées à l’importance de la crise, l’espace d’action pour demander de sauver la planète s’est élargi. Mais quels que soient les pas modestes du « capitalisme vert », il est incapable de sortir de la logique du profit.

Comme écosocialistes, nous appelons à une diminution drastique de la production et de la consommation des combustibles fossiles dans les pays industrialisés et des réparations dans les anciens pays colonisés pour qu’ils puissent se développer de manière soutenable. Cela implique de restructurer tous les aspects de notre mode de vie et d’œuvrer à un processus révolutionnaire de changement social pour passer d’une économie dominée par le profit à une économie basée sur la satisfaction des besoins écologiques et humains. Pour accomplir cela, nous devons prendre conscience de la gravité de la crise et discuter et décider démocratiquement comment avancer face à l’intransigeance des élites globales. Les voix du mouvement grandissant pour la justice climatique seront centrales dans ce processus.

La Commission écosocialiste est un groupe de membres de Solidarity, organisation marxiste révolutionnaire aux Etats-Unis, dont le but est de montrer pourquoi le combat pour le socialisme et pour la justice écologique sont inséparables.


[1] http://www.democracynow.org/2012/12/7/your_governments_have_failed_you_syrianv

[2] http://www.ipsnews.net/2012/11/qa-cop18-another-conferen

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