Édition du 1er octobre 2024

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Charte des valeurs québécoises

Charte des valeurs québécoises : l’interdiction de porter des signes religieux ostentatoires imposée à toutes les personnes travaillant pour l’État est disproportionnée.

Le gouvernement du Québec s’apprête à proposer un projet de loi fondé sur une « charte des valeurs québécoises » et propose entre autres mesures, d’interdire le port de signes religieux ostentatoires pour le personnel de l’État.

Amnistie internationale salue l’intention du gouvernement de vouloir renforcer son obligation de respecter le droit à la non discrimination envers les femmes, et le droit à l’égalité de tous. Cependant Amnistie internationale questionne le moyen par lequel il cherche à renforcer ces droits : l’interdiction du port de signe religieux ostentatoire à toutes les personnes travaillant pour l’État limite non seulement les droits fondamentaux de la liberté d’expression et de la liberté de religion de tous mais ne promeut pas l’égalité entre les sexes.

Le droit international relatif aux droits humains garantit le droit à la liberté d’expression, de religion et à la liberté de manifester sa religion ; ces libertés s’étendent à la manière dont les personnes choisissent de se vêtir. Le Canada étant partie au Pacte international sur les droits civils et politiques, le Québec y est assujetti. Ces droits fondamentaux sont aussi inscrits dans de nombreux autres traités internationaux.

Les deux Chartes canadienne et québécoise des droits et libertés garantissent aussi ces droits fondamentaux et l’égalité entre les sexes.

Les États ne peuvent donc pas obliger de façon globale des personnes à s’habiller ou ne pas s’habiller d’une certaine façon. Ils doivent protéger les personnes, contre les contraintes imposées dans ce domaine par des tiers, et notamment par les proches et l’entourage au sens large.

« Les femmes ne doivent être forcées à porter un foulard ou un voile ni par l’État ni par des individus et il n’apparaît pas plus acceptable qu’une législation leur interdise de le porter ; ce principe est valide pour toute personne. Des restrictions pour des raisons exceptionnelles, spécifiques et clairement définies sont possibles, comme celles par exemple sur le port du voile intégral pour un contrôle d’identité, mais ces restrictions sont disproportionnées dans le cas de la Charte » a déclaré Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone.

Le droit international peut permettre ainsi des restrictions légitimes sur le port de symboles religieux mais de telles restrictions doivent répondre à trois conditions rigoureuses. Elles doivent aussi être le moins importunes possible pour les personnes touchées :

Elles doivent être prescrites par la loi

Elles doivent remplir un but précis, légitime et autorisé par le droit international : ordre, santé ou moralité publics, sécurité publique, droits des autres

Il doit être possible de prouver qu’elles sont nécessaires et proportionnées à la réalisation du but visé.

Pour les personnes, et en particulier les femmes, qui subiraient une coercition pour porter un signe religieux, leur interdire de le porter ne corrige pas la situation : ceux qui exercent la coercition restent impunis, et celles qui la subissent sont punies plusieurs fois : perte d’emploi et donc atteinte au droit au travail, risque d’isolement et de stigmatisation. « Faut-il substituer à une supposée contrainte de porter un signe religieux la contrainte de l’État de ne pas en porter ? » interroge Béatrice Vaugrante.

Des États ont cherché ailleurs dans le monde à restreindre les droits fondamentaux concernés – Belgique, France, Espagne par l’interdiction de porter des signes religieux ostentatoires ou Iran et Arabie Saoudite par l’obligation d’en porter par exemple – et Amnistie internationale a rappelé à ces États le devoir de respect envers le droit international des droits humains.

« Nous ne pouvons qu’encourager le gouvernement du Québec à vouloir défendre l’égalité entre les hommes et les femmes et améliorer le « mieux vivre ensemble ». Cependant nous recommandons vivement au gouvernement du Québec de retirer cette proposition d’interdire le port de tout signe religieux ostentatoire au personnel de l’État » conclut Béatrice Vaugrante.

Mis à jour le vendredi, 20 septembre 2013

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