Une décision de la Commission européenne de ce début de semaine, passée inaperçue, le montre clairement. Les accords de libre-échange que l’Union européenne (UE) négocie avec le Canada et les Etats-Unis, pour ne citer que ceux-là, entravent la possibilité de mise en œuvre de véritables et ambitieuses politiques de transition énergétique et renforcent l’extrême dépendance de nos économies aux importations d’énergies fossiles. Le tout en contribuant à encourager l’exploitation de nouvelles sources d’hydrocarbures extrêmement polluants.
En effet, ce lundi 6 octobre, la Commission européenne a renoncé, dans la mise en œuvre de la directive sur « la qualité des carburants », à faire du pétrole issu des sables bitumineux un carburant « hautement polluant ». Il en sera de même pour les hydrocarbures de schiste. Cette décision survient quelques jours à peine après l’annonce officielle de la clôture des négociations commerciales entre le Canada et l’UE. C’est une victoire pour les lobbies pétroliers qui n’ont cessé de multiplier les pressions et pour le gouvernement canadien qui avait conditionné la possible signature de cet accord de libre-échange à la levée des restrictions aux importations du pétrole issu des sables bitumineux.
En déclarant que cet accord était « un bon accord », Matthias Fekl, secrétaire d’Etat au commerce, et le gouvernement, promeuvent donc l’importation de pétrole issu de sables bitumineux, l’un des plus polluants de la planète, et un modèle énergétique non soutenable très fortement dépendant des énergies fossiles et des infrastructures d’extraction, de transformation et d’acheminement internationaux. Au moment même où le Parlement est saisi d’une loi portant sur la transition énergétique, le gouvernement soutient donc sans bruit des décisions contradictoires à la transition.
Comme nous l’avons montré, le projet d’accord transatlantique entre les Etats-Unis et l’UE limiterait très fortement la capacité de mise en œuvre de véritables politiques de transition énergétique. Ainsi, selon des documents de négociation secrets qui ont fuité, l’UE propose aux États-Unis de libéraliser complètement le marché transatlantique de l’énergie et des matières premières, encourageant l’exploitation et le commerce transatlantiques des hydrocarbures non conventionnels – notamment de gaz et de pétrole de schiste – tout en réduisant considérablement les capacités des États à soutenir le développement des énergies renouvelables.
Si Barack Obama et François Hollande prétendent disposer d’un « leadership en matière de lutte contre le changement climatique », aucun des documents relatifs aux négociations transatlantiques ne mentionne les enjeux climatiques ou les défis de la raréfaction des ressources. Au contraire, de tels projets d’accords impliquent une exploitation accrue et une consommation insoutenable d’hydrocarbures à travers l’extension du commerce transatlantique des combustibles fossiles. Le tout en renforçant la dépendance des économies et des sociétés aux énergies fossiles.
Plus largement encore (voir cette note), les politiques de libéralisation commerciale et d’extension des droits des investisseurs, en renforçant la division internationale des systèmes productifs, en faisant prédominer le droit des investisseurs sur le droit de l’environnement et la démocratie, et en édulcorant les exigences climatiques, contribuent à subordonner la transition énergétique à un fondamentalisme libre-échangiste suranné. Lever les restrictions au commerce des énergies fossiles revient donc à restreindre les capacités d’action en faveur de la transition et du climat.
Contre les gaz de schiste et contre TAFTA, c’est donc un même combat pour la transition et pour le climat que nous devons mener !
Maxime Combes, membre d’Attac France et de l’Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)