Édition du 23 avril 2024

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Grève mondiale pour le climat

Cri du coeur de Greta Thunberg : oui les « adultes » doivent en faire plus, dit une éthicienne

Dans son discours aux Nations Unies, Greta Thunberg a accusé les adultes d’avoir échoué moralement. En ne parvenant pas à mettre en œuvre des changements réels qui freineront les changements climatiques, les adultes, a-t-elle dit, ont « volé mes rêves et mon enfance ».

Tiré de The conversation.

Avec cette accusation qui résonne encore dans nos oreilles, beaucoup d’entre nous, et peut-être surtout les parents, se demandent qui est moralement responsable d’éviter un changement climatique catastrophique.

Le message des écoliers en grève est le suivant : nous le sommes tous. Sur le plan éthique, il s’agit d’un compte rendu prospectif de la responsabilité morale, et non d’un compte rendu rétrospectif. Ce qui importe le plus, disent-ils, ce n’est pas que les dirigeants fassent part de leurs préoccupations au sujet du réchauffement de la planète ou s’excusent des politiques passées et actuelles qui favorisent l’utilisation massive de combustibles fossiles.

Ce qui importe, c’est plutôt que des mesures concertées soient prises dès maintenant pour réduire considérablement les émissions de carbone provenant des combustibles fossiles et pour tracer la voie vers un avenir sans émissions. Il est de notre responsabilité politique commune, disent les jeunes, d’exiger d’urgence les changements politiques nécessaires pour ralentir le rythme du réchauffement climatique et protéger les écosystèmes de la planète.

Une responsabilité morale

Cet appel à la responsabilité morale et politique collective est tout à fait justifié. En tant qu’individus, nous sommes tous responsables de contribuer à mettre fin aux dommages environnementaux indéniables qui nous entourent et à la menace catastrophique que représente la hausse des niveaux de CO2 et d’autres gaz à effet de serre. Ceux d’entre nous qui ont un certain degré de privilège et d’influence ont une responsabilité encore plus grande d’aider et de défendre les intérêts des personnes les plus vulnérables aux effets du réchauffement planétaire.

Ce groupe comprend des enfants partout dans le monde dont l’avenir est au mieux incertain, terrifiant au pire. Il comprend également ceux qui souffrent déjà de phénomènes météorologiques violents et de l’élévation du niveau de l’eau causée par le réchauffement de la planète, ainsi que les communautés dépossédées par l’extraction de combustibles fossiles.

Les peuples autochtones du monde entier, dont les terres et les réseaux hydrographiques sont confisqués et pollués pour des besoins en pétrole, en gaz et en charbon, ont besoin de notre soutien et de notre assistance. Il en va de même pour les communautés marginalisées déplacées, les réfugiés climatiques et bien d’autres.

Le message des défenseurs du climat est que nous ne pouvons pas assumer nos responsabilités simplement en faisant des choix écologiques en tant que consommateurs ou en exprimant notre soutien à leur cause. La regrettée philosophe politique américaine Iris Young pensait que nous ne pouvions nous acquitter de notre « responsabilité politique pour l’injustice », comme elle le disait, que par une action politique collective.

Les intérêts des puissants, a-t-elle averti, entrent en conflit avec la responsabilité politique de prendre des mesures qui remettent en question le statu quo - mais qui sont nécessaires pour renverser les injustices.

Comme l’ont souligné à maintes reprises les écoliers en grève et les militants plus âgés de la lutte contre le changement climatique partout dans le monde, les dirigeants politiques n’ont jusqu’ici pas réussi à mettre en œuvre les politiques de réduction des émissions de carbone qui sont si désespérément nécessaires. Malgré les sombres mises en garde du Secrétaire général de l’ONU, António António Guterres, lors du Sommet sur l’action pour le climat, l’ONU est largement impuissante face aux gouvernements qui refusent d’adopter des politiques significatives de réduction du carbone, comme ceux de la Chine et des États-Unis.

Comme les mouvements sociaux qui les ont précédés, les étudiants en grève reconnaissent qu’on ne peut compter sur nos dirigeants pour changer les politiques non durables dans les secteurs clés de l’énergie, des transports et du logement. Seule une pression massive de l’opinion publique peut les amener à le faire - et cela exige une action politique collective du type de celle que nous avons vue pendant la semaine de protestations mondiales.

Trop peu, trop tard ?

Les lobbies du pétrole, du gaz et du charbon sont de puissants opposants qui ont l’oreille des politiciens des pays les plus polluants. Le Canada, qui se classe au sixième rang mondial pour la consommation d’énergie, ne fait pas exception. Bien que la Loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre, adoptée en 2018, suive l’approche préconisée par les scientifiques et les économistes spécialistes des changements climatiques, son avenir est précaire -surtout en cette année électorale.

Et c’est peut-être trop peu, trop tard. Les émissions du Canada en 2018 étaient supérieures de sept pour cent à celles de 1997, l’année où nous avons signé le Protocole de Kyoto.

La participation massive à des manifestations d’action pour le climat dans le monde entier n’est peut-être pas vaine. Les libéraux fédéraux ont annoncé qu’ils s’engageront à atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050 s’ils sont réélus.

Toutefois, pour atteindre cet objectif, nous devrons réduire considérablement notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles et accélérer les investissements dans les sources d’énergie et les infrastructures de remplacement propres. Cela nécessiterait très certainement l’abandon du pipeline Trans Mountain, pour commencer.

Étant donné les redoutables opposants - les industries du pétrole, du gaz et du charbon - les jeunes ont raison de dire que nous devons tous assumer notre responsabilité politique collective si nous voulons arrêter les changements climatiques.

Monique Deveaux

Professeure de philosophie à l’Université de Guelph (Ontario).

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