Si j’avais choisi de porter le voile, je ne l’aurais pas porté pour me soumettre à un homme. Il aurait été question de mon choix personnel. Sauf que certains l’entendent autrement, certains s’évertuent à dire que le port du voile ou la religion musulmane dans son ensemble se veut un signe d’antiféminisme ou d’homophobie. Sauf que je l’entends autrement. Il est possible d’être féministe et musulmane ou d’être homosexuelle et musulmane. Si on utilise son sens critique, si on interroge les écritures sacrées, il est possible d’être tout ça à la fois. D’ailleurs, bien que peu connus, il existe des cercles musulmans qui accueillent la communauté LGBTQ. N’empêche, je ne veux pas entrer dans le débat de l’homophobie et de l’islam puisqu’il ne s’agit pas du sujet de ce billet.
Je suis féministe et musulmane et j’en suis fière. Bien que je ne sois plus pratiquante, je reste convaincue qu’il est possible de réconcilier sa foi avec le féminisme et que les deux ne sont pas antithèse. J’ai beaucoup lu sur le sujet avant de mon convertir. Un livre m’a beaucoup éclairé : Féminismes islamiques de Zahra Ali. En revanche, je dois l’admettre, l’interprétation populaire de l’islam est plus souvent qu’autrement patriarcale. Et c’est contre cela que les féministes musulmanes luttent : l’interprétation réductrice et misogyne de l’islam.
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Dans le livre de Zahra Ali, il est défendu que féminisme et islam n’est pas antinomique. Au contraire, les féministes musulmanes se fondent sur les écritures sacrées et précisément sur deux versets du Coran pour dire que l’égalité entre les femmes et les hommes est au cœur du message de l’islam (le verset 195 de la sourate 3 ainsi que le verset 35 de la sourate 33). À des fins de concision, je laisserai à la lectrice ou au lecteur le soin de se référer aux versets susmentionnés.
Pour les non initié(e)s, le féminisme islamique s’ancre dans le mouvement réformiste musulman de la fin du 19e siècle. Ce mouvement, porté notamment par deux penseurs, Muhamed ‘Abduh et Muhammed Iqbal, appellent à contextualiser l’islam à travers l’ijtihad soit « l’effort réflexif et intellectuel visant à penser l’islam dans son contexte » (1). En revanche, ce n’est qu’à la fin du 20e siècle, au sein des milieux universitaires, qu’émerge véritablement le féminisme islamique « à mesure que les femmes deviennent plus éduquées, qu’elles s’approprient le savoir religieux et que des discours islamistes alternatifs se démocratisent à la faveur des courants islamistes » (2). Ce féminisme affirme que l’islam n’est pas en soit patriarcal, mais que son interprétation l’est plus souvent qu’autrement. Il s’agit ici d’un résumé simpliste du féminisme islamique. En effet, toutes les féministes musulmanes ne s’entendent pas entre elles. Voilà pourquoi Zahra Ali préfère parler des féminismes islamiques.
Bien que je sois Occidentale, j’adhère à ce type de féminisme depuis ma conversion. En revanche, il s’agit d’un sujet tabou. Être féministe et se convertir à l’islam en Occident, c’est se jeter dans la gueule du loup. Pour un membre de ma famille et un ancien ami, ma conversion signifie renier mes origines et mes valeurs, notamment l’égalité entre les sexes et l’ouverture à la diversité sexuelle. Sauf que je l’entends autrement. Ma conversion ne signifie pas la perte mon esprit critique ou la fin de mon militantisme féministe. Au contraire, ma conversion constitue une nouvelle étape de ma réflexion féministe. Et tout comme je respecte d’autres courants féministes, je m’attends à ce qu’on respecte le mien.
N’empêche, ce n’est pas toujours facile d’être Québécoise, musulmane et féministe. Je suis minoritaire parmi les Québécois et minoritaire parmi les musulmans. Je dois toujours me justifier. Pourquoi je me suis convertie ? Pourquoi je ne suis pas voilée ? L’islam n’exhorte-t-elle pas les femmes à se soumettre aux hommes ? Voyez-vous, je n’ai pas le courage d’expliquer à chaque fois qu’il existe des musulmans réformistes ou que des femmes se réapproprie le savoir islamique. En même temps, j’en ai marre du sexisme et de l’islamophobie. Je suis déçue du malaise créé par la Charte et le fait que celle-ci ne prône qu’un seul type de féminisme. La richesse du féminisme ne vient-elle pas de sa diversité ? Ne parlons-nous pas des féminismes ? Dans tous les cas, je demeure optimiste que les féministes de demain n’auront pas à choisir entre leurs valeurs d’égalité et leurs convictions religieuses. Parce que le féminisme célèbre d’abord et avant tout la liberté de choisir.
Notes
(1) Zahra Ali, Féminismes islamiques, p. 227.
(2) Zahra Ali, Féminismes islamiques, p. 21.