Édition du 26 mars 2024

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Europe

Les Marches du 22 mars sur Madrid, « une réponse coordonnée »

Espagne. Manifeste des Marches pour la dignité du 22 mars

Non au paiement de la dette, non aux coupes budgétaires ; oui au travail et au logement dignes et aux droits sociaux garantis. Ces cinq points résument le manifeste et les revendications des Marches pour la dignité, une mobilisation coordonnée depuis différents points du pays et qui conflueront, le 22 mars 2014, en une grande manifestation à Madrid.

Différents membres de ces marches ont expliqué lors d’une rencontre à l’Ateneo de Madrid, le 26 février, leurs principales revendications. Ils/elles représentaient quelques-unes des luttes les plus importantes de ces dernières années, comme celles des travailleurs de la santé, du nettoyage, du métro et des transports publics ainsi que d’entreprises privées comme Coca-Cola [une usine d’embouteillage de la région de Madrid est menacée de fermeture] ou Panrico [1] qui se trouvent en plein conflit du travail.

Irene Montero, membre de la coordination madrilène, déclare : « Les responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons sont les instituts financiers et le gouvernement. » Les organisateurs espèrent que des milliers de personnes se rendent dans la capitale du pays pour donner la preuve d’une « réponse coordonnée » qui permettra de protéger les « droits sociaux de la majorité des travailleurs et travailleuses ». 

Huit « colonnes » partiront du nord, nord-est, sud-est, sud, sud-ouest, nord-ouest, extérieur et international. La colonne du nord-est a été la première a se mettre en marche alors que le 25 février une marche de Catalogne a débuté et passe par Lleida, Alcañiz et Saragosse. Le départ des autres marches s’égrène entre le 1er et le 20 mars, certaines à pied, d’autres au moyen de divers transports, selon la distance à parcourir.

Fernando Miñana, de la colonne de Murcie, a souligné la nécessité de lutter contre une dette « impossible à payer », causée « en grande partie par le sauvetage des banques ainsi que par les magouilles des grands projets urbains et d’infrastructures ». Miñana, dont la marche est partie le 9 mars, a revendiqué un audit qui permette d’identifier à « quelle minorité bénéficie ce pillage ».
« La dignité est la dernière des barricades »

Lorsque les marches arriveront finalement à Madrid, aura lieu une manifestation unitaire qui partira d’Atocha [où se situe la plus grande gare de Madrid] à 17h et, pour la suite du week-end, des assemblées et activités sont organisées. « Nous savons quand nous arrivons mais nous ne savons pas quand nous partirons », ont insisté les activistes, entourés, entre autres, de travailleurs de la santé, du nettoyage, du métro, de Coca-Cola et de Panrico.

Selon le représentant de la marche du sud-ouest, qui partira de Mérida, Alvaro Rodríguez, l’objectif, vise avant tout « à rassembler tous les “oui, on peut !”. L’Estrémadure a déjà réalisé sept marches, il est temps de les conduire toutes à Madrid et de lutter pour des objectifs communs. » Ce dernier ajoute : « La dignité est la dernière des barricades. »  
 
Une proposition en provenance des mouvements sociaux

L’idée des marches de la dignité est venue du syndicat andalou des travailleurs (SAT) qui a commencé, à la fin de l’année 2013, à contacter des organisations de tout le pays. « Nous voulons que cet appel ne vienne pas uniquement du SAT, mais plutôt de la population civile », expliquait le dirigeant syndical Diego Cañamero dans une interview accordée à La Marea en septembre 2013 [2]. « Je crois que nous devons unir le 90% de la société de sorte qu’il rejoigne Madrid pour déclarer au pouvoir politique que c’en est assez. Que nous ne voulons pas d’un pouvoir qui trompe, qui dénature, qui manipule le vote et qui fait le contraire de ce qu’il prétend », expliquait le syndicaliste.

Rapidement, le Frente Cívico de Julio Anguita et les Campamentos Dignidad ainsi que les marches d’Estrémadure s’ajoutèrent à l’appel, qui n’a eu de cesse de s’étendre jusqu’à englober les assemblées du 15-M [en référence à la manifestation du 15 mai 2011 qui a « enclenché » le mouvement des Indignados], les associations de quartier, les marées en défense du secteur public, les syndicats, les communautés chrétiennes de base, les assemblées de la Plataforma de Afectados por la Hipoteca [PAH, plate-forme lancée en 2009 contre les expulsions et en faveur d’un logement digne] et bien d’autres collectifs. (Article publié le 26 février 2014 par la revue La Marea ; traduction A l’Encontre)


[1] En septembre 2013, la direction de cette entreprise de l’alimentation a annoncé le licenciement de 1914 employé·e·s – soit la moitié des effectifs. A la suite d’un premier conflit la direction et les syndicats sont parvenus à un « préaccord » en novembre 2013 « limitant » les licenciements à un peu plus de 700 et préparant des diminutions de salaire de 18%. Une usine située en Catalogne est cependant en grève depuis plus de quatre mois contre cette décision.
[2] http://www.lamarea.com/2013/09/06/canamero/

 
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Manifeste des Marches de la dignité 22M

Nous lançons un appel pour la dignité et contre le mépris de l’Etat espagnol, dans la capitale, Madrid, le 22 mars :

• Non au paiement de la dette
• Stop aux coupes budgétaires


• Contre les gouvernements au service de la Troïka [Commission européenne, FMI, Banque centrale européenne]
• Un travail et un toit, pour toutes et tous.

En 2014, nous sommes confrontés à une situation extrêmement difficile, une situation extrême, une urgence sociale qui exige que nous donnions une réponse collective pour la classe ouvrière, pour les citoyens et citoyennes ainsi que pour le peuple.

Des millions de travailleurs et travailleuses sont au chômage. Disposer des capacités manuelles et intellectuelles et ne pas trouver un emploi décent est humiliant. C’est un gaspillage des talents collectifs de la société, une hypothèque permanente sur leur avenir. Les travailleurs ne méritent pas cette atteinte à leur dignité collective.

Des centaines de milliers de familles ont perdu leurs maisons. Il n’y a rien de plus inhumain que d’expulser une famille de son logement, pour la seule raison de répondre la voracité insatiable de quelques banquiers sans scrupule. Banquiers que les Etats soumis à la Troïka ont alimentés en appauvrissant encore plus les classes laborieuses et les personnes les plus précaires.

Pendant ce temps, le patronat, utilisant le drame du chômage massif, accentue la pression à la baisse des salaires et des conditions de travail des personnes qui disposent encore d’un emploi.

Les travailleurs et travailleuses, en raison de cette situation difficile, ne peuvent même pas s’opposer à leur statut de simples exploité·e·s par le capital. Le système essaie de nous forcer à nous montrer redevables vis-à-vis des employeurs qui sont transformés en bienfaiteurs de la société. Il est temps de répartir le travail et la richesse pour que les travailleuses et les travailleurs puissent se sentir maîtres de leur avenir.

Notre jeunesse ne peut pas se projeter dans l’avenir en raison des politiques actuelles et elle n’a pas d’autre choix que d’aller chercher du travail à l’étranger comme l’ont fait précédemment nos parents et nos grands-parents.

Nous disons NON à un système patriarcal qui nous repousse vers le passé, nous enlevant le droit de disposer de nos corps, nous déniant la capacité de décider si nous voulons ou non être mères, nous poussant à un retour au foyer afin de nous dédier aux soins des enfants.

Nous souffrons des politiques mises en œuvre par le gouvernement du PP [Parti populaire de Mariano Rajoy] sous les diktats de la Troïka, qui aboutissent à l’extorsion des droits et à la paupérisation généralisée de la majorité sociale. Ces politiques sont fondées sur le paiement d’une dette illégitime, qui n’a pas été contractée par les citoyens et citoyennes et qui est le produit de la spéculation bancaire et des excès des différents gouvernements.

Ils privatisent les secteurs rentables, alors qu’ils coupent dans les budgets de la santé, de l’éducation, des aides aux invalides, des transports publics, de l’eau, de l’énergie, des communications, des services sociaux, etc. Tout cela affecte négativement nos droits de citoyens et citoyennes. Les gouvernants et les dominants se moquent de nos aîné·e·s qui subissent une énorme diminution de leur pouvoir d’achat alors qu’ils voient comment leurs épargnes de toute une vie sont extorquées par des arnaques des banques d’affaires et par la diffusion de produits financiers frauduleux.

Le gouvernement du PSOE, avec le soutien du PP, a modifié l’article 135 de la Constitution pour que soit donnée la priorité au paiement de la dette face aux droits et aux besoins des personnes. Ils l’ont justifié en disant que nous avons « vécu au-dessus de nos moyens » et qu’il fallait être plus économes car il était impératif de réduire le déficit. Pourtant, il n’y a eu aucune austérité à l’heure d’injecter des dizaines de milliards d’euros pour « sauver » les banques et les spéculateurs.

Ils profitent de la crise pour réduire nos droits. Ces politiques d’austérité provoquent la souffrance, la pauvreté, la faim et y compris des morts. Et tout cela afin que les banques et les pouvoirs économiques puissent continuer d’obtenir d’importants profits au détriment de nos vies.

Ils nous ont volé la liberté. Le capitalisme est le possesseur des libertés et des droits de la majorité sociale. C’est un système qui cherche exclusivement le bénéfice privé de quelques-uns et nous conduit inexorablement à une catastrophe environnementale et sociale d’une ampleur incalculable.

Pour la grande majorité, cette crise-escropquerie implique un gigantesque drame humain. Mais pour une minorité insignifiante, elle offre la possibilité d’opérer de fructueuses affaires. Quand nous protestons, nous faisons face sans cesse à la même réponse : la répression et la criminalisation du syndicalisme et des mouvements sociaux. Pour combattre cette répression, nous devons continuer à nous défendre et à descendre dans la rue. C’est un système qui a besoin de la répression pour se maintenir en place et qui doit être dépassé par la lutte directe, dans la rue.

La décomposition du régime issu de la Constitution de 1978 [Constitution assurant la transition, avec des éléments de continuité, de la dictature franquiste à ladite démocratie] devient évidente à cause des éléments qui ont présidé à sa naissance – laquelle se fit contre le peuple. Ce régime est rongé par la corruption et n’a aucune légitimité. Les droits et les libertés nous ont été volés pour favoriser les intérêts d’une minorité et pour assurer ses profits. Ces intérêts nous ont conduits à cet état d’exception sociale fondé sur le démantèlement de l’éducation et du système de santé publique, sur la réduction drastique des retraites de nos aînés, sur l’expropriation de nos logements et la fermeture des entreprises accompagnée du licenciement de milliers de travailleuses et travailleurs.

Les différents gouvernements se sont placés hors de la légalité ; ils ont transformé en négoce les droits dont la conquête nous a tant coûté et ils sont partie prenante de la corruption. C’est un fait généralisé mais qui n’est pas indépendant du système économique. Il fait partie de la structure même de cette société et est indispensable à son développement. Aussi bien les corrupteurs qui ceux qui se laissent corrompre font partie de ce système injuste de production et distribution de la richesse.

Nous appelons les peuples à exercer leur souveraineté, en faisant entendre, à partir d’en bas, leur voix. Démocratiquement, afin de construire un processus constituant qui garantisse réellement les libertés démocratiques, le droit de décider et les droits fondamentaux de la personne.

Du point de vue de la Marche de la dignité du 22M, il est important d’organiser une mobilisation unitaire, massive et vigoureuse contre les politiques qui portent atteinte aux droits humains et à la justice sociale.

Une mobilisation contre le paiement de la dette, pour un emploi digne, pour un revenu de base assuré, pour les droits sociaux, pour les libertés démocratiques, contre les coupures budgétaires, contre la répression et la corruption, pour une société d’hommes et de femmes libres. Une mobilisation contre un système, un régime et des gouvernements qui nous agressent et qui ne nous représentent pas.

Dès lors, nous exigeons qu’ils s’en aillent. Que s’en aille gouvernement du PP et aussi tous les gouvernements qui portent atteinte aux droits sociaux fondamentaux, tous les gouvernements qui collaborent avec les politiques de la Troïka.

Dans ce but, nous lançons cet appel, afin de remplir de dignité et de rébellion la capitale de l’Etat espagnol, Madrid, le 22 mars. Ce jour-là arriveront à Madrid des marches en provenance de toutes les régions de la Péninsule et nous demandons aux habitant·e·s de Madrid de descendre dans la rue et de s’insérer dans cette grande mobilisation de la majorité sociale. (Traduction et édition par A l’Encontre)

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