Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Étudiantes en colère pour la gratuité scolaire

Le 8 mars, ça n’est donc pas une mini Fête des mères, ce seul jour dans l’année où l’on vient sanctifier notre rôle servile pour mieux nous y maintenir. Tout au contraire, la Journée internationale vient souligner l’extrême combativité des femmes à travers l’histoire et poser que c’est dans la lutte contre toute forme d’exploitation que nous trouvons notre dignité.

Le 8 mars veut unir et reconnaître les diverses luttes menées par des femmes à travers le monde : lutte pour le droit à l’avortement, lutte contre la violence, lutte pour l’autonomie, etc.

Au Québec, les enjeux exprimés sont nombreux et se rattachent à ceux de plusieurs autres pays. Ils concernent notamment les luttes contre la tarification des services publics ou la pauvreté, les revendications queer et la situation des femmes immigrantes. Cette année, étant donné la mobilisation générale contre la hausse des frais de scolarité, le thème de l’éducation s’est imposé comme l’un des thèmes majeurs de la journée. En effet, à l’heure où la question de l’accès aux études supérieure est sur toutes les lèvres, on doit considérer l’impact néfaste de la hausse sur les femmes et réaffirmer l’importance de l’éducation dans la lutte pour l’émancipation.

Le 8 mars 2012, à Montréal

À Montréal, cette Journée internationale des femmes a débuté par une action du Comité de soutien aux parents étudiants de l’UQAM, qui a transformé le registrariat de l’université en garderie autogérée afin de rendre compte de la difficile réalité de ceux et celles qui, au jour le jour, doivent concilier travail, famille et études. Cette action visait par ailleurs à souligner la situation des mères monoparentales et la précarité d’emploi chez les femmes.

Indépendamment, dans les CÉGEP et universités, plusieurs activités étaient organisées, notamment un café-philo féministe au Vieux Montréal ainsi qu’un atelier de discussion et de création organisé par le Collectif féminisme et droit de l’UQAM. Des étudiantes ont également tenu une vigile pro-choix en face de la clinique Morgentaler en réaction au rassemblement « 40 jours pour la vie » qui appelle à « prier pour la fin de l’avortement ».

De nombreuses manifestations aux revendications diverses se sont succédées tout au long de la journée ; d’abord, une marche dans le quartier Villeray pour dénoncer la tarification des services publics. Puis, à 15 heures, se sont rassemblé-e-s des étudiantes et étudiants afin de marcher pour les femmes et l’accès à l’éducation. Cette manifestation, lors de laquelle les femmes en ont profité pour dénoncer les publicités sexistes tout au long du trajet, s’est terminée au point de rendez-vous d’une autre marche, celle-là organisée par le collectif Femmes de diverses origines. Finalement, la journée a pris fin avec la marche queer et féministe « (Re)vivre la nuit ».

Retour sur la marche « Femmes et accès à l’éducation »

Si le 8 mars doit être une occasion pour réfléchir à certaines problématiques féminines et féministes, la grève devrait aussi être un bon moment pour mettre celles-ci de l’avant et idéalement pour faire avancer des revendications allant dans le sens d’une égalité véritable entre les sexes. Par exemple, dans la manifestation étudiante du 8 mars, plusieurs féministes se sont dites déçues du fait que le service de sécurité était majoritairement mené par des hommes, que les mégaphones étaient majoritairement accaparés par ceux-ci et qu’il était difficile de faire scander à la foule des slogans liant le féminisme à la lutte étudiante. Plusieurs ont aussi remarqué l’évacuation de la critique féministe, alors que la manifestation devenait de plus en plus axée sur le seul fait de la hausse des frais de scolarité. Était-ce dû à un manque d’informations concernant le thème de la manifestation, ou à un manque de sensibilisation, voire un désintérêt envers les enjeux féministes de la grève ? Loin de vouloir diviser la lutte, cette marche avait au contraire pour but de souligner le fait que la hausse des frais de scolarité contribue à perpétuer les inégalités entre les hommes et les femmes, toujours présentes dans la société.

On remarque donc que, même lors de la journée du 8 mars, il n’est apparemment pas évident de mettre de l’avant les revendications féministes dans la lutte. Pourtant, ces revendications permettent d’élargir la réflexion autour de l’impact de la hausse des frais de scolarité et du contexte social de laquelle elle émerge ; femmes, immigrants et immigrantes, parents étudiants, population étudiante étrangère ou issue de familles à faible revenu sont autant de personnes qui seront particulièrement affectées par cette hausse.

Les critiques qui ont été faites par rapport au déroulement de cette manifestation révèlent des problèmes récurrents quant à nos pratiques organisationnelles et aux rapports de pouvoirs genrés qui subsistent dans la lutte étudiante. Il n’apparaît pas évident de faire avancer la cause des femmes dans la lutte étudiante, étant donnée la récupération qui a été faite de cette marche des femmes pour l’accès à l’éducation. Les femmes ont pourtant le droit à la révolte, et non pas seulement à des bouquets de roses !

Article tiré du numéro du 12 mars 2012 du journal Ultimatum Express

Andréa Pilote

étudiante en Histoire, Culture et Société

Maxine Visotzky

étudiante en études féministes

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