Édition du 16 avril 2024

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Économie

Good news ! Au Royaume désuni, les 1000 individus les plus riches ont doublé leur fortune en dix ans. Vive la crise !

(tiré du blog de Jean Gadrey)

Tel est le résultat de la top list 2015 des riches britanniques publiée par le Sunday Times. Ces 1000 personnes (ou couples) détiennent ensemble 547 milliards de livres, soit environ 765 milliards d’euros, plus de deux fois leur richesse en 2005, qui était de 350 milliards d’euros. Tous les éléments de leurs patrimoines sont intégrés, à l’exception de… leurs comptes en banques (dont leurs comptes paradisiaques secrets).

Si vous divisez par 1000, cela fait une moyenne de 765 millions d’euros par personne dans ce groupe dont les membres les plus pauvres ne détiennent qu’un pitoyable montant de 140 millions d’euros. Un groupe qui est horriblement inégalitaire vu qu’en haut du classement on trouve trois personnes qui « valent » plus de 15 milliards d’euros, 20 fois la moyenne, plus de 100 fois la richesse des plus pauvres (du groupe). Plus dramatique encore est la situation de la Reine. Pour la première fois, elle n’est plus parmi les 300 les plus riches, alors que le Duc de Westminster, en neuvième position, « pèse » 12 milliards d’euros du fait de ses immenses propriétés foncières et immobilières, en particulier au centre de Londres. Un Duc au-dessus de la Reine, on a du mal à accepter cette position, si je puis dire.

Sur le plan logique, le titre de ce billet, repris de la presse britannique, est… faux, car ce ne sont pas les mêmes personnes qui figurent chaque année dans la liste. Mais cette inexactitude a très peu d’effet car ce sont les plus riches du groupe (dont les milliardaires) qui tirent le gros du résultat final et eux ne disparaissent pas de la liste comme le font de vulgaires chômeurs rayés par Pôle emploi. On compte 117 ultra-super-riches dont la fortune dépasse 1,4 milliard d’euros, 13 de plus qu’en 2014. 80 d’entre eux résident à Londres, ville du monde la mieux dotée en milliardaires.

Comme quoi je ne passe pas mon temps, sur ce blog, à distiller des informations démoralisantes sur la pauvreté, la crise financière ou la crise écologique… D’ailleurs, je continuerai à « positiver » dans la joie quand on aura la top list 2015 pour la France, grâce notamment à « Challenges ». Une chose est certaine : certes, Londres devance Paris en densité de milliardaires, mais en revanche nos deux champions nationaux, Bernard Arnaud et Liliane Bettencourt, battront à plate couture les deux minables champions Grands Bretons (tous deux étrangers résidant à Londres, on se demande pourquoi) : Len Blavatnik, homme d’affaires ukrainien dont l’empire, issu du pétrole, inclut le groupe Warner Music, et les frères Sri and Gopi Hinduja, à la tête d’une multinationale née en Inde mais dont le siège s’est délocalisé à Londres, on se demande à nouveau pourquoi. Cela prouve au moins que contrairement à la propagande altermondialiste les délocalisations ne s’effectue pas que dans un sens, des pays riches vers les plus pauvres.

Ces nouveaux Londoniens ne détiennent respectivement « que » 18,4 et 18,2 milliards d’euros, alors que Bernard et Liliane, qui en étaient déjà à 27 et 26 milliards respectivement en 2014, pourraient s’approcher des 30 milliards s’ils ont bien bossé ou bien placé cette année. Même la famille Mulliez et Bertrand Puech (groupe Hermès), avec respectivement 20 et 17 milliards d’euros en 2014, devraient battre les deux petits immigrés londoniens. Le modèle social français est décidément remarquable : 100 milliards d’euros en 2015, si tout va bien, pour quatre personnes ou familles, c’est bon pour le moral national. Notre Président devrait citer ce chiffre plus souvent, car sa politique n’y est pas étrangère. Pour inverser la courbe de la très grande richesse, qui avait eu un petit creux en 2009, son succès est fulgurant. C’est bon pour 2017.

Bref, rien que des bonnes nouvelles aujourd’hui, si je mets de côté le bien triste déclassement de sa gracieuse majesté. Elle n’a pourtant pas démérité, avec une fortune en progression de 10 millions depuis l’an dernier, mais chacun sait que dans la concurrence libre et non faussée, il ne suffit pas de progresser pour avancer, il faut progresser plus vite que les autres pour ne pas reculer.

Jean Gadrey

Jean Gadrey, né en 1943, est Professeur honoraire d’économie à l’Université Lille 1.
Il a publié au cours des dernières années : Socio-économie des services et (avec Florence Jany-Catrice) Les nouveaux indicateurs de richesse (La Découverte, coll. Repères).
S’y ajoutent En finir avec les inégalités (Mango, 2006) et, en 2010, Adieu à la croissance (Les petits matins/Alternatives économiques), réédité en 2012 avec une postface originale.
Il collabore régulièrement à Alternatives économiques.

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