Bergeron devrait quitter son poste de chef de l’opposition
Il n’en fallait pas plus pour que l’ex-candidate à la mairie Mélanie Joly, toujours aussi agressive, réclame la démission de ce dernier comme chef de l’opposition à cause « de sa trop grande complaisance et de son manque de recul à l’égard de l’administration Coderre ». On se rappelle que cette dernière, qui était à la tête du parti « Vrai changement pour Montréal », a devancé Bergeron lors du scrutin du 3 novembre dernier ; mais qu’elle n’a pu se faire élire conseillère municipale. Elle entend se représenter aux élections en 2017 et, entre temps, elle briguera un poste de conseiller s’il survient une vacance.
Le fait pour Richard Bergeron d’avoir accepté un mandat de la part du maire Coderre et d’avoir tenu avec ce dernier des conférenced de presse conjointes lors d’évènements rapprochés peuvent en effet soulever des doutes sur sa crédibilité comme chef de l’opposition. Ce dernier s’en défend bien et souligne que son parti, qui compte 20 conseillers, est toujours aussi combatif lors des débats qui ont lieu au conseil municipal. Malheureusement ce travail n’a pas transparu dans les médias notamment lors de l’étude budget. Ainsi, aux yeux d’une opinion publique mal informée, le maire a mis le chef de l’opposition dans sa poche.
C’est pourquoi Richard Bergeron devrait, selon moi, annoncer le plus vite possible qu’il quitte son poste de chef de l’opposition ainsi que celui de chef de Projet Montréal tout en demeurant conseiller de Ville-Marie. Ce geste permettrait au parti, qu’il a fondé il y a 10 ans et qu’il a longtemps courageusement soutenu à bout de bras, de franchir une nouvelle étape. La relève est d’ailleurs prête dans les rangs du parti. Si ce dernier ne se donne pas un second souffle avec un nouveau leader, Coderre risque d’être réélu avec une écrasante majorité et Projet Montréal risque même d’être doublé par le parti de Mélanie Joly en 2017.
Clientélisme vs collaboration démocratique
Par ailleurs, il est réjouissant de voir que le nouveau maire affirme son leadership depuis son élection. C’est tout un contraste avec la situation que Montréal a connue naguère. Au style terne et mollasson du maire Tremblay a succédé un mode de gouvernance qui redonne confiance jusqu’à un certain point dans l’avenir de la métropole.
Autre motif de réjouissance : le style apparemment rassembleur dont fait preuve le nouveau maire. Rien ne rend en effet les citoyens plus cyniques que des partis politiques dont les élus se regardent en chiens de faïence, se contredisent à qui mieux mieux et s’invectivent à tout bout de champ. Le nouveau maire semble l’avoir compris et il a, à sa façon, ouvert des portes à la collaboration. Mais il faudrait prendre garde que cette attitude ne dégénère en un clientélisme, où maitre du jeu de par sa fonction il distribuerait arbitrairement ses faveurs qu’à ceux qui lui rendent service.
Il faut aussi se rappeler que le maire Coderre veut mettre fin au système de partis prévalant à Montréal depuis plusieurs décennies. Il n’a d’ailleurs cessé de répéter comme un mantra, lors de la campagne électorale de l’automne dernier, que « l’Hôtel de ville n’est pas un Parlement mais une administration ». Il pense donc que Montréal devrait être dirigée à la façon d’une grosse entreprise coiffée par un conseil d’administration.
Le nouveau maire admet toutefois que la Ville est beaucoup plus qu’une simple fournisseuse de services de proximité. Montréal n’est-elle pas en effet un gouvernement local qui gère la plus grande partie de ses infrastructures ? N’est-elle pas devenue un lieu névralgique pour le développement économique de l’ensemble du Québec ? N’agit-elle pas comme un important diffuseur culturel ? Bref, son rôle ne couvre-t-il pas presque toutes les sphères de l’activité politique ?
Les partis politiques sont essentiels
Or, dans un tel contexte, les partis politiques sont des outils incontournables pour servir de catalyseurs aux nombreuses interactions qui affectent le fonctionnement d’une ville aujourd’hui. Ils sont des forums permettant de débattre des enjeux politiques, de les rendre intéressants, de permettre aux citoyens de se faire entendre et aux électeurs de trancher entre les visions idéologiques que leur proposent les différentes formations briguant leurs suffrages, et ce dans des domaines aussi vitaux que la justice sociale, l’aménagement, l’économie, le logement, l’environnement, la culture etc. Leur existence assure également la présence au conseil municipal d’une opposition mieux structurée ; ce qui est une condition de base du débat démocratique.
La meilleure façon, par ailleurs, d’éliminer les excès partisans est d’accorder plus de pouvoirs aux commissions permanentes du conseil municipal et d’y faire travailler l’ensemble des conseillers dans un esprit de collaboration. L’exemple à ce chapitre vient de la ville d’Ottawa où il n’existe pas de comité exécutif et où le conseil municipal constitue l’unique organe décisionnel. Afin de pouvoir mener à bien ses délibérations, le conseil a mis sur pied des commissions permanentes siégeant de façon continue et en public. Elles sont formées exclusivement d’élus qui sont chargés de lui formuler des recommandations dont elles doivent débattre obligatoirement. À Montréal, au contraire, les rapports des commissions, qui siègent sporadiquement, sont plus souvent qu’autrement tablettés parce que le comité exécutif n’est pas obligé d’en tenir compte ni même de les soumettre au conseil.
Montréal, le 5 mars 2014