Édition du 12 mars 2024

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Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Haïti : crise sanitaire et fascisation du pouvoir

Depuis plus d’un mois, le pouvoir de facto de Jovenel Moise mobilise sa machine de propagande pour prolonger son mandat présidentiel jusqu’au 2022 alors qu’il doit, conformément aux dispositifs constitutionnels, laisser le pouvoir le 7 février de 2021.

Moise, sachant pertinemment que la Constitution c’est du « papier », demande à ses tuteurs, en premier lieu l’Organisation des États Américains (OEA), de reconnaitre son droit « légitime » de reconduire son pouvoir jusqu’en 2022. Puisqu’il nage déjà dans l’inconstitutionnalité (en dirigeant par décrets), Moise n’en a cure des débats touchant le système juridique, son pouvoir étant déjà assuré par ses alliés étatsuniens. Et cela tient du burlesque de voir des experts discuter sur la constitutionnalité en ce qui a trait à la décision de Moise de rester président jusqu’en 2022, parce que ce dernier sait parfaitement que son pouvoir repose sur les armes et la répression.

Son régime de « bandits légaux » trouve son appui auprès d’institutions internationales, et aujourd’hui celles-ci entendent ouvertement reproduire ce régime et le statu quo. C’est pourquoi qu’il n’est nullement étonnant que la représentante de l’ONU en Haïti, Madame La Lime, fasse tout son possible, y compris de discourir de façon aberrante à l’ONU, pour perpétuer le pouvoir du parti PHTK dans le pays, l’objectif à moyen terme étant de produire une nouvelle constitution qui reflète plus fidèlement l’aspiration des nostalgiques de la dictature des Duvalier et les intérêts de l’oligarchie et de l’impérialisme.

Alors que les classes populaires et paysannes croupissent dans une double crise alimentaire et sanitaire, la bourgeoisie subalterne et ses fondés de pouvoir au palais national jouent pieds et mains afin de construire un pouvoir fasciste dans le pays. L’appui inconditionnel des puissances impérialistes leur étant acquis, ils s’apprêtent à diriger dans le massacre et les crimes les plus sordides.

Il n’est certes pas nouveau que la domination impérialiste prenne dans notre pays les formes les plus barbares et criminelles. Rappelons qu’en 2010, suite au séisme ayant causé plus de 300 000 morts et plus d’un million de sans-abris, l’impérialisme étatsunien en a profité pour imposer le règime néo-duvaliériste PHTK au sommet de l’État. C’est également dans ce contexte que les troupes d’occupation de l’ONU ont introduit le cholera dans le pays. Le bilan des victimes de cette épidémie s’est élevé à plus 10 000 morts et 800 000 personnes infectées, et cela sans le moindre dédommagement.

Alors que ces blessures sont encore béantes et ouvertes 10 ans après, ces puissances impérialistes et l’oligarchie reviennent à la charge avec, cette fois-ci, leur marionnette Jovenel Moise. Sous couvert de prolongement du mandat présidentiel et de réforme constitutionnelle se joue un nouvel ajustement du cycle d’exploitation des ressources minières et de la main d’œuvre haïtienne.

Plusieurs aspects de ce plan macabre sont déjà à l’œuvre dans les différents décrets de l’autocrate Jovenel Moise. Sans égards aux dispositifs constitutionnels, le droit de rassemblement et de manifestation est, d’un coté, prohibé sous couvert de gestion de la pandémie alors que les masses populaires meurent au quotidien dans la plus grande indifférence.

De l’autre, le droit de circulation des membres de la population est conditionné par l’obtention de la carte électorale Dermalog : tout citoyen haïtien risque de se faire arrêter et payer l’équivalent de 20% de son salaire en amende s’il ose circuler dans son pays sans être muni de cette fameuse carte ! Alors que les résidents des quartiers populaires se font régulièrement assassinés par les gangs armés à la solde du pouvoir, le droit de circulation et de protestation de la population est formellement réduit à sa plus simple expression. Ces décisions prises dans ce contexte de crise sanitaire témoignent de ce qui se joue derrière le projet de réforme constitutionnelle de l’autocrate Jovenel Moise et de l’oligarchie.

Aujourd’hui, il est essentiel que les classes populaires, appauvries et exploitées doivent non seulement résister à ce nouvel ajustement du système d’exploitation social et économique mais aussi de s’organiser pour renverser l’ordre social bourgeois dans le pays. L’expérience de ces dernières années montre sans ambages que les classes opprimées ne peuvent rien attendre des réformes superficielles et ridicules de ce système social axé sur l’exclusion et la marginalisation de plus 90% de la population. Seul le renversement du capitalisme subalterne en Haïti ouvrira la voie à la construction d’une société égalitaire conformément à l’idéal de la révolution de 1804. C’est à ce prix que le peuple haïtien parviendra à la consolidation et la jouissance de ses droits démocratiques.

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