Édition du 18 novembre 2025

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Les mouvements sociaux et la COP 30 : alliances transnationales contre l'offensive extractiviste mondiale

Alors qu’à Belém, les promesses creuses se répètent, une multitude de mouvements sociaux, indigènes et écologistes promeuvent, à partir de divers espaces de rencontre, un programme internationaliste contre l’extractivisme et pour la justice climatique.

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11 novembre 2025

Il y a du mouvement à Belém. D’un côté, lors du sommet officiel, qui a été inauguré hier et durera deux semaines, les délégations des différents pays débattront de la possibilité d’avancer en matière d’atténuation, de financement et de mécanismes pour une transition juste. De l’autre, dans les différents forums et espaces de rencontre, des organisations et des collectifs sociaux venus du monde entier, en particulier d’Amérique latine, tenteront ces jours-ci de revitaliser les alliances internationalistes pour faire face à l’offensive extractiviste mondiale.

En réalité, il ne faut pas attendre grand-chose du premier groupe. Depuis trop longtemps, les COP sont devenues un rituel où défilent les principaux dirigeants mondiaux – cette fois-ci, même ceux des pays les plus pollueurs (Chine, États-Unis, Inde, Russie) n’y ont pas participé – pour faire de solennelles déclarations d’intention et promouvoir de nouveaux mécanismes qui, une fois le rideau tombé, ne se traduisent pas concrètement en calendriers et en budgets. « Nous ne voulons pas que ce soit un marché aux produits idéologiques, nous voulons quelque chose de très sérieux et que les décisions soient mises en œuvre », a déclaré le président brésilien, reconnaissant l’inefficacité de sommets qui oscillent entre le greenwashing et le business as usual.

Dans le 2e groupe, cependant, il est possible de trouver un regain d’espoir. Parallèlement à la COP 30 – on pourrait même dire en opposition au sommet officiel –, une multitude d’organisations et de mouvements indigènes, écologistes, syndicaux, féministes et anticapitalistes se sont réunis à Belém pour repenser leurs stratégies et relancer les instances internationales afin de renforcer les processus de lutte et de résistance. Après l’expérience du Forum social mondial et dans le but de surmonter les contradictions des gouvernements progressistes, l’objectif est de promouvoir des processus d’auto-organisation communautaire qui reconstruiraient le tissu social et regarderaient au-delà des exigences permanentes envers l’État.

Sommets des peuples

Les Sommets des peuples se tiennent depuis trente ans parallèlement aux sommets sur le climat organisés par les Nations Unies. Cette année, après trois éditions de la COP organisées dans des pays caractérisés par la criminalisation du droit de manifester et la persécution des militant·es et des organisations critiques à l’égard des gouvernements, les collectifs sociaux ont manifesté un regain d’intérêt pour ce forum. À Cúpula dos Povos, à Belém, seront présent·es des représentant·es de plus de 1 200 organisations du monde entier, qui se rassembleront autour d’un objectif : « Renforcer la mobilisation populaire et converger vers des programmes unifiés : socio-environnementaux, anti-patriarcaux, anticapitalistes, anticolonialistes, antiracistes et fondés sur les droits humains », peut-on lire dans le manifeste.

Le Sommet des peuples débutera demain, 12 novembre, par une marche fluviale réunissant plus de 200 embarcations et quelque 5 000 personnes. Avec cette caravane nautique, les mouvements qui participent à ce sommet alternatif « s’unissent pour faire résonner, à travers les eaux, le cri de dénonciation contre les décisions de la COP qui perpétuent ce modèle d’exploitation territoriale ». Comme l’a déclaré l’un des porte-parole de l’initiative, « les eaux de l’Amazonie apportent les voix que le monde a besoin d’entendre : les voix de ceux et celles qui défendent la vie, les territoires et le climat ».

Les dizaines de conférences, d’ateliers et d’assemblées qui se dérouleront pendant quatre jours dans le cadre du Sommet des peuples culmineront le samedi 15 novembre avec une grande manifestation, qui s’accompagnera d’actions décentralisées dans de nombreux autres pays. Le dimanche 16, les revendications du Sommet des peuples seront présentées lors de la session plénière de la COP.

Lors de cet événement, le plus important de tous ceux qui rassembleront des militant·es et des organisations sociales autour de la COP 30, l’un des thèmes qui fera sans aucun doute l’objet de débats est celui des relations entre les mouvements et les gouvernements progressistes. Il y a trois semaines, sans aller plus loin, la compagnie publique Petrobras a reçu l’accord du gouvernement Lula pour exploiter du pétrole en eaux profondes à environ 500 km de l’embouchure du fleuve Amazone. Dans une ville décorée pour l’occasion de milliers d’affiches publicitaires colorées soulignant l’importance de la protection de l’Amazonie, le fossé entre le discours habituel du capitalisme vert et l’urgence toujours reportée de transformer le modèle primaire-exportateur sera une nouvelle fois mis en évidence.

Mais ce forum n’est pas le seul à se tenir à Belém en marge des initiatives parrainées par le gouvernement brésilien. Du 8 au 11 novembre, les IIe Rencontres écosocialistes latino-américaines et caribéennes ont réuni deux cents militant·es de base de nombreux pays afin de réfléchir, à partir de l’expérience des luttes contre le pillage territorial, aux stratégies permettant de renforcer un front commun internationaliste capable de faire face à la crise socio-écologique. Parallèlement, du 7 au 12 novembre, s’est tenue la IVe Rencontre internationale des personnes touchées par les barrages, fruit d’un processus de coordination internationale des luttes communautaires contre les grandes centrales électriques qui existe depuis déjà trois décennies.

Les peuples contre l’extractivisme

Sur une planète en proie à l’urgence climatique et aux inégalités extrêmes générées par le capitalocène (et par des politiques qui maquillent le capitalisme en vert), différentes voix de résistance au modèle extractiviste se sont jointes à la coalition Pueblos contra el Extractivismo (Peuples contre l’extractivisme). Cet espace a été créé à Belém le 9 novembre dernier afin d’unir et de coordonner les mouvements, les communautés et les organisations qui luttent contre la spoliation et misent sur une transformation profonde du système qui menace la vie et les territoires.

Ce réseau international regroupe principalement des expériences d’Amérique latine et d’Europe, mais s’engage à étendre sa présence au continent africain. La coalition est composée de mouvements de base, de peuples autochtones, d’afro-descendant·es et de paysan·nes, ainsi que de diverses organisations sociales de masse. Tous et toutes luttent, sur différents fronts, contre un même ennemi : le modèle extractiviste qui perpétue la surexploitation continue des biens communs et l’expansion des frontières productives vers des territoires considérés comme « improductifs ». Cela ne se limite pas à l’exploitation minière ou pétrolière, mais inclut également les monocultures, l’agro-industrie, les biocarburants et les mégaprojets énergétiques qui consolident un modèle dépendant et génèrent une reprimarisation des économies périphériques.

Pour ce réseau, l’extractivisme n’est pas seulement une pratique économique, mais aussi une forme d’organisation du pouvoir au sein des démocraties libérales et un mécanisme de domination qui conditionne la vie des communautés. Dans cette nouvelle phase d’accumulation capitaliste, la spoliation des peuples et de leurs territoires – cyniquement transformés en zones de sacrifice – s’impose, désormais justifiée au nom de la transition énergétique. Dans le capitalisme vert militaire, l’Union européenne, les États-Unis et la Chine se disputent le contrôle des minéraux essentiels au maintien du métabolisme économique du centre capitaliste. Dans cette course effrénée pour s’assurer l’accès aux matières premières critiques, qui ne représente aucun progrès réel dans la transition écosociale, l’exploitation minière s’impose actuellement comme l’expression la plus violente de l’extractivisme : militarisation, déplacements forcés, racisme, criminalisation et même assassinats de ceux qui défendent les biens communs.

L’alliance Pueblos contra el Extractivismo (Peuples contre l’extractivisme) défend l’idée que la protection des habitats et des écosystèmes est indissociable de la lutte contre l’offensive extractiviste néocoloniale. Cet internationalisme se tisse, pour commencer, dans la dénonciation et le soutien aux peuples de l’Équateur, du Panama et du Pérou, où la répression étatique s’est intensifiée ces derniers mois avec des arrestations arbitraires, la militarisation des communautés et la persécution judiciaire des leaders environnementaux et sociaux. Et parallèlement, face à l’extension de la frontière extractive, elle s’appuie sur la construction d’alternatives à partir de la base.

Les résistances territoriales s’organisent pour défendre l’eau, la terre, les territoires et ceux qui les habitent, en articulant différentes luttes et revendications. En Équateur, les communautés amazoniennes ont freiné des projets pétroliers ; au Panama, le mouvement populaire a réussi à faire annuler une concession minière après des semaines de mobilisation ; au Pérou, les rondas campesinas (patrouilles paysannes) maintiennent vivante la défense collective des biens communs. Ces processus replacent le droit de résister comme une pratique partagée contre le néocolonialisme extractiviste.

La planète et les communautés ne peuvent plus continuer à attendre la bonne volonté des gouvernements qui encouragent la fièvre extractiviste. Face à la spoliation des territoires, à la militarisation et à l’impunité des entreprises, ce réseau internationaliste se propose de renforcer la défense du territoire en tant que corps vivant, car le territoire n’est pas une ressource : il est la base matérielle de la vie des communautés et de la nature qui l’habite et, dans le cas des peuples autochtones, la base spirituelle de la vie. Il défend également le droit à la résistance, à l’autodéfense et à l’autodétermination des peuples, en tant que piliers de la justice environnementale et sociale. Il milite pour la construction d’alternatives communautaires, telles que les économies solidaires, l’autogouvernance, les réseaux féministes et agroécologiques et de nombreuses autres pratiques promues par les organisations de base.

Renforcer les réseaux transnationaux contre-hégémoniques est essentiel pour faire face au pouvoir des entreprises et avancer vers un horizon de vie digne et de justice climatique. Comme le répète Pueblos contra el Extractivismo dans son argumentaire : nos territoires ne se négocient pas, ils se défendent.

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