Édition du 16 septembre 2025

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Iran

Iran : Vague de répression après les hostilités avec Israël

Les autorités ont procédé à de nombreuses arrestations, exécutions et poursuites judiciaires, y compris contre les minorités.

(Beyrouth) – Les autorités iraniennes mènent une répression terrifiante sous prétexte de renforcer la sécurité nationale suite aux hostilités avec Israël en juin, ont déclaré aujourd’hui Amnesty International et Human Rights Watch. Cette crise croissante met en évidence la nécessité urgente pour la communauté internationale de prendre des mesures concrètes visant l’obligation de rendre des comptes pour diverses violations.

Tiré de Human rights watch.

Depuis le 13 juin 2025, les autorités iraniennes ont arrêté plus de 20 000 personnes, dont des dissidents, des défenseurs des droits humains, des journalistes, des utilisateurs des réseaux sociaux, des familles de victimes illégalement tuées lors de manifestations nationales et des ressortissants étrangers. Parmi les autres personnes ciblées figurent des Afghans, des membres des minorités ethniques baloutches et kurdes, ainsi que des membres des minorités religieuses bahaïe, chrétienne et juive.

« Alors que la population peine à se remettre des effets dévastateurs du conflit armé entre l’Iran et Israël, les autorités iraniennes se livrent à une répression terrifiante », a déclaré Sara Hashash, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International. « Le dispositif répressif des autorités dans le pays reste implacable ; elles intensifient une surveillance déjà oppressive et généralisée, les arrestations de masse, ainsi que l’incitation à la discrimination, à l’hostilité et à la violence à l’égard des minorités. »

Les forces de sécurité ont tué des personnes aux points de contrôle de véhicules, dont une fillette de 3 ans. Des responsables et des médias affiliés à l’État ont appelé à des exécutions accélérées, prônant dans certains cas une répétition des massacres de 1988 dans des prisons, au cours desquels de hauts responsables avaient ordonné l’exécution sommaire et extrajudiciaire de milliers de prisonniers politiques. Au moins neuf hommes ont été exécutés pour des motifs politiques et/ou des accusations d’espionnage pour le compte d’Israël, et un projet de loi parlementaire visant à élargir encore le champ d’application de la peine de mort est en attente d’approbation définitive.

« Depuis juin, la situation des droits humains en Iran s’est aggravée, les autorités iraniennes désignant et ciblant les dissidents et les minorités comme boucs émissaires d’un conflit dans lequel ils n’ont joué aucun rôle », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « La répression brutale menée par les autorités iraniennes contre un peuple encore sous le choc de la guerre laisse présager une catastrophe imminente en matière de droits humains, en particulier pour les groupes les plus marginalisés et persécutés du pays. »

Les autorités iraniennes devraient immédiatement instaurer un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir la peine de mort, libérer toutes les personnes détenues arbitrairement et veiller à ce que toutes les autres personnes détenues soient protégées contre les disparitions forcées, la torture et autres mauvais traitements. Les autres pays devraient enquêter sur les crimes de droit international commis par les autorités iraniennes et engager des poursuites en vertu du principe de compétence universelle, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch.

Arrestations massives et appels alarmants à accélérer les procès et exécutions

Les services de renseignement et de sécurité iraniens ont commencé à procéder à des arrestations massives quelques jours après l’escalade des hostilités avec Israël, sous couvert de sécurité nationale.

Gholamhossein Mohseni Eje’i, le chef du pouvoir judiciaire, a annoncé le 22 juillet que de lourdes peines, y compris la peine de mort, seraient infligées aux personnes qui, selon lui, avaient « coopéré avec Israël ». Dans une déclaration du 12 août, Saeed Montazer Al-Mahdi, porte-parole de la police, a annoncé qu’environ 21 000 personnes avaient été arrêtées.

De hauts responsables ont réclamé des procès et des exécutions accélérés pour « soutien » ou « collaboration » avec des États hostiles. Les médias affiliés à l’État ont prôné la répétition des massacres de 1988 dans les prisons, notamment dans un article de Fars News, affirmant que « les éléments mercenaires… méritent des exécutions similaires à celles de 1988 ».

Les autorités judiciaires ont également annoncé la création de tribunaux spéciaux pour poursuivre « les traîtres et les mercenaires ». Le Parlement a accéléré l’adoption d’une législation d’exception, en attendant l’approbation finale du Conseil des gardiens, qui étendrait le recours à la peine de mort, y compris pour des accusations vagues liées à la sécurité nationale, telles que « coopération avec des gouvernements hostiles » et « espionnage ».

Les détenus sont exposés à un risque élevé de disparition forcée, de torture et d’autres mauvais traitements, de procès inéquitables et d’exécutions arbitraires, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch.

Intensification de la répression contre les minorités ethniques

Les autorités ont également utilisé le climat d’après-conflit comme prétexte pour intensifier la répression contre les minorités ethniques opprimées.

Amnesty International a documenté que les forces de sécurité de la province du Sistan-Baloutchistan ont tué illégalement deux femmes appartenant à la minorité ethnique baloutche opprimée d’Iran lors d’un raid sur le village de Gounich le 1er juillet. Une source principale a indiqué à l’organisation que des agents avaient tiré des plombs métalliques et des balles réelles sur un groupe de femmes, tuant l’une d’elles, Khan Bibi Bamri, sur place, et blessant mortellement Lali Bamri, décédée plus tard à l’hôpital. Au moins dix autres femmes ont été blessées.

Les agents de forces de sécurité ont avancé des justifications contradictoires pour justifier le raid, invoquant la présence d’un « groupe terroriste », d’« Afghans » et « [d’agents d’] Israël ». Une vidéo de l’incident examinée par Amnesty International montre des agents en uniforme du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) pointant leurs armes à feu vers les femmes tandis que des coups de feu répétés retentissent.

Le 25 juin, les médias d’État ont annoncé l’arrestation de plus de 700 personnes à travers le pays pour collaboration présumée avec Israël. Les provinces de Kermanshah et du Khuzestan, où vivent des minorités ethniques, notamment des Kurdes et des Arabes ahwazis, figurent parmi celles ayant enregistré le plus grand nombre d’arrestations. Selon le Réseau des droits humains du Kurdistan, au 24 juillet, les autorités avaient arrêté au moins 330 personnes issues de la minorité ethnique kurde.

Les autorités ont également mené contre des personnes afghanes une campagne massive d’arrestations et d’expulsions, ainsi que de diffamation dans les médias d’État.

Répression contre les minorités bahaïe, chrétienne et juive

En outre, les autorités iraniennes ont exploité le climat sécuritaire tendu pour intensifier la répression à l’encontre des minorités religieuses.

Les membres de la minorité bahaïe ont été particulièrement ciblés par une campagne de propagande coordonnée de l’État, incitant à l’hostilité, à la violence, à la discrimination et à la désinformation, accusant à tort les bahaïs d’espions et de collaborateurs d’Israël. Dans un communiqué du 28 juillet, le ministère du Renseignement a qualifié la foi bahaïe de « secte sioniste ». Le 18 juin, Raja News, média affilié au CGRI, a accusé les bahaïs d’être « des mandataires et des espions d’Israël ».

L’enquête d’Amnesty International et de Human Rights Watch a révélé que les mesures prises contre les bahaïs comprennent des arrestations et des détentions arbitraires, des interrogatoires, des perquisitions à leur domicile, la confiscation de biens et la fermeture d’entreprises.

Dans un cas, une source bien informée a indiqué aux organisations que les autorités avaient arrêté Mehran Dastoornejad, 66 ans, lors d’une perquisition à son domicile à Marvdasht, dans la province de Fars, le 28 juin, après l’avoir battu et confisqué ses biens. Les autorités ont refusé à l’avocat désigné par sa famille tout accès à lui et toute information sur les accusations portées contre lui. Il a été libéré sous caution de la prison de Chiraz le 6 août. Une autre source a indiqué à Human Rights Watch que Noyan Hejazi et Leva Samimi, un couple marié, avaient été arrêtés dans la province de Mazandaran les 25 juin et 7 juillet respectivement, et privés de l’accès à un avocat jusqu’à leur libération sous caution le 3 août.

Fin juin, les autorités iraniennes ont convoqué et interrogé au moins 35 membres de la communauté juive de Chiraz et de Téhéran au sujet de leurs liens avec des proches en Israël et les ont mis en garde contre tout contact, selon Human Rights in Iran, une organisation basée hors d’Iran.

Malgré les démentis initiaux des médias d’État, fin juillet et début août, des publications sur la chaîne Telegram d’un député juif, Homayoun Sameyeh Najafabadi, ont confirmé que des membres de la communauté juive iranienne avaient été arrêtés dans trois provinces et que plusieurs d’entre eux avaient été jugés devant un tribunal révolutionnaire à Téhéran pour des chefs d’accusation non identifiés. Ces publications indiquaient que les personnes arrêtées à Téhéran étaient accusées d’espionnage, mais que ces accusations avaient été abandonnées.

Dans un communiqué du 28 juillet, le ministère iranien du Renseignement a accusé des secteurs de la communauté chrétienne d’être des « mercenaires du Mossad » ayant des liens avec Israël, et les médias d’État ont diffusé des « aveux » de chrétiens détenus le 17 août, suscitant de vives inquiétudes quant à leur extorsion sous la torture. Le 24 juillet, une association de défense des droits humains hors d’Iran a signalé l’arrestation d’au moins 54 chrétiens depuis le 24 juin.

Recours illégal à la force meurtrière aux points de contrôle de sécurité

Les points de contrôle de véhicules mis en place depuis le conflit de juin sont devenus un autre instrument de répression. Les autorités ont procédé à des fouilles intrusives de véhicules et de téléphones portables, arrêtant des personnes pour « collaboration » avec Israël, souvent sur la seule base de publications sur les réseaux sociaux, selon les médias d’État. Les points de contrôle ont également été utilisés pour arrêter des ressortissants « non autorisés », un terme discriminatoire utilisé par les autorités pour désigner les Afghans.

Le 1er juillet, les forces de sécurité de Tarik Darreh, dans la province de Hamedan, ont abattu deux personnes et en ont blessé une troisième sous prétexte qu’elles fuyaient les points de contrôle, selon les médias. Dans un communiqué du 2 juillet, Hemat Mohammadi, chef de l’Organisation judiciaire des forces armées de la province de Hamedan, a déclaré qu’une enquête était en cours, mais a affirmé que les forces de sécurité avaient tiré sur un véhicule qui tentait de fuir. Sur les réseaux sociaux, des activistes ont identifié les deux hommes tués comme étant Alireza Karbasi et Mehdi Abaei.

D’après les médias d’État et les déclarations officielles, le 17 juillet, les forces de sécurité de Khomein, dans la province de Markazi, ont également abattu quatre membres d’une famille voyageant à bord de deux voitures : Mohammad Hossein Sheikhi, Mahboubeh Sheikhi, Farzaneh Heydari et une fillette de 3 ans, Raha Sheikhi. Vahid Baratizadeh, le gouverneur de Khomein, a indiqué que les forces de sécurité avaient tiré sur deux voitures « suspectes ». Le 12 août, un porte-parole du gouvernement a annoncé, sans plus de précisions, l’arrestation de plusieurs agents impliqués dans la fusillade.

Selon les déclarations des autorités, rien ne prouve que les personnes tuées par balle lors de ces incidents représentaient une menace imminente de mort ou de blessure grave. En vertu du droit international, le recours à une force potentiellement létale à des fins de maintien de l’ordre est une mesure extrême, qui ne doit être utilisée qu’en cas de stricte nécessité pour protéger des vies ou prévenir des blessures graves dues à une menace imminente.

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