Édition du 16 septembre 2025

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Israël - Palestine

L’attaque contre le Qatar montre qu’Israël ne veut pas d’un cessez-le-feu à Gaza

Netanyahu ne cesse de changer de position sur un cessez-le-feu à Gaza, utilisant différentes stratégies pour poursuivre la guerre.

Tiré d’Agence médias Palestine.

Depuis près de deux ans, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu fait tout son possible pour éviter d’accepter un cessez-le-feu à Gaza.

En novembre 2023, un accord a permis la libération de 110 otages capturés lors de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.

Mais une semaine plus tard, Netanyahu a refusé de prolonger le cessez-le-feu, laissant les autres otages sur le carreau.

Depuis lors, chaque fois qu’un cessez-le-feu semblait à portée de main, Netanyahu a changé les règles du jeu. En mai 2024, le Hamas a accepté un accord proposé, mais Israël a refusé de l’approuver et a envahi Rafah à la place. En septembre, Netanyahu a introduit une nouvelle condition : le contrôle permanent par Israël du corridor de Philadelphi, la zone située entre l’Égypte et Gaza, que Le Caire et le Hamas ont tous deux rejetée.

Plus tard, après avoir insisté sur le fait que seul un accord partiel serait accepté, Netanyahu a changé les paramètres et a insisté pour qu’Israël n’accepte qu’un accord prévoyant la libération de tous les prisonniers, et non en échange de la fin de la guerre.

Même lorsque ses alliés ont présenté des propositions, Netanyahu les a éludées. Toujours en mai 2024, le président américain de l’époque, Joe Biden, a annoncé qu’Israël avait proposé un plan de cessez-le-feu, mais Netanyahu est resté silencieux et aucun accord n’a suivi.

Lorsqu’un accord a été conclu et mis en œuvre, Netanyahu a fait en sorte qu’il échoue. En janvier 2025, sous la pression du nouveau président américain Donald Trump, Netanyahu a accepté un accord de cessez-le-feu progressif qui se poursuivrait jusqu’à ce qu’un accord final mettant fin à la guerre soit conclu. Pourtant, en mars, Israël l’a violé unilatéralement, reprenant les bombardements et le blocus.

Et la semaine dernière, alors que les négociateurs du Hamas se réunissaient à Doha pour discuter d’une nouvelle proposition soutenue par les États-Unis, Israël les a bombardés, sabotant ainsi les pourparlers.

Un jeu d’équilibriste

Le gouvernement israélien insiste sur le fait qu’aucun accord n’a été conclu parce que le groupe palestinien Hamas n’a pas été un intermédiaire honnête et qu’il doit être éradiqué, car il tentera de se réarmer.

Mais après l’attaque de Doha, Einav Zangauker, la mère de Matan Zangauker, un Israélien retenu captif à Gaza depuis près de deux ans, sait clairement qui est responsable.

« Pourquoi le Premier ministre [Netanyahu] insiste-t-il pour faire échouer tout accord qui semble sur le point d’aboutir ? Pourquoi ? », demande-t-elle de manière rhétorique.

Pourquoi, en effet.

Netanyahu est le Premier ministre israélien ayant exercé le plus longtemps. L’une des raisons de son succès est sa capacité à mener plusieurs projets de front, à jongler avec différentes priorités, même si elles sont parfois contradictoires, sans les résoudre complètement.

Cette capacité lui permet de repousser les décisions qui pourraient lui faire perdre le soutien du public ou de ses alliés politiques. Et dans un pays comme Israël, où la politique parlementaire repose sur la capacité à maintenir la plus grande coalition possible, cela est essentiel.

Netanyahu est également confronté à des problèmes juridiques au niveau national – il est jugé pour corruption – et rester au pouvoir est probablement son meilleur moyen d’éviter la prison.

Pour en revenir à la question d’un cessez-le-feu à Gaza, Netanyahu est confronté à un problème fondamental : il est redevable à l’extrême droite messianique qui soutient son gouvernement, et celle-ci a clairement fait savoir qu’une fin de la guerre à ce stade la conduirait à se retirer de la coalition du Premier ministre, ce qui entraînerait presque certainement son effondrement.

L’extrême droite – des Israéliens comme le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et le ministre des Finances Bezalel Smotrich – veut chasser les Palestiniens de Gaza et faire venir des colons israéliens pour vivre sur les terres laissées vacantes par ceux qui ont été victimes du nettoyage ethnique.

Netanyahu n’est peut-être pas totalement opposé à cet objectif, mais il comprend également la difficulté de le réaliser. Même Israël serait mis à rude épreuve sur le plan militaire s’il tentait de conquérir et de conserver l’ensemble de la bande de Gaza, et des mois ou des années de conflit intense provoqueraient davantage de dissensions au sein d’une armée qui dépend fortement de la mobilisation de milliers d’Israéliens en tant que réservistes.

Et, bien sûr, une tentative aussi effrontée de nettoyage ethnique isolerait davantage Israël sur la scène internationale.

Que va-t-il se passer ensuite ?

Au lieu de cela, Netanyahu continue de jouer sur tous les tableaux. Il garde Ben-Gvir et Smotrich de son côté en refusant systématiquement de mettre fin à la guerre, il mène les médiateurs en bateau en envoyant des équipes de négociation discuter de propositions qu’il n’acceptera jamais, et il ne s’engage jamais pleinement dans la lutte militaire qui serait nécessaire pour tenter de prendre complètement le contrôle de Gaza.

Il insiste sur le fait que le Hamas ne peut pas être autorisé à diriger Gaza et rejette l’Autorité palestinienne qui gouverne l’enclave, tout en affirmant qu’Israël ne veut pas la contrôler.

Combien de temps Netanyahu pourra-t-il tenir ? Il y a eu des moments où il a connu des difficultés et où tout a failli s’effondrer.

En janvier, Trump a refusé d’entendre un « non », forçant Netanyahu à accepter un accord qui était sur la table depuis plus de six mois. Cela a conduit Ben-Gvir à démissionner de son poste au gouvernement et Smotrich à menacer de démissionner si l’accord aboutissait et mettait fin à la guerre.

Comme mentionné précédemment, cela n’a pas été le cas. Et Ben-Gvir est rapidement revenu. Trump tient des propos contradictoires sur la fin de la guerre, sans jamais demander fermement à Netanyahu d’y mettre un terme.

Les prochaines élections israéliennes doivent avoir lieu avant octobre 2026. Peut-être Netanyahou sera-t-il en mesure de présenter suffisamment de victoires à l’électorat – il peut déjà affirmer qu’il a affaibli le Hamas, vaincu le Hezbollah et bombardé les sites nucléaires iraniens – pour obtenir un soutien suffisant afin de ne plus dépendre de Ben-Gvir et Smotrich et de pouvoir mettre fin à la guerre selon ses propres conditions, quelles qu’elles soient.

Ou peut-être que la guerre se poursuivra, avec éventuellement des pauses, pour qu’Israël recommence à bombarder Gaza lorsqu’il en ressentira le besoin.

Sinon, la poursuite de la guerre sans fin en vue pourrait accroître l’opposition tant étrangère que nationale, augmentant la pression sur Netanyahu jusqu’à ce qu’il soit contraint de prendre une décision pour mettre fin à la guerre ou qu’il soit confronté à une défaite aux urnes en 2026.

Les Palestiniens de Gaza – dont Israël a tué plus de 64 800 – sont les victimes ultimes de la prolongation de cette guerre, tout comme les prisonniers israéliens toujours détenus à Gaza.

Pour l’instant, ils continueront à souffrir, tandis que Netanyahu continuera à jongler avec les différents enjeux.

Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine

Source : Al Jazeera

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Abubakr Al-Shamahi

Journaliste pour Al Jazeera

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