Democraty Now, 25 juillet 2025
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr
Amy Goodman : (…) nous nous intéresserons maintenant à la famine imposée à Gaza où les enfants mal nourris envahissent les hôpitaux encore en fonction. Aujourd’hui, l’hôpital pour enfants palestiniens Al-Ahli Arab à Gaza cité, a annoncé la mort de faim de Abdul Qader al-Tayoumi le 115e enfant mort de faim depuis qu’Israël a réimposé son siège sur la bande en mars dernier. Les bombardements israéliens sur Gaza ont fait 62 morts palestiniens aujourd’hui. Mardi 19 de ces décès ont eu lieu alors que ces personnes tentaient d’obtenir de l’aide alimentaire aux postes de distribution de la soit disant Fondation humanitaire pour Gaza (mise en place) par les États-Unis et Israël. Jeudi, à Rafah, des Palestiniennes déplacées ont reçu instruction de se présenter à un de ces points de distribution pour femmes seulement. Elles y ont été attaquées avec des gaz lacrymogènes et des jets de poivre rouge.
Pour en comprendre plus, nous rejoignons à Oxford en Angleterre le professeur Nick Maynard, chirurgien consultant dans les hôpitaux de l’Université d’Oxford. Il revient tout juste de Gaza où il a fait un séjour bénévole de quatre semaines à l’hôpital Nasser de Khan Younis au sud de Gaza cité. Il a fait ce genre de séjours plusieurs fois. Son plus récent article dans The Gardian est intitulé : Je suis témoin de la famine imposée délibérément aux enfants de Gaza ; pourquoi le monde laisse-t-il faire cela ?
Soyez le bienvenu professeur. Vous avez aussi dit que certains jours vous voyiez plusieurs patients tous blessés sur les mêmes parties du corps, par exemple des blessures par balles à l’aine. Pouvez-vous expliquer s.v.p.?
Pro. N. Maynard : Oui, merci de m’avoir invité. Une des grandes différences durant ce récent séjour à Gaza avec mes passages antérieurs durant cette guerre est le nombre de blessures par balles que j’ai eu à traiter. Spécialement sur de jeunes adolescents qui ont été blessés aux points de distribution de l’aide alimentaire de la soit disant Fondation humanitaire pour Gaza. Ces garçons avaient environ 11, 15, 16 ans. Ils allaient chercher de la nourriture pour leurs familles affamées. Et ce que j’ai entendu de la part de leurs familles et de d’autres victimes et bien sûr de mes collègues soignant qui sont allés à ces points de distribution est le même récit de leur part à tous et toutes. Ils y vont, c’est le chaos et ils participent à l’émeute. Alors ils et elles sont sous les tirs des soldats israéliens et des drones quadricoptères qui volent partout à Gaza en tous temps.
Et, plus dérageant encore, tous les médecins de la salle d’urgence et évidemment tous les chirurgiens.nes comme moi ont reconnu une concentration de blessures sur des points particuliers des corps selon les jours. Par exemple, certains jours les blessés arrivent avec des atteintes à la tête et au cou. Un autre jour ce sera des blessures par balles à la poitrine et un autre jour à l’abdomen et même, il y a 12 jours, nous avons eu quatre jeunes adolescents tous admis pour blessures aux testicules. Ces concentrations et ces scénarios sont frappants. Il nous paraît que cela ressemble à quelque chose comme des exercices de tirs comme une sorte de jeu qui dirait : aujourd’hui ce sont les têtes, demain les abdomens et ensuite les testicules. C’est vraiment choquant, vraiment choquant.
A.G. : Dans votre récent article, vous décrivez un nourrisson de sept mois en disant : « l’expression la peau et les os ne lui rendent pas justice ». Pouvez-vous expliciter ?
Pro. N. M. : Oui, donc, j’ai passé un certain temps dans le département de pédiatrie. Je suis un chirurgien pour adultes, mais j’ai aussi opéré des enfants. Par exemple, une fillette de onze ans qui était aux soins intensifs de pédiatrie. Je la voyais plusieurs fois par jour. Donc j’ai passé un bon bout de temps en pédiatrie. Je suis aussi allé dans le département néonatal ; j’y ai vu les exemples les plus terribles de malnutrition qu’on peut imaginer. Du genre que vous ne pourriez imaginer exister quelque part dans le monde : des nourrissons de sept mois qui ressemblent à des nouveaux nés parfois tous et toutes sous-alimentés.es. Il n’y avait pas de nourriture pour ces enfants, pratiquement pas du tout de lait maternisé pour les nourrir.
Bien sûr qu’il n’y avait pas de lait maternisé autorisé à Gaza depuis le dernier cessez-le-feu, donc pendant plusieurs mois. Des médecins américains avec qui je travaillais ont tenté d’en faire entrer. Toutes les boites qui en contenaient ont été ouvertes et le lait a été confisqué par les policiers israéliens à la frontière. C’était très ciblé puisque rien d’autre n’a été retiré des boites. Et pendant ce temps, les nouveaux nés, les nourrissons et les autres enfants aux soins intensifs souffraient tous et toutes de la faim. Il n’y avait pas assez de nourriture pour qu’ils survivent tous.
A.M. : Dr. Maynard vous avez écrit : « Chaque jour j’ai vu des patients.es se détériorer et mourir de leurs blessures. Parce qu’ils et elles sont mal nourris, la survie après la chirurgie est impossible ». Pouvez-vous nous le décrire ?
P.N. M. : Oui c’était particulièrement ….La plupart des patients que j’ai opéré étaient des adultes. La plupart étaient très sous-alimentés.es et arrivaient avec des blessures sévères d’explosions de bombes, d’éclats d’obus dans l’abdomen ou la poitrine ou encore de blessures par balles. C’étaient de sérieuses blessures pour lesquelles des chirurgies majeures étaient requises. Mais en situation normale les patients vont survivre à leurs blessures et aux chirurgies.
Mais la malnutrition est telle que les tissus ne guérissent pas. Le système immunitaire ne fonctionne plus. Ce que nous avons traité sur le foie, le pancréas, le duodénum, l’estomac et les intestins ne guérit pas correctement. Souvent ils s’effondrent causant de terribles infections dans l’organisme. Donc, très souvent ces personnes décèdent. Ainsi, le ratio de décès suite à ces blessures est bien plus élevé que ce à quoi on devrait s’attendre.
A.G. : Professeur Maynard, nous allons terminer avec le titre de votre article : Pourquoi le monde laisse-t-il faire ? Vous retournez en Grande Bretagne, La France vient tout juste d’annoncer qu’elle allait reconnaitre l’État de Palestine mettant ainsi une énorme pression sur la Grande Bretagne pour qu’elle en fasse autant. Qu’est-ce qui devrait être fait, selon vous ?
P.N.M. : Honnêtement, les mots ne suffisent pas. Ces dernières semaines, notre Premier ministre et notre secrétaire aux affaires étrangères ont haussé le ton, mais rien n’a été fait. Nous avons besoin de plus que des mots. Sans actions ils sont futiles. Il faut autant d’aide et de nourriture que possible qui entrent sur le territoire. Il faut un cessez-le-feu. Notre gouvernement et celui des États-Unis doivent forcer le gouvernement israélien à mettre fin à cela.
A.G. : Professeur Maynard, (…) nous allons mettre un lien vers votre article : « I’m witnessing the deliberate starvation of Gaza’s children … why is the world letting it happen ? »
******
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :



















Un message, un commentaire ?