https://www.democracynow.org/2025/11/24/cop30_final_agreement_fossil_fuels
24 novembre 2024
« Je suis en colère contre ce résultat vraiment médiocre. Je suis en colère contre les lobbyistes des combustibles fossiles qui se promènent librement dans le lieu de la conférence, alors que les militant·es autochtones ont été victimes d’une répression militarisée », déclare Brandon Wu, directeur des politiques et des campagnes chez ActionAid USA. « Je suis particulièrement indigné par [...] les pays riches et développés du Nord qui participent à ces conférences et se comportent comme s’ils étaient les héros, alors qu’en réalité, ils ne font que faire porter le poids de la crise qu’ils ont provoquée aux pauvres. »
« L’absence des États-Unis est critique », ajoute Jonathan Watts, journaliste spécialisé dans les questions environnementales mondiales au Guardian. « Sous Donald Trump, les États-Unis tentent de revenir au XXe siècle, à l’ère des combustibles fossiles, alors qu’une grande partie du reste du monde souhaite aller de l’avant vers autre chose. »
AMY GOODMAN : Vous écoutez Democracy Now !, democracynow.org, The War and Peace Report. Je suis Amy Goodman.
Les négociations mondiales lors du sommet des Nations unies sur le climat se sont achevées samedi à Belém, au Brésil, par un accord édulcoré qui ne comprend pas de feuille de route pour l’élimination progressive des combustibles fossiles, du pétrole, du gaz et du charbon, et qui ne mentionne même pas les combustibles fossiles, principaux responsables de la crise climatique mondiale. L’accord final a été conclu après deux semaines de négociations controversées à Belém, la porte d’entrée de l’Amazonie.
Une coalition de plus de 80 pays d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique, du Pacifique, d’Europe et du Royaume-Uni avait soutenu une transition juste vers l’abandon des combustibles fossiles, mais ces efforts ont été contrecarrés par les pays pétroliers, notamment l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et la Russie, ainsi que par plus de 1 600 lobbyistes du secteur des combustibles fossiles qui ont eu accès aux négociations sur le climat cette année. La suppression progressive des combustibles fossiles était également une revendication clé des milliers de dirigeant·es autochtones qui ont participé à la COP30.
Voici la ministre colombienne de l’Environnement, Irene Vélez Torres.
IRENE VÉLEZ TORRES : Les pays producteurs de pétrole, en particulier, essaient de se concentrer uniquement sur l’adaptation. Mais l’adaptation est un sac vide si elle n’est pas suivie d’atténuation. L’adaptation seule et les financements destinés à l’adaptation ne suffisent pas si nous ne nous attaquons pas au problème.
La cause profonde de ce problème, ce sont les énergies fossiles. Comment allons-nous y remédier ? Comment allons-nous sortir de cette COP pour dire et expliquer aux gens que nous nions la vérité scientifique la plus fondamentale, à savoir que les combustibles fossiles sont responsables de plus de 80 % des émissions qui provoquent les changements climatiques ? Nous ne pouvons pas regarder les générations futures dans les yeux si nous ne faisons rien maintenant. Et nous ne pouvons pas accepter un texte qui ne traite pas des vrais problèmes.
AMY GOODMAN : À Belém, les gouvernements colombien et néerlandais ont annoncé qu’ils co-organiseraient la première conférence internationale sur la transition juste vers l’abandon des combustibles fossiles l’année prochaine en Colombie. Ce rassemblement historique aura lieu en avril dans la ville portuaire colombienne de Santa Marta.
L’accord de la COP30 ne prend pas non plus de nouveaux engagements pour mettre fin à la déforestation et ne traite pas de la consommation mondiale de viande, autre facteur majeur du réchauffement climatique. Plus de 300 lobbyistes de l’agroalimentaire ont assisté aux négociations sur le climat à Belém, alors que l’expansion de l’agriculture industrielle, notamment la production de soja, a entraîné une aggravation de la pollution atmosphérique et de la déforestation en Amazonie.
Tout cela intervient alors que l’administration Trump a boycotté la COP30 après que la Maison Blanche a retiré les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat pour la deuxième fois depuis le retour de Trump au pouvoir.
Nous sommes maintenant rejoints par deux invités. À Belém, au Brésil, Jonathan Watts, journaliste spécialisé dans les questions environnementales internationales pour The Guardian, généralement basé à Altamira, au Brésil. Et à Washington, D.C., Brandon Wu est directeur des politiques et des campagnes chez ActionAid USA, tout juste revenu de la COP30 à Belém.
Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux dans Democracy Now ! Jonathan, commençons par vous. Vous êtes juste à l’entrée de l’Amazonie. Vous avez rédigé un article important avec d’autres rédacteurs et rédactrices du Guardian pour résumer ce qui s’est passé. Pourquoi ne pas nous en faire part ici ? Que s’est-il passé au cours de ces deux dernières semaines ? À quel accord cela a-t-il abouti ? Sur quoi n’y a-t-il pas eu d’accord ? Diriez-vous qu’il s’agit d’un échec total ou d’une transition progressive et très lente – même si personne ne parle de transition – loin de ce que certain·es appellent le mot en F, les combustibles fossiles ?
JONATHAN WATTS : La première chose que je dirais, c’est que ce n’est pas aussi grave que je le craignais. J’avais les attentes les plus basses, qui se sont presque réalisées. Cette conférence de la COP a failli échouer. Et si elle avait échoué, alors tout l’accord de Paris, mis en place il y a dix ans, aurait pu s’effondrer. C’était donc un moment très dangereux.
Et je ne pense pas que l’on puisse comprendre ce qui s’est passé à Belém sans tenir compte de la situation géopolitique extrêmement difficile. L’absence des États-Unis a été déterminante. Les États-Unis sont bien sûr le plus grand émetteur historique au monde et le pays le plus riche, celui qui, lors des conférences précédentes, a incité des pays comme l’Arabie saoudite à se montrer un peu plus généreux. Ce n’était pas le cas cette fois, et le président Donald Trump s’est montré ouvertement hostile à l’ensemble du système multilatéral de gouvernance environnementale mondiale. Ensuite, il y a les guerres. Ensuite, il y a le fait que l’Europe se réarme. Dans ce contexte, je trouve donc incroyable que quelque chose ait pu sortir de cette conférence.
Votre résumé est excellent : cette conférence n’a pas abouti, loin s’en faut, à ce dont nous avons besoin pour maintenir le réchauffement climatique à un niveau raisonnablement sûr de 1,5 °C. Toustes les scientifiques à qui j’ai parlé ici – et c’était une nouveauté de cette conférence, qui a réuni davantage de scientifiques, ainsi que davantage de peuples autochtones – toustes les scientifiques ici présent·es étaient extrêmement alarmé·es. Nous approchons d’un certain nombre de points de basculement en ce qui concerne la forêt amazonienne, les courants atlantiques, etc. Oui, c’est frustrant, mais ce n’est pas nouveau. L’année dernière, le résultat était très similaire. Cette année, ce qui m’a vraiment déçu, c’est qu’il n’y ait eu aucune mention des combustibles fossiles. Mais l’Arabie saoudite a clairement indiqué que si l’on parlait de feuille de route et de transition, les négociations échoueraient. Ce sujet n’était donc tout simplement pas à l’ordre du jour.
Mais nous avons assisté à la mise en place d’un nouveau mécanisme de transition juste, au triplement des fonds d’adaptation pour les pays en développement et, surtout, à l’émergence d’un radicalisme dans les discussions qui n’existait pas auparavant. Ce radicalisme était présent dans les rues. Pour la première fois en quatre ans, la société civile était présente en force, avec des couleurs étonnantes, un dynamisme incroyable, des flottilles dans la baie, des dizaines de milliers de personnes dans les rues et plus d’autochtones que jamais à la conférence. C’était extrêmement encourageant. Tout comme le fait que, comme vous l’avez mentionné, la Colombie et un groupe d’autres nations très ambitieuses aient décidé de faire cavalier seul et d’organiser une série de conférences parallèles pour une transition juste vers l’abandon des combustibles fossiles. C’est vraiment passer à l’offensive.
Et puis, enfin, en arrière-plan de tout cela, il y avait la Chine et ce qui se passe en Chine avec son abandon des combustibles fossiles, son incroyable développement de l’éolien, du solaire, des voitures électriques, qui est en train de transformer le monde. Indépendamment des résultats des négociations, il est absolument incroyable de voir à quelle vitesse les choses évoluent dans ce domaine. Donc, de mon point de vue, il semble que les États-Unis sous Donald Trump essaient de revenir en arrière, au XXe siècle, à l’ère des combustibles fossiles, alors qu’une grande partie du reste du monde veut aller de l’avant vers autre chose. Donc, oui, j’aurais aimé qu’il y ait beaucoup plus sur la table ici, mais compte tenu de tout ce qui se passe dans le monde en ce moment, l’ensemble du processus continue de se battre pour un autre jour.
AMY GOODMAN : Vous parlez du rôle de la Chine. Je voudrais donner la parole à Brandon Wu. La Chine et les États-Unis. Vous venez de rentrer de Belém, vous avez pris l’avion pour Washington, D.C. Pouvez-vous nous parler de l’importance des États-Unis ? Vous ne dites pas que les États-Unis, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’autres pays ont bloqué la déclaration finale mentionnant les combustibles fossiles, mais que c’est uniquement parce que les États-Unis ont boycotté. Quelle est donc l’importance de cela ? Et vous attendiez-vous à ce que la Chine comble davantage le vide, alors qu’elle devient un leader dans la production de technologies d’énergie renouvelable ?
BRANDON WU : Oui, le rôle de la Chine dans tout cela est extrêmement intéressant. Vous le savez, parlons-en.
En fait, je voudrais revenir un instant en arrière et dire que je suis extrêmement en colère, d’accord ? Je suis en colère contre un résultat vraiment médiocre. Je suis en colère contre les lobbyistes des énergies fossiles qui se promènent librement dans la salle, alors que les militant·es autochtones, que vous avez tous deux mentionnés, ont été confronté·es à une répression militarisée. Je suis en colère contre tous les gouvernements qui ne défendent pas leur peuple.
Mais je ressens une indignation particulièrement vive à l’égard d’un groupe de pays bien précis, qui est en fait légèrement différent de celui que nous avons mentionné jusqu’à présent, à savoir les pays riches et développés du Nord, qui participent à ces conférences et se comportent comme s’ils étaient les héros, alors qu’en réalité, ils ne font que faire porter le poids de la crise qu’ils ont provoquée aux pauvres.
Donc, vous avez bien sûr les États-Unis, mais aussi l’Union européenne, qui faisait partie de cette coalition dite « ambitieuse » qui prônait une feuille de route pour les énergies fossiles. Ils ne sont en aucun cas en voie d’éliminer eux-mêmes les énergies fossiles. À ce stade, dix ans après l’accord de Paris, les pays du Nord devraient être assez proches de zéro émission. Aucun d’entre eux n’est près d’atteindre cet objectif. Et donc, venir et promouvoir une feuille de route pour les énergies fossiles, vous savez, cela semble un peu hypocrite. Bien sûr, nous devons éliminer progressivement les énergies fossiles. Nous devons le faire le plus rapidement possible. Mais cela doit commencer dans les pays du Nord, et ceux-ci doivent fournir les financements nécessaires aux pays du Sud pour que cela puisse se faire.
C’est en partie ce que fait la Chine, franchement. La Chine fait aussi des choses qui ne sont pas très utiles, comme continuer à investir dans le charbon, mais elle investit aussi dans les énergies renouvelables d’une manière que les pays du Nord ne font pas à grande échelle, et c’est ce qui sape la confiance dans l’accord. C’est pourquoi des pays comme la plupart des pays africains, et pas seulement l’Arabie saoudite et la Russie, se sont opposés à la feuille de route sur les combustibles fossiles à Belém, car ils n’avaient aucune garantie que les pays du Nord agiraient en premier ou leur apporteraient leur soutien pour mener à bien la transition.
AMY GOODMAN : Brandon Wu, quand vous parlez d’adaptation, c’est devenu un mot à la mode. Tout le monde comprend cela au sommet des Nations Unies sur le climat, mais en dehors de ce cadre, je ne pense pas que les gens saisissent vraiment la situation. Expliquez ce que vous entendez par « financer l’adaptation ».
BRANDON WU : L’adaptation consiste simplement à aider les communautés à résister aux effets des changements climatiques. Les effets des changements climatiques ne sont pas quelque chose qui va se produire dans le futur. Ils se produisent actuellement. Ils se produisent depuis des décennies, en particulier dans les pays les plus vulnérables du Sud. Bon nombre de ces communautés n’ont aucunement contribué à la crise climatique, mais ce sont elles qui subissent le plus durement ses effets néfastes. Elles ont besoin d’être soutenues par des ressources afin de pouvoir s’adapter à ces impacts. C’est ce dont nous parlons lorsque nous évoquons le financement de l’adaptation.
Et encore une fois, ce sont les pays riches du Nord, qui ont provoqué cette crise, qui sont responsables de fournir ce soutien. Nous avons obtenu, en théorie, un triplement du financement de l’adaptation lors de cette COP. Mais si vous regardez le texte réel, il est vraiment ambigu. Ainsi, les pays développés, menés par l’UE, ont supprimé la base de référence. Il était prévu que l’adaptation triple d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2025. Ils ont supprimé la base de référence, de sorte qu’il n’est plus fait référence aux niveaux de 2025, et nous ne savons donc pas à partir de quoi nous allons tripler. Et ils ont repoussé la date limite de 2030 à 2035, soit dans dix ans. C’est une échéance interminable pour les communautés qui subissent déjà de plein fouet les conséquences des changements climatiques.
AMY GOODMAN : Appelez-vous à l’interdiction des lobbyistes des énergies fossiles ?
BRANDON WU : Oui, absolument.
AMY GOODMAN : Au sommet des Nations Unies sur le climat ?
BRANDON WU : Absolument. Vous savez, nous pouvons critiquer ce processus de différentes manières. Cela fait 30 ans. Il n’a pas répondu à nos besoins. Cela tient en grande partie à la présence, comme vous le dites, des lobbyistes des énergies fossiles à ces négociations. Ce sont donc les lobbyistes des énergies fossiles. Ce sont les gouvernements intransigeants du Nord. Et s’ils sont si intransigeants, c’est en partie à cause de ces lobbyistes des énergies fossiles qui ont leur oreille. Donc, oui, absolument, ils n’ont pas leur place dans des négociations qui visent à résoudre la crise climatique, ce qui implique de se débarrasser complètement des énergies fossiles.
AMY GOODMAN : Brandon, pouvez-vous nous parler de la Déclaration de Belém ? J’aimerais également connaître l’avis de Jonathan à ce sujet. D’un côté, la COP30 ne mentionne pas les énergies fossiles. Mais je pense que Lula, le président brésilien, se concentrera, comme il l’a fait lorsqu’il s’est rendu au G20 ce week-end, sur ce qu’on appelle la Déclaration de Belém. Pouvez-vous nous expliquer cela ?
BRANDON WU : La Déclaration de Belém est essentiellement une coalition de pays qui souhaitent, ou du moins disent vouloir, abandonner les combustibles fossiles et qui sont frustrés par les négociations climatiques de l’ONU, car il s’agit d’un processus fondé sur le consensus, ce qui permet à certains pays de bloquer les progrès. Ils veulent donc sortir de ce processus et aller de l’avant dans l’élimination progressive des combustibles fossiles avec une sorte de coalition des volontaires, si je peux utiliser ce terme. Il s’agit donc d’une évolution vraiment passionnante. C’est le genre d’énergie dont nous avons besoin. Vous savez, nous avons besoin de toutes les initiatives possibles pour éliminer progressivement les combustibles fossiles et, j’ajouterais, pour mettre fin à la déforestation. C’est en quelque sorte la deuxième partie de ce processus, que vous avez heureusement mentionnée, mais que beaucoup de gens oublient : éliminer progressivement les combustibles fossiles et mettre fin à la déforestation. Et nous avons besoin de toutes les initiatives possibles, de toutes celles que nous pouvons obtenir. Le fait qu’ils aient lancé quelque chose en dehors de la COP est donc une évolution passionnante.
Je suis également heureux que Jonathan ait mentionné l’évolution encourageante qui s’est également produite dans le cadre du processus de la COP, à savoir la discussion sur la transition juste. Il s’agit de savoir comment nous pouvons réellement passer d’une économie basée sur les combustibles fossiles sans laisser pour compte les communautés, les travailleuses et travailleurs et les citoyen·nes ordinaires. Nous avons fait quelques progrès à cet égard lors de cette COP, ce qui atténue un résultat qui aurait autrement été très mauvais. Et je ne pense pas que nous aurions obtenu ce résultat si les États-Unis avaient été présents.
AMY GOODMAN : Jonathan Watts, vous avez mentionné la forte présence des peuples autochtones. Je pense que près d’un millier d’entre eux étaient accrédités. Des milliers d’autres se trouvaient à l’extérieur, mais ceux qui tentaient d’entrer ont été violemment réprimés. Vendredi dernier, les chefs autochtones ont même réussi à interrompre la COP pendant quelques heures. Mais je voudrais parler des dangers auxquels sont confrontés les peuples autochtones et leurs allié·es, qui défendent leurs terres et leurs ressources en eau. Vous êtes l’éditeur du livre — et je me suis rendu dans une librairie à Belém la semaine dernière, où vous, ainsi que d’autres, avez pris la parole — How to Save the Amazon (Comment sauver l’Amazonie), un livre de Dom Phillips, journaliste au Guardian. À un moment donné, je crois, il était journaliste au Guardian, et il a été assassiné, avec le Brésilien Bruno Pereira, alors qu’ils enquêtaient sur ce qui se passait en Amazonie. Pouvez-vous nous parler des dangers auxquels ces personnes sont confrontées ? J’aimerais ensuite aborder la situation actuelle de Bolsonaro et la manière dont il a permis tout cela, lui qui est sur le point d’aller en prison, lui que le président Trump a défendu, l’ancien président du Brésil. Mais commençons par les dangers auxquels les gens sont confrontés.
JONATHAN WATTS : Bien sûr. Environ 200 défenseurs et défenseuses de l’environnement sont tué·es chaque année dans le monde. C’est un bilan incroyable. C’est le bilan d’une guerre. Et c’est une guerre contre la nature.
Dom Phillips, qui travaillait pour The Guardian, mais qui était également pigiste pour The Washington Post et de nombreuses autres organisations, voulait écrire un livre dans lequel il demandait à autant de personnes que possible comment sauver l’Amazonie, afin d’essayer de comprendre, avec beaucoup d’humilité. Il a découvert à quel point c’était dangereux lorsqu’il voyageait avec un expert autochtone brésilien appelé Bruno Pereira, qui avait travaillé pour le gouvernement et avec les populations autochtones pendant longtemps, et qui a été pris pour cible et tué. Dom en a été témoin et en a payé le prix. Cette affaire a beaucoup attiré l’attention parce que Dom avait beaucoup d’amis journalistes, et parce que, franchement, il venait du Nord. Mais ce genre de cas se produit tout le temps. Souvent, ils ne sont pas signalés. Très souvent, ce sont des personnes autochtones qui sont tuées.
Pour en revenir un peu à la conférence, il y avait une sorte de contradiction. Il y avait plus d’autochtones que jamais, notamment du Brésil qui a pour la première fois un ministre autochtone, et de nombreux dirigeant·es autochtones de haut rang se trouvaient dans la zone bleue, la principale zone de négociation. Mais ils et elles n’étaient pas là pour les discussions finales. Et c’est quelque chose qui doit vraiment changer, afin que les personnes en première ligne, celles qui connaissent le mieux la forêt et les autres biomes, soient représentées et que leur voix soit entendue lorsque ce genre de décisions est pris.
AMY GOODMAN : Nous allons consacrer une autre émission à How to Save the Amazon, ce livre qui vient de paraître. Mais je voulais demander à Brandon Wu, à votre retour de Belém, où vous pensez que vont les mouvements mondiaux pour faire face à la catastrophe climatique. Et quelle est l’importance de cette réunion en Colombie qui aura lieu dans quelques mois, sous la direction de Petro, le président colombien ? Elle sera organisée en collaboration avec un pays du Nord, les Pays-Bas, qui en sera le sponsor. Parlez-nous de l’importance de cet événement.
BRANDON WU : Je pense que c’est vraiment important. Je pense que l’initiative de la Colombie, l’initiative du président Petro, à cet égard est vraiment admirable. Et je pense également que rien de tout cela ne se produira sans une plus grande ambition et un financement accru de la part des grands pays du Nord, y compris les États-Unis. Il est évident que la situation politique est difficile. La politique est difficile partout.
Mais ici, aux États-Unis, je pense que ce que Trump a fait au cours de l’année écoulée a vraiment montré que ce que les États-Unis et d’autres pays riches ont répété pendant 30 ans dans ces négociations, à savoir que nous n’avons pas les moyens financiers d’aider les pays du Sud à opérer une transition mondiale loin des énergies fossiles, n’est qu’un mensonge. N’est-ce pas ? Nous nous sommes battus bec et ongles pour obtenir 100 milliards de dollars par an, ce qui était l’objectif initial pour les fonds climatiques versés par les pays du Nord aux pays du Sud. Le nouvel objectif est désormais de 300 milliards de dollars. C’est encore beaucoup trop peu. Mais vous savez, la réponse des États-Unis et de l’UE a été : « Nous n’avons tout simplement pas les moyens ». Mais cette année, nous avons vu l’administration Trump sortir comme par magie 200 milliards de dollars pour l’ICE et le CBP, n’est-ce pas ? Nous avons toujours réussi à trouver beaucoup d’argent pour Israël. Notre budget militaire avoisine le billion de dollars. Nous subventionnons les combustibles fossiles à hauteur de dizaines de milliards de dollars. Il est tout simplement faux de dire que l’argent n’est pas là. Et je pense qu’il est en fait très utile que cette administration montre à quel point c’est un mensonge.
Donc, pour répondre à votre question sur le rôle des mouvements, je pense que nos mouvements, en particulier dans les pays riches et développés, doivent vraiment faire pression sur nos gouvernements pour qu’ils montrent que l’argent est disponible. C’est simplement la volonté politique qui fait défaut, et c’est à nous de changer cela.
AMY GOODMAN : Je voudrais terminer en vous posant une question sur l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro, Jonathan. Il vient d’être arrêté ce week-end après qu’il ait été prouvé qu’il avait trafiqué son bracelet électronique alors qu’il était assigné à résidence. Cette arrestation a été ordonnée par le juge de Moraes de la Cour suprême brésilienne, qui craignait que Bolsonaro ne tente de s’échapper de son domicile quelques jours avant de purger une peine de 27 ans de prison, prononcée en septembre pour avoir fomenté un coup d’État militaire et un assassinat contre l’actuel président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva. Pouvez-vous nous parler de l’importance de ce qui s’est passé ? Son fils appelait les Brésilien·nes à se rassembler devant la résidence et à se battre. On craignait que, dans le chaos, il ne s’échappe vers, quoi, l’ambassade américaine ou l’ambassade argentine. Pourquoi ne résumeriez-vous pas l’importance de ce moment, même en termes de changement climatique ?
JONATHAN WATTS : C’est extrêmement important. Nous sommes engagé·es dans une bataille mondiale entre celleux qui veulent préserver l’habitabilité de la planète et celleux qui veulent simplement l’exploiter jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Et le Brésil est l’un des États en première ligne. Les pays du Sud sont les plus touchés par ce phénomène. Les pays du Nord ont une responsabilité bien plus grande et devraient en faire beaucoup plus. Ce sont les politicien·mes d’extrême droite, dont Bolsonaro, Jair Bolsonaro, est l’une des figures de proue, du moins en Amérique latine, qui font avancer ce programme extractiviste, quoi qu’il arrive. Cela les conduit très souvent vers l’autoritarisme. Et nous le voyons maintenant, bien sûr, aux États-Unis également.
Je pense donc qu’il est extrêmement significatif que les tribunaux brésiliens soient intervenus et aient mis Jair Bolsonaro derrière les barreaux. Et ce qui est vraiment important, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de Jair Bolsonaro. Plusieurs généraux de haut rang de l’armée brésilienne ont également été condamnés. Et c’est tellement historique. Ce n’est qu’en 1985 que le Brésil a connu une dictature militaire. Après cela, il y a eu une sorte d’amnistie, [inaudible]...
AMY GOODMAN : Il nous reste 30 secondes.
JONATHAN WATTS : Oh, d’accord. Écoutez, il est vraiment important que lorsque des gens enfreignent les règles, ils soient punis pour cela, et que quelqu’un comme Jair Bolsonaro, qui, pendant son mandat présidentiel, a supervisé la plus grande destruction de l’Amazonie de toute présidence récente, ne soit pas au-dessus des lois, qu’il n’y ait pas d’impunité. Mais il y aura une riposte. Vous pouvez être sûr que ce n’est pas fini.
AMY GOODMAN : Jonathan Watts, je tiens à vous remercier d’être avec nous, journaliste environnementaliste international pour The Guardian, en direct de Belém, au Brésil, où s’est tenue la COP des Nations unies, ainsi que Brandon Wu, directeur des politiques et des campagnes chez ActionAid USA, qui vient de rentrer de Belém. Je suis Amy Goodman, moi aussi de retour de Belém.
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre











Un message, un commentaire ?