Le problème des classes sociales dominantes se pose inévitablement quand on traite de la question nationale québécoise.
Une partie de la gauche sociale (surtout celle d’obédience marxiste) commet souvent une erreur quand elle en traite : celle de ne faire de cette dernière qu’une querelle entre deux « bourgeoisies » : la souverainiste et la fédéraliste. La première voudrait disposer d’un État souverain et la seconde tient à préserver l’État canadien avec le Québec dedans.
Cette manière de présenter les choses n’est pas tout à fait erronée. On doit admettre que chaque camp, souverainiste comme fédéraliste, possède à sa tête des leaders bourgeois.
Mais cela n’explique pas pourquoi la lutte qui oppose ces deux camps crée un tel retentissement au sein de la population et qu’elle rallie de larges pans de cette population.
Elle ne rend pas compte du caractère aigu de la lutte politique qui les oppose.
Certains analystes parlent, dans la foulée du marxisme, « d’intoxication idéologique » pour expliquer l’engagement de plusieurs travailleurs et travailleuses dans ce combat.
Je me méfie de cette tendance à voir les gens comme des « zombies » manipulés par des prestidigitateurs maléfiques, comme s’ils étaient incapables de toute autonomie intellectuelle. Ils adhèrent à l’un ou l’autre camp en toute liberté. Ce processus ne relève pas que d’intérêts économiques et sociaux.
Cela équivaut aussi à trop simplifier la situation. Les sondages nous révèlent par exemple bon nombre d’indécis, mais aussi d’indépendantistes mous et incertains ; même du côté fédéraliste, l’esprit critique est présent dans le débat.
Surtout, une nation (quelle que soit la définition qu’on en donne) n’est pas qu’un empilement de classes sociales. Le nationalisme ne relève pas de l’imposture. Il représente un facteur fondamental d’identité pour une collectivité, il sert de point de ralliement pour ses membres. Il exprime une façon d’être unique qui entraîne une manière spécifique de se voir soi-même et le reste du monde. On n’est pas que Québécois c’est entendu (on est aussi ouvrier, fonctionnaires, brasseur d’affaires, etc.), mais il s’agit quand même d’une référence fondamentale, ce qui permet de comprendre l’acuité de l’antagonisme entre indépendantistes, qui veulent faire du Québec un État souverain, et fédéralistes (du moins ceux de la tendance trudeauiste), qui se conçoivent comme Canadiens français et tiennent mordicus à préserver cette identité. Il ne faut pas oublier non plus la tendance autonomiste, qui veut tenir le milieu entre indépendantistes et fédéralistes centralisateurs.
On observe donc une nation à trois têtes : une fédéraliste de stricte obédience, une autre souverainiste et une troisième fédéraliste autonomiste. D’où le dialogue confus et parfois furieux entre ces « têtes à Papineau ».
Tout un méli-mélo !
Jean-François Delisle
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