Édition du 23 avril 2024

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Arts culture et société

La fin du monde est en osti

Stopstopstop éditeur vient de publier La fin du monde est en osti, recueil d’aphorismes et de poèmes de Saint-Claude.

La fin du monde est en osti, ça veut dire quoi ?
En Québécois, être en osti c’est être en colère, très en colère. C’est un refus de l’inévitable, une prise de position contre les conditions qui nous écrasent, contre la vie qui n’en peut plus.

Et ça parle de quoi ?
Ça parle beaucoup de nos peurs et de nos tentatives pour les surmonter. Ça parle de notre soulèvement individuel et collectif pour s’emparer du pouvoir. Ça parle de nos relations maganées, de nos amours à retardement, de nos élans pour être un autre. C’est un livre de combat, un livre d’amour, un livre qui s’efface devant la transformation qu’il veut provoquer.

Pourquoi un livre de voyages ?
Ce sont des idées qui ont surgi dans mes déplacements. En s’échappant des contraintes quotidiennes, on parvient parfois à voir plus et plus loin, à vouloir davantage. Même pour un instant. Voyager c’est aussi aller vers l’inconnu, c’est faire l’expérience de la nouveauté.

Comment le livre a-t-il vu le jour ?
Dans ces voyages justement, où on note ces idées qui nous soulèvent, ces moments de clarté qui surviennent et nous surprennent. Des écrits nés dans ces espaces de libertés provisoires que j’ai vécus depuis une trentaine d’années.

Pourquoi avoir décidé de le publier ?
Pour prolonger ces états de pouvoir. Pour normaliser ce qui nous a d’abord semblé bizzare. Pour multiplier et partager ces appels aux libérations personnelles et donc collectives.

Mais ce sont des expériences personnelles que vous avez consignées ?
Dans ce livre, on établit d’abord qu’entre le je et le nous, il n’y a dorénavant plus rien. Les expériences dites personnelles ne le sont que superficiellement. Ce n’est pas vraiment un choix. Nous sommes les produits des uns et des autres et, à notre tour, nous produisons les uns les autres.

C’est un livre politique ?
C’est un livre qui veut du pouvoir pour moi et pour nous qui n’en avons pas assez. La scrap prolétarienne dont je suis et dont je parle, c’est avant tout quelqu’un qui subit, mais c’est aussi quelqu’un qui refuse de subir. C’est un livre de refus. Un livre qu’on lit à petites doses et qu’on relit quand on oublie de refuser, quand on s’oublie ou quand on nous force à oublier.

Êtes-vous nationaliste ?
Je suis internationaliste et donc pour l’indépendance du Québec, pour la souveraineté des peuples autochtones, pour la fin des occupations des grandes puissances. Le peuple québécois n’est que l’un des peuples, et pas le pire, qui n’ont pas encore totalement réglé leurs comptes avec les colonialismes, qu’ils soient américain, british, français ou autres. Mais ce n’est qu’un élément de notre libération qui est, comme partout, une lutte contre notre dépossession en tant que classe.

Ça fait un peut soixante-huitard, non ?
Notre vie entière est limitée par notre dépossession et notre absence de pouvoir, par les peurs qui nous retiennent au sol. Nous sommes continuellement confrontés à cette absence de pouvoir et à ces peurs, même dans nos amours, nos actes quotidiens, nos conditions de vie, nos aspirations et nos désirs. On a pas le choix. Nos soulèvements sont obligatoires.

Vous parlez beaucoup politique, mais la poésie dans tout ça ?
Si la poésie recherche la nouveauté, si elle est tentative de s’élever, si elle capture ce qui nous pousse à l’aventure, alors elle en vaut la peine. Les poètes n’ont pas tous ou toutes les mêmes positions politiques. Mais si ils et si elles expriment cette part d’eux-mêmes qui est refus du monde existant, normal et mortel, si ils et elles s’échappent de leurs contraintes, leurs écrits risquent de contribuer à notre émancipation, à libérer nos imagination et nos émotions retenues prisonnières.

Comment décririez-vous votre style ?
Je ne lis pas beaucoup, ou alors qu’un peu à la fois. Alors dans ce livre, il y a un peu de tout, mais seulement un peu. Ce n’est pas un livre qui se lit du début à la fin. C’est un livre de poche qu’on transporte avec soi. On peut n’y jeter qu’un coup d’oeil de temps en temps. L’important c’est de le faire souvent.

Quelles sont vos influences ?
Mon expérience de colonisé et de dépossédé d’abord. Ma mère et beaucoup de femmes qui m’ont
appris à communiquer. Ensuite, pour les livres et les chansons : Leclerc, Forestier, Saint-Denys Garneau, Gauvreau, Lalonde, Césaire, Vanier, Yvon, Piotte, Vallières. C’est leur façon directe et sobre et pourtant explosive que je retiens.

Vous l’avez écrit pour qui ce livre ?
Pour moi d’abord, pour me donner le courage de continuer, pour acquérir de la clarté aussi. Et puis, j’espère que les jeunes générations le trouveront intéressant, inusité et stimulant. Mais il faut vouloir changer la vie pour s’y intéresser vraiment. Ou peut-être donnera-t-il le goût de changer la vie, sa vie.

Saint-Claude, c’est vraiment votre nom ?
Mieux vaut être un saint qu’un sans desseins. Et puis, c’est pratique d’être un saint. Ça nous rapproche des étoiles filantes.

Entrevue réalisée à Londres.

Saint-Claude

*L’ouvrage est aussi disponible en visitant www.stopstopstop.net et chez certains dépositaires, dont les librairies Le port de tête, Zone Libre, La flèche rouge et l’Insoumise, Librairie du Square à Montréal et la librairie Pantoute à Québec.

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