Édition du 23 avril 2024

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Afrique

La justice algérienne, une machine de guerre contre toute opposition

L’appareil judiciaire algérien est activé au fur et à mesure de l’approche de la date de l’élection présidentielle prévue pour la fin de l’année 2024. Il s’agit de réprimer toute initiative émanant de la société civile, des acteurs politiques, ou de la part de toute contestation défiant le pouvoir militaire.

Tiré de MondAfrique.

La mobilisation populaire (ou Hirak) qui a débuté le 22 février 2019, a ébranlé les structures apparentes du système. Des fissures sont vite apparues sur sa façade mettant en doute la solidité de son architecture. Le consensus imposé jusqu’au départ de Bouteflika en 1999 a ainsi volé en éclat. Le chef d’état-major, Gaid Salahactive l’appareil judiciaire pour neutraliser ses adversaires. Les vidéos montrant le transfert en détention du général Mohamed Medienne, alias « Toufik », véritable patron de l’Algérie pendant un quart de siècle, et Said Bouteflika, le frère de l’ex Président, tournaient en boucle sur les chaînes d’informations. La logique des purges est enclenchée.

Le vent tourne

Après le décès de Gaïd Salah, qui disparait soudainement à la fin de 1999 dans des circonstances non éclaircies, le vent toune. Le général Toufik et ses amis reviennent aux commandes du pouvoir dans le sillage d’un nouveau chef d’état major, le général Chengriha qui tente,mais sans grand succès, de refonder un consensus au sein de l’institution militaire. Un chapelet d’officiers liés au clan du général Gaid Salah sont arrêtés et incarcérés à la prison militaire de Blida. On peut citer quelques poids lourds parmi ces gradés : Abdelkader Lachkham, qui a facilité la carrière de l’actuel président Tebboune et qui a obtenu que « Mondafrique » soit censuré en Algérie, Abdelhamid Ghrisse ou Ouassini Bouazza ….. ).

L’assainissement opéré au sein des corps constitués (armée, service de sécurité) depuis l’élection du président Tebboune s’accompagne d’une politique répressive contre toute voix contestataire

Le silence imposé au médias

Lors de son interview à El Jazzera, le présent Tebboune s’est enorgueilli du nombre de la pléthore d’organes médiques opérant dans le pays (presses écrites, télévisions) mais traite toute voix discordante d’indicateur de l’étranger. Les cas de Khaled DRARNI et Kadi Ihsane restent de mémoire les plus caractérisés. Le journaliste Kadi Ihsan, patron d’un média indépendant, que le parlement européen vient d’interpeller le pouvoir algérien sur son sujet, est le plus révélateur. Il fait les frais de s’être introduit, à travers une proposition, sur le déroulement de la prochaine élection présidentielle en proposant un candidat du consensus contre le candidat naturel du pouvoir. La critique d’un éventuel passage du président Tebboune pour un second mandat, qu’il considère d’une « dérive à la Bouteflika », est perçue contre une provocation de trop.

La justice, ainsi que la presse sous contrôle, sont activées pour imposer la voie d’un mandat « pour la stabilité » selon les courtisans du pouvoir. La justice est activée avec des accusations de « connivence avec des puissances étrangères en vue de déstabiliser le pays ». Une condamnation expéditive est pronocée contre le patron de Radio M que le pouvoir veut faire passer comme exemple à toute initiative similaire. Réduit au silence, son confrère, Khaled Drarni, représentant légal du RSF, est toujours sous le coup d’une ISTN, qui est légalement d’une durée de 3 mois et renouvelable une seule fois. Elle est en vigueur depuis Mars 2020. Bien qu’il ait été récemment reçu à la présidence lors de la célébration de la journée de la liberté presse en Algérie, ses déplacements à l’étranger sont interdits. Mondafrique renouvelle son soutien aux journalistes incarcérés et appelle à leur libération. (Voir : https://mondafrique.com/algerie-le-proces-du-journaliste-ihsane-el-kadi/)

Le silence imposé au général Ghediri

A un mois de la fin de sa condamnation de 4 années de prison, la justice est convoquée pour mettre à jour la neutralité du général major, Ali Ghediri, de l’élection présidentielle du 2024. Libérable le 12 juin prochain, l’appareil judiciaire vient d’instruire un procès en appel en aggravant sa condamnation à 4 ans de prison en la portant à 6 ans de réclusion suivie d’une privation de 5 ans de ses droits civiques. Le timing de l’activation de la justice et l’approche des présidentielles sont un secret de polichinelle.

Le corps du crime est vite retrouvé, une interview accordée au journal El Watan le 25 décembre 2018 où il y figure des propos, selon l’interprétation des juges, portant atteinte au moral de l’armée. À un mois de la sortie, on retrouve des déclarations exploitables pour les circonstances. La chambre criminelle près de la cour d’Alger l’a reconnu coupable de « participation en temps de paix, à une entreprise de démoralisation de l’armée dans le but de nuire à la défense nationale ». Le mobile est vite trouvé.

Pourtant, le général Ghediri est issu des sérails de l’armée et ayant évolué au cœur du système militaire en occupant la fonction du directeur des ressources humaines au sein du ministère de la défense. L’aggravation de la peine n’a de but que de baliser la voie d’un second mandat dont l’ombre d’un consentement entre les différents clans prend forme progressivement. Reste, les modalités de sa mise en œuvre car le besoin de stabilité est une question de survie pour le système.

Le silence imposé aux militants politiques

Les autres acteurs politiques susceptibles d’interférer dans la prochaine présidentielle sont neutralisés à travers un harcèlements judiciaire maintenu. Les figures du Hirak sont soit sous contrôle judiciaire soit incarcérées. Le militant politique Karim Tabou en a fait les frais d’une incarcération et une salve de convocation pour enfin être mis sous contrôle judiciaire. Foudil Boumala est dans un cas similaire. La restriction de l’activité politique se limite au porte voix du pouvoir tels que Abdelkader Bengrina, Sofiane Djillali, et consorts.

Même le leader islamiste, Ali Belhadj, a été convoqué le 14 mai pour lui signifier les trois interdits à savoir la limite de ses déplacements à sa commune, ne pas s’exprimer dans les médias nationaux et internationaux, et ne pas s’afficher sur les réseaux sociaux. Ces derniers jours, un nombre significatif des militants du hirak ont vu leur peine aggravée et d’autres réduite. Le système joue au chat et à la souris avec les militants de base. Mais, condamne sévèrement d’autres comme Mustapha Bendjamaâ, Raouf Ferrah, Nabil Mellah, et d’autres détenus politiques incarcérés pour leur opinion.

Le silence imposé à Issad Rebrab

En Algérie, les hommes d’affaires sont liés à des clans évoluant au sein du système. La garde prétorienne affairiste du régent Said Bouteflika – les Heddad, Tahkout, Kouninef, Mohammed Bayri- est sous les verrous. Beaucouo d’entre eux sont soumis à une ISTN (interdiction de sortie du territoire).

On apprend de la page Facebook de Said Bouddour de la mise sous contrôle judiciaire de l’homme d’affaire Issaâd Rabrab. Pourtant l’homme avait déclaré qu’il s’est mis à la retraite des affaires et qu’il a cédé la gestion de son groupe industriel à ses enfants. Or, ce n’est l’activité dans le monde des affaires qui dérange les détenteurs du pouvoir réel mais les connexions de l’homme d’affaire avec ertains clans de l’ancien état profond et sa promiscuité avec les milieux politiques étrangers et notamment français.

Les prochaines élections présidentielles deviennent un enjeu capital dont la réussite dépend du niveau de maîtrise de tous les segments pouvant interférer dans le processus.

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