25 juin 2025 | tiré de Viento sur
https://vientosur.info/la-posicion-de-africa-en-el-nuevo-orden-mundial/
Le Soudan reste pris au piège d’une guerre dévastatrice entre les forces armées soudanaises et les forces paramilitaires de soutien rapide. C’est un conflit qui a déplacé des millions de personnes et qui s’est en même temps internationalisé, l’Égypte et les Émirats arabes unis soutenant des camps opposés.
Les élections de 2024 au Mozambique ont été l’un des exemples les plus clairs de ce déclin, lorsque le parti au pouvoir, le Frelimo, a été proclamé vainqueur d’un processus condamné par de nombreuses personnes comme étant frauduleux. Le chef de l’opposition Venâncio Mondlane, candidat du parti Podemos nouvellement créé, a accusé le gouvernement d’avoir orchestré une manipulation électorale massive, avec des décomptes parallèles des votes indiquant qu’il avait effectivement remporté les élections. Le parti au pouvoir a réagi aux manifestations de masse en déclenchant une violente répression. Ce faisant, il a poursuivi sa tendance à réprimer la dissidence politique et à maintenir son contrôle par des moyens de plus en plus autoritaires.
La perte de légitimité de ces gouvernements de l’ère de la libération ne se limite pas au Mozambique. En Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC) a perdu sa nette majorité pour la première fois depuis 1994, ne remportant qu’environ 40 % des voix aux élections de 2024. Après des décennies de domination politique, le parti fait maintenant partie d’une coalition difficile et extrêmement fragile avec l’Alliance démocratique (DA), un parti avec lequel il a longtemps rivalisé. Cela a forcé l’ANC à gouverner à partir d’une position plus centriste, limitant sa capacité à développer des politiques auxquelles sa base traditionnelle pourrait s’attendre.
Alors que certains secteurs de l’ANC considèrent cette coalition comme une concession nécessaire pour maintenir la stabilité, d’autres la qualifient de trahison de la mission historique du parti, notamment en raison de l’orientation politique néolibérale de la DA. Les conséquences de ces événements restent à voir : elles dépendront de la persistance du gouvernement de coalition, de la poursuite de la fracture de l’ANC ou de la force des mouvements d’opposition en dehors du processus électoral officiel.
Le déclin de l’ANC fait partie d’une tendance plus large en Afrique australe, où le Zanu-PF du Zimbabwe s’enracine au pouvoir par des moyens répressifs plutôt que par le soutien populaire, en utilisant le pouvoir judiciaire et la commission électorale pour bloquer toute contestation de l’opposition. Pendant ce temps, la Swapo en Namibie et le BDP au Botswana ont été confrontés à des revers électoraux sans précédent (le BDP a perdu une élection pour la première fois depuis l’indépendance), ce qui indique que même les partis au pouvoir autrefois stables ne sont plus assurés d’une victoire électorale facile. L’émergence de ces changements indique que leurs références autrefois puissantes en tant que partis libérateurs ne sont plus suffisantes pour obtenir un mandat gouvernemental suffisant.
Conflit
L’affaiblissement de ces gouvernements s’inscrit dans un contexte d’aggravation des conflits et d’instabilité dans d’autres parties du continent.
Le Soudan reste empêtré dans une guerre dévastatrice entre les forces armées soudanaises et les paramilitaires des Forces de soutien rapide. Ce conflit a déplacé des millions de personnes et est progressivement devenu international, l’Égypte et les Émirats arabes unis soutenant des camps opposés. La guerre a non seulement aggravé l’effondrement économique du Soudan, mais elle constitue également une menace pour la stabilité régionale, avec des retombées au Tchad, au Soudan du Sud et en Éthiopie.
La République démocratique du Congo (RDC) continue de lutter contre les insurrections armées, en particulier le M23 soutenu par le Rwanda, qui exacerbe les tensions régionales. Les accusations d’ingérence transfrontalière contribuent à la détérioration des relations diplomatiques.
Ces crises ne sont pas isolées, mais reflètent un échec plus profond de la gouvernance à travers l’Afrique, où, dans de nombreux cas, l’État est incapable de résoudre les griefs sociaux et économiques sans recourir à la violence.
L’effet Trump
Au milieu de toutes ces crises, l’Afrique doit aussi faire face au changement de l’ordre international. Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a déjà commencé à remodeler les relations de l’Afrique avec les États-Unis. Il y a eu un changement en faveur d’une relation plus transactionnelle et d’un accent renouvelé sur la sécurité plutôt que sur le développement. L’une des premières grandes mesures de politique étrangère de Trump a été l’élimination de l’aide au développement avec le démantèlement de l’USAID et le retrait du financement de programmes de santé cruciaux, y compris le Plan d’urgence du président américain pour la lutte contre le sida (PEPFAR). Des millions de personnes n’ont donc pas accès au traitement du VIH et à d’autres services essentiels.
Cela s’est fait sentir de manière plus aiguë dans les pays où les systèmes de santé sont déjà mis à extrêmement rude épreuve, ce qui exacerbe les crises de santé publique qui pourraient avoir des effets déstabilisateurs à long terme. Le gouvernement américain justifie ces coupes par des arguments typiques de son idéologie America First, qui considère l’aide étrangère comme une dépense inutile et non comme un investissement stratégique dans la stabilité.
Et cela a coïncidé avec un durcissement de la politique américaine en matière de migration. Le gouvernement envisage d’interdire l’octroi de visas d’entrée qui pourraient affecter des dizaines de pays africains en limitant l’accès des étudiants, des travailleurs et des touristes. Cette approche n’est pas sans rappeler la fermeture des frontières de la première présidence de Trump. Cela annonce un approfondissement de l’isolement des États-Unis par rapport à l’Afrique, traitant le continent davantage comme un risque pour la sécurité et une source non souhaitée d’immigrants que comme un partenaire diplomatique ou économique.
Trump et l’Afrique du Sud
L’hostilité manifestée par l’administration américaine à l’égard de l’Afrique du Sud a été particulièrement choquante. Trump a expulsé l’ambassadeur sud-africain et imposé des sanctions en réponse à la politique d’expropriation des terres et aux positions de politique étrangère de Pretoria, notamment sa volonté de tenir Israël responsable du génocide qu’il commet à Gaza. Le gouvernement américain maintient que cela implique de la sympathie pour le Hamas et l’Iran.
Ces mesures punitives reflètent le malaise général du trumpisme à l’égard des gouvernements qui remettent en question l’hégémonie américaine, en particulier ceux du groupe des BRICS. En qualifiant les positions politiques de l’Afrique du Sud d’« anti-américaines », Trump a effectivement rompu l’une des relations diplomatiques les plus importantes entre les États-Unis et une puissance africaine. Cela s’inscrit également dans la volonté générale de sa présidence de privilégier les États autoritaires de droite et d’isoler les gouvernements qu’il considère comme de gauche ou indépendants.
Les États-Unis, la Chine et les ressources africaines
En même temps, le gouvernement de Trump cherche à établir un type de relation différent avec certains pays africains, notamment en ce qui concerne les ressources. Il négocie actuellement un traité sur les minéraux stratégiques avec la République démocratique du Congo (RDC). Il propose une assistance militaire en échange d’un accès exclusif à des minéraux critiques, indispensables aux industries de pointe des États-Unis, en particulier le secteur technologique et l’industrie militaire. L’accord garantirait aux entreprises américaines un contrôle étendu sur l’extraction du cobalt et d’autres minéraux essentiels. Cela reflète un changement dans la stratégie des États-Unis, qui remplacent l’aide au développement par une extraction économique directe.
Le gouvernement américain affirme que cette collaboration contribuera à stabiliser la RDC en lui apportant une aide en matière de sécurité. Les critiques, quant à elles, estiment que cette démarche risque d’intensifier une dynamique néocoloniale en donnant la priorité à l’extraction des ressources plutôt qu’à un véritable développement économique.
La politique de la Chine à l’égard de l’Afrique est elle aussi en mutation. Pendant deux décennies, Pékin a été le principal partenaire économique du continent, finançant des infrastructures et commerçant à une échelle bien supérieure à celle de toute autre puissance étrangère. Cependant, avec le ralentissement de l’économie chinoise, sa disposition à accorder des prêts importants aux gouvernements africains s’est réduite. Des pays comme la Zambie et le Kenya, lourdement endettés envers la Chine, subissent déjà les pressions de cette nouvelle stratégie de crédit. Il semble que l’époque où la Chine offrait des facilités de financement pour de grands projets d’infrastructure touche à sa fin.
Cela place les pays africains dans une position précaire. De nombreux gouvernements, qui ont structuré leur économie autour d’investissements chinois continus, peinent désormais à s’adapter à cette nouvelle réalité. Ce changement réduit les options de financement extérieur pour l’Afrique, d’autant plus que les institutions financières occidentales imposent elles aussi des conditions de plus en plus strictes pour l’octroi de prêts, en particulier aux pays fortement endettés.
Une nouvelle politique est-elle possible ?
Pour les gouvernements africains, ces changements soulèvent des questions difficiles en matière de stratégie politique et économique. Le déclin des mouvements de libération nationale n’a pas encore conduit à l’émergence d’alternatives progressistes viables. Les partis d’opposition à travers la région défendent pour la plupart des modèles de gouvernance néolibéraux au lieu d’articuler de nouvelles approches de transformation économique. Plutôt qu’un tournant clair vers un renouveau démocratique, une grande partie du continent semble tiraillée entre la montée de la répression étatique et la fragmentation des oppositions. Beaucoup de partis d’opposition, bien qu’ils critiquent les gouvernements en place, n’ont pas été en mesure de proposer des programmes économiques rompant avec le paradigme néolibéral dominant. Cela signifie que, même dans les pays où les partis au pouvoir subissent un déclin électoral, il y a peu d’éléments laissant croire que leur remplacement transformerait réellement le paysage politique ou économique.
Bien que des mouvements impliqués dans des luttes syndicales ou communautaires continuent de revendiquer un changement, leur capacité à remettre en cause les structures de pouvoir établies demeure incertaine. La faiblesse actuelle des alternatives de gauche en Afrique reflète une tendance mondiale plus large, où les forces socialistes et social-démocrates peinent à se réaffirmer dans un monde dominé par le capital financier et le pouvoir des entreprises.
Cependant, il y a des signes que cela pourrait changer. D’un bout à l’autre du continent, les appels à la souveraineté économique se multiplient, à des programmes de renforcement de la protection sociale et aux résistances financières extérieures. Si ces luttes donnent naissance à des formations politiques cohérentes, elles pourraient jeter les bases d’un nouveau type de politique, une politique qui rompt avec les échecs des partis issus de la libération et les limites des forces d’opposition libérales.
L’ordre politique postcolonial en Afrique est en train de s’effondrer, mais on est loin d’être clair sur ce qui va suivre. L’érosion de la légitimité des partis au pouvoir ne s’est pas encore traduite par une transformation significative du système. Dans de nombreux cas, elle n’a fait qu’ouvrir la porte à de nouvelles formes de manœuvre des élites. En cette période de transition, la véritable bataille ne se limite pas au seul terrain électoral, mais concerne la nature même de l’État, la gouvernance économique et la place de l’Afrique dans un ordre mondial en mutation rapide. Jusqu’à ce que des alternatives émergent pour faire face aux dépendances du continent vis-à-vis de la finance mondiale, de l’extraction des ressources et de la croissance basée sur la dette, l’Afrique continuera d’être soumise à des cycles d’instabilité, avec ou sans les anciens mouvements de libération aux commandes.
02/04/2025
Will Shoki
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