Pourquoi cette résistance ?
Les membres de la FIQ vivent au quotidien depuis de nombreuses années les contraintes imposées par les gestionnaires locaux de leurs établissements. Cela s’est accentué avec la COVID-19, principalement en ce qui concerne le TSO(temps supplémentaire obligatoire) sans compter les congés de maladie de longue durée en augmentation et les postes vacants trop nombreux. Ainsi, plutôt que de valoriser le personnel en place, d’entendre leurs besoins de conciliation travail famille, leur appel à des ratios infirmières-patients, le gouvernement Legault s’est engagé dans une lutte contre ces travailleuses et leur syndicat. Elles doivent s’accommoder des exigences incontournables de flexibilité dictées par la réforme de la santé, la énième en cours où encore une fois, les structures de travail sont modifiées par des gestionnaires qui savent mieux que celles et ceux qui sont sur le terrain ce qui remettra le système de santé sur ses rails.
Non à la flexibilité imposée
Le rejet de l’entente par les membres de la FIQ indique clairement que la solution d’efficience souhaitée par le gouvernement n’améliorera pas leurs conditions de travail. Cette approche dite « Lean management » [1] qui a cours dans le système de santé québécois depuis plus de 10 ans n’a pas apporté les bénéfices escomptés. Les coûts des soins de santé ont augmenté tout comme les contraintes administratives et loin de s’améliorer, la rétention du personnel s’est effritée.
Le premier ministre indiquait cette semaine dans un point de presse que
« … la clé, si on veut vraiment changer le réseau de la santé, c’est qu’il faut changer les ententes avec la FIQ. … Tant qu’on n’aura pas plus de flexibilité pour demander aux infirmières de travailler là où les besoins sont les plus importants, puis ces besoins-là changent continuellement, ça va être difficile d’améliorer de façon importante le réseau de la santé. … Et l’autre chose qui est importante aussi, c’est : Il faut ramener l’équilibre budgétaire sur un certain nombre d’années. Donc, ça va demander des efforts. Ce ne sera pas facile. » [2]
Cette déclaration du premier ministre a de quoi inquiéter. Alors que des clauses de flexibilité existaient dans plusieurs conventions locales, la FIQ a vu l’entente de principe convenue en avril dernier être rejetée par ses membres. « Les professionnelles en soin ne veulent pas de cette mobilité-là, disait la présidente de la FIQ, Julie Bouchard. Les professionnelles en soin ne veulent pas mettre à risque la clientèle, mais aussi leur permis de pratique. » [3]
Mouvements de personnel
Le problème des postes vacants est une situation qui ne semble pas sur le point de se résorber. Les données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) dévoilées le 5 septembre dernier, indiquent que le nombre de postes à temps plein vacants chez les infirmières est passé « d’environ 3500 en 2019 à environ 9900 en 2023 » [4]
Travailler là où les besoins sont les plus importants, tel que l’affirme le premier ministre, sous-entend que tous les postes ne pouvant être comblés, on déplacera une infirmière d’une équipe qui effectue un travail nécessaire pour remplir une vacance ailleurs. Loin de répondre à la demande d’un ratio infirmière-patient, c’est l’introduction du « va où je te le dis » comme au temps de la covid que l’on souhaite introduire dans la convention collective. Nous ne pouvons que constater que la résistance des membres de la FIQ à cette approche patronale est justifiée.
De plus, cette situation risque de se complexifier. La loi 15 permet dorénavant le déplacement volontaire du personnel qui souhaite travailler dans un autre établissement. Cet avantage pour celles et ceux qui perdent un précieux temps de voyagement entre la maison et le travail, permettra le transfert d’une personne vers un autre établissement où un besoin est affiché mais cela laissera un poste vacant difficile à combler dans l’établissement délaissé. Un poste non comblé laisse entrevoir des remplacements obligés et à la clé du TSO.
Tous les postes vacants à temps complet affichés entraineront des mouvements de personnel. Ils se compteront par centaines à la grandeur du Québec.
Salaire contre tâche
Mais, nous objecte le gouvernement, les salaires ont été bonifiés et les autres composantes santé du front commun ont accepté l’entente proposée. François Legault ne semble pas comprendre que des bonifications salariales ne sont pas la principale préoccupation des membres de la FIQ. Ainsi, tel que l’indique l’ISQ, l’augmentation salariale « la plus forte … a été constatée chez les aides-infirmières, les aides-soignantes et les préposées aux bénéficiaires. Leur salaire est passé de 17 $ en 2019 à 24,16 $ en 2023, une hausse de 42 %. [5] Ce sont les bas salariés de la CSN et de la FTQ qui en ont le plus profité. Pour les 80 000 membres de la FIQ, ce sont les conditions de travail qui doivent être améliorées.
Santé Québec, équilibre budgétaire et déséquilibre syndical
La déclaration de François Legault indiquant que les besoins en santé changent constamment ajoutée aux mesures d’austérité qui se mettent en place pour résorber le déficit de 11 milliards$ ne sont pas pour rassurer les membres de la FIQ. Et cela sans compter que sous prétexte de simplifier le processus des embauches et des paies pour le personnel, Santé Québec sera l’unique employeur. Souhaitons que le système de gestion des paies des 350 000 personnes concernées a déjà été testé et qu’il n’y aura pas de ratées lors de sa mise en application. Le gouvernement fédéral s’est déjà cassé les dents sur cette question.
François Legault n’est pas non plus explicite sur les effets qu’aura la mise en place de Santé Québec sur les organisations syndicales. Pourtant, c’est un portrait syndical chamboulé qui en résultera. Les 136 tables de négociation seront abolies pour faire place à 6 tables nationales, 2 catégories venant s’ajouter aux 4 existantes. Les composantes syndicales visées (APTS, CSN, CSQ, FIQ et FTQ), seront appelées à prendre la tête de l’une ou l’autre de ces composantes. Cette lutte de rangement entre les composantes visées rendra encore plus difficile la vie syndicale dans les établissements, les organisations syndicales étant appelées à changer, les officiers et conseillers syndicaux seront appelés à être réaffectés à la suite des votes d’allégeance qui se tiendront.
La loi 15 est en vigueur depuis janvier dernier, Santé Québec se met en place tout comme les mesures d’austérité qui contraignent à un financement des dépenses inférieur aux coûts de l’inflation.
Comptabilité et gestion managériale des ressources humaines sont des ingrédients explosifs en santé. Une proposition du conciliateur au dossier vient d’être déposée. C’est une solution qu’il considère être un équilibre raisonnable entre les parties pour le renouvellement des conditions de travail.
Une réponse syndicale à cette nouvelle hypothèse de règlement est attendue prochainement.
Ghislaine Raymond
15 septembre 2024
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Un message, un commentaire ?