Édition du 23 avril 2024

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Environnement

La poursuite de 7$ millions de Résolu contre Greenpeace vise à bâillonner la critique

Greenpeace Canada a promis aujourd’hui qu’elle ne sera pas réduite au silence par la poursuite en diffamation de 7 millions de dollars intentée par la plus grosse multinationale forestière au Canada, Produits forestiers Résolu (TSX : RFP, anciennement AbitibiBowater).

Un nombre grandissant de groupes de défense des droits et de protection de l’environnement appuient Greenpeace face à ce qu’ils considèrent être une poursuite bâillon (SLAPP en anglais pour « Strategic Lawsuit Against Public Participation »). Une SLAPP vise en général à intimider et faire taire les citoyens et les groupes en les embourbant dans des procédures judiciaires lourdes et couteuses. Les groupes dénoncent cette tactique afin d’assurer que la société civile puisse être libre de s’exprimer sur les enjeux d’intérêt public.

« Nous sommes devant une attaque à la liberté d’expression par une multinationale qui tente de faire taire le mouvement environnemental face à ce qui se passe réellement dans nos forêts publiques » a dénoncé Nicolas Mainville, Directeur de Greenpeace Québec et responsable de la campagne Forêt. « Nous ne nous laisserons pas bâillonner par cette tactique d’intimidation et nous défendrons cette cause avec vigueur ».

Résolu, qui fait actuellement face à de nombreuses critiques des écologistes et des peuples autochtones, a déposé cette poursuite quelques jours après que sept groupes environnementaux aient cessé toute négociation avec la compagnie dans le cadre de l’Entente sur la forêt boréale. En parallèle, une semaine avant le dépôt de la poursuite, soit le 15 mai, le Grand Conseil des Cris déposait une plainte à l’international contestant la validité d’un certificat FSC de Résolu au Québec.

La liberté d’expression et la défense du bien commun sont des droits fondamentaux dans une société démocratique. Les organisations environnementales, les Nations autochtones et la société civile devraient pouvoir contribuer au débat public sans craindre d’être poursuivies en justice ou forcées au silence par des tactiques d’intimidation.

Greenpeace remarque qu’au Québec, où se situe le siège social de Résolu et la majorité de leurs opérations, la loi contre les poursuites bâillons de 2009 aurait probablement prévenu le succès d’une telle poursuite. Or Résolu a déposé sa poursuite à la Cour supérieure de l’Ontario.

« Les victoires contre les SLAPP au Québec devraient inspirer le gouvernement Ontarien afin de prévenir que des multinationales comme Résolu utilisent de telles tactiques qui briment la liberté d’expression et se servent de l’intimidation comme une arme de dissuasion citoyenne » a commenté André Bélisle, président de l’Association Québécoise de Lutte contre la Pollution Atmosphérique (AQLPA) et un des acteurs centraux ayant permis l’adoption de la loi anti-SLAPP au Québec.

« Résolu devrait défendre son bilan environnemental sur la scène publique plutôt que de vouloir faire taire ses critiques en les traînant en justice. Cette poursuite risque d’intimider les citoyens qui s’inquiètent de l’état de nos forêts publiques, une atteinte directe à un débat démocratique » a affirmé Ugo Lapointe, porte-parole de la coalition Québec meilleure mine, qui a lui-même subit et eu gain de cause au Québec contre une poursuite abusive en 2011.

« Une fois de plus, une entreprise utilise l’arène judiciaire pour faire taire un organisme qui fait un travail précieux pour la défense de nos forêts et pour le droit à l’information » a conclu Élodie Comtois des Éditions Écosociété, aussi victime de SLAPP. « La judiciarisation des questions politiques nuit à la démocratie et l’Ontario devrait se doter urgemment d’une loi anti-SLAPP afin de protéger la liberté d’expression des organismes et citoyens sur des questions d’intérêt public ».

Greenpeace révélait le mois dernier que Résolu est la forestière ayant le plus violé la Loi sur les Forêts au Québec dans la dernière décennie avec plus de 1,2 million de dollars d’amendes.

L’organisation s’est dite déterminée à continuer d’informer la population sur l’activité industrielle dans les forêts publiques du Québec et de l’Ontario et à promouvoir un aménagement forestier durable pour les forêts et les communautés.

Résolu doit suspendre ses opérations dans les forêts menacées et travailler en collaboration avec Greenpeace et les communautés pour compléter un plan de conservation et des aires protégées basées sur la science indépendante. Nous pouvons créer des solutions ensemble afin de nous assurer que le secteur forestier et les communautés restent viables tout en protégeant la forêt et l’habitat des espèces menacées comme le caribou forestier. Nous l’avons déjà fait par le passé. Nous pouvons le refaire ici aussi.

Nous ne serons pas bâillonné.

Les groupes appuyant Greenpeace à ce jour incluent : Alternatives, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), Centre québécois du droit de l’environnement, Éditions Écosociété, Ligue des Droits et Libertés, Nature Québec, Rainforest Action Network et Réseau Québécois des Groupes Écologistes (RQGE).

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