Édition du 26 mars 2024

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Politique canadienne

Le Canada : un État pétrolier délinquant et irresponsable

La formule, que je partage totalement, est de l’AQLPA. Elle a été reprise par le site français Enerzine.com à l’occasion de l’obscène campagne de lobbying des ministres du gouvernement Harper en Europe pour contester la volonté de l’Union européenne de classifier les sables bitumineux de plus polluant que le pétrole conventionnel. Pour contrer la « mise en scène frauduleuse et malhonnête dont le seul but est de cacher la vérité » du ministre canadien de l’environnement, Peter Kent, l’AQLPA a présenté l’inventaire national des sources de GES (1990-2011), démontrant hors de tout doute raisonnable que le gouvernement Harper trompe la population canadienne et le monde entier quand il tente de promouvoir son bulletin environnemental.

Les chiffres d’Environnement Canada indiquent que, si la tendance se maintient, avec le développement des sables bitumineux, le Canada ratera largement les objectifs qu’il s’est lui-même fixés, soit 720 mégatonnes en 2020 au lieu de 612 mégatonnes (l’objectif du Canada à Copenhague).

Les Européens n’ont pas été dupes : la responsable européenne de la lutte contre le climat, Connie Hedegaard, a servi une rebuffade aux deux ministres-lobbyistes qui se sont rendus en Europe pour dénoncer la fameuse « directive sur la qualité des carburants ». Si elle était adoptée telle quelle, cette directive classerait le brut dérivé des sables bitumineux dans une catégorie plus polluante que le pétrole classique, ce qui aurait pour effet de décourager son utilisation dans l’Union européenne. Selon le classement actuel, la production de ce type de pétrole génère 22% plus de gaz à effet de serre que du carburant classique. Comme les fournisseurs d’essence européens doivent réduire leurs émissions de 6% d’ici 2020, cette directive rendrait le brut canadien beaucoup moins attrayant pour les raffineurs.

« Je pense que tous les pays qui sont sérieux dans leur volonté de combattre les changements climatiques arriveraient à la même conclusion : il faut réduire les émissions dans tous les secteurs, y compris le carburant, » a affirmé Mme Hedegaard.

Le rapport d’Environnement Canada, cité précédemment (http://www.ledevoir.com/politique/canada/376109/le-bilan-de-ges-du-canada-se-deteriore-encore-un-peu), démontre clairement que la production pétrolière et gazière a contribué à la détérioration du bilan environnemental du Canada. Les sables bitumineux ont représenté 55 Mt (8 %) de toutes les émissions canadiennes de 2011, en hausse de 6 % en un an et de 62 % par rapport à 2005. Cette seule industrie contribue donc plus aux émissions que tout le parc automobile canadien (41 Mt). Si l’industrie réussit à développer son réseau de pipelines pour exporter ce pétrole à l’étranger, elle pourra ainsi doubler ou tripler sa production, donc les émissions de GES : 50 à 100 millions de tonnes de CO2 supplémentaires dans l’atmosphère ! Alors que même la Banque mondiale nous avertit du risque que nous courrons si nous continuons au même rythme, la politique énergétique canadienne est de la folie, c’est ni plus ni moins qu’un crime contre l’humanité.

Mais les évaluations faites par Greenpeace international sont plus alarmantes. En janvier dernier, l’organisation avertissait que, au rythme où se développent les projets d’exploitation d’énergies fossiles dans le monde, la planète se dirige tout droit vers un véritable « chaos climatique ». Le rapport de Greenpeace, intitulé Point de non-retour, analyse les impacts de 14 grands projets de production énergétique, dont les forages pétroliers et gaziers au Canada. Pour eux, le Canada fait partie du problème : l’exploitation des sables bitumineux se trouverait en effet au cinquième rang des pires projets en matière d’émissions de carbone, avec 420 millions de tonnes par année en 2020.

Dans ce contexte, on comprend difficilement comment le gouvernement du Québec peut négocier en toute bonne foi avec cette industrie. On parle de compenser les GES supplémentaires produites : mais de quelles émissions parle-t-on ? Compenser les émissions albertaines ? Ça n’a aucun sens. Le ROC est aveugle à cet enjeu et laisse faire cette industrie qui ‘enrichit’ le Canada… Compenser les émissions supplémentaires découlant de leur raffinage au Québec (on parle d’une part supplémentaire de 15% due au raffinage – du fait de la production de sous-produits à haut contenu de carbone, le ‘petcoke’.) ? Ça reste envisageable, mais ça ne change pas le fait que l’exploitation des sables bitumineux émet 22% de plus de CO2, qui eux ne seront pas compensés.

Tout cela nous apparaît inacceptable. La seule réponse logique pour le Québec est un NON catégorique aux sables bitumineux.

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